Trois cours pour un poumon vert

Les vacances invitent à la promenade dans la forêt de Soignes, poumon vert de la capitale et enclave verte s’étendant dans trois Régions. Qui – tout arrive – ont eu à cour de s’entendre pour mieux la gérer.

C’est bien connu : les arbres, les fleurs et le gibier ignorent les frontières. En enjambant nos frontières linguistiques, elles risquent évidemment de s’exposer à des situations ubuesques, mais, heureusement, des lois, décrets, directives et même la Constitution sont leurs alliés. Des lois spéciales imposent la concertation sur ces espaces de nature et sur ces forêts qui ne s’arrêtent pas de pousser là où une autorité prend le relais de l’autre… Mais qui sait comment les textes seront interprétés ?

 » Les zones frontalières sont souvent sous pression « , confirme Benoît Lutgen, ministre wallon sortant de l’Agriculture. Si les forêts sont généralement bien protégées, car classées,  » il y a des pressions foncières sur les terres agricoles, qui sont en partie moins bien défendues « .

Non loin des centres urbains, la verdure attire les promoteurs immobiliers, tandis que l’espace séduit les entreprises. Ces espaces de nature, aux abords de zones urbaines, sont pourtant importants en tant que tels, pour ce qu’ils apportent de biodiversité et de lieux de détente. Autour de Bruxelles, trois concertations structurelles entre Régions sont organisées : pour le bois de Halle, celui de Meerdael, à l’est de Louvain, et la forêt de Soignes. Les deux premières se déroulent sur le terrain, entre responsables locaux.

La forêt de Soignes constitue un cas particulier.  » Elle est implantée sur trois Régions aux caractéristiques humaines, politiques et législatives différentes. Les règles régissant la gestion de la forêt varient donc quelque peu.  » En termes à peinevoilés, le site de la Plateforme de la Forêt de Soignes (www.soignes-zonien.net), qui émane de la Région bruxelloise, évoque l’ampleur des difficultés de la gestion à trois.

 » Plus il y a de parties impliquées, plus la gestion devient compliquée « , abonde l’administrateur régional de l’Agence Nature et bois de la Région flamande, Patrick Huvenne. Promeneurs du dimanche, sachez par exemple qu’on ne balade pas son chien dans la forêt de Soignes-Zoniënwoud bruxelloise (38 % du territoire) comme dans la forêt de Soignes wallonne (6 % du territoire) ou dans la Zoniënwoud flamande (56 % du territoire). Sachez aussi que si vous traversez la forêt et les espaces boisés qui la jouxtent (bois de la Cambre, parc Solvay, parc de Tervuren, Donation royale), soit au total près de 5 000 hectares du  » massif  » sonien, vous foulerez du pied le territoire de cinq autorités compétentes différentes. Cependant, pour gérer la majeure partie de ce territoire, les Régions sont compétentes.

Les responsables politiques régionaux sont conscients des nuisances subies par ces précieux hectares : ring, voies d’accès à la capitale, élargissement du chemin de fer pour le RER, etc.  » La forêt de Soignes est entourée d’infrastructures urbaines. Le conflit entre urbanisation et maintien des bois ne date pas d’aujourd’hui « , constate Filip Hubin, responsable pour le Brabant flamand de la communication de la Régionflamande. Mais les Régions reconnaissent également l’importance écologique, sociale, éducative et économique de la forêt. Enfin, elles ont marqué leur volonté de s’attaquer aux problèmes transfrontaliers, tels que l’écoulement des eaux dont l’abondance dans une Région provoque des dégâts dans d’autres.

Gestion commune

La Flandre, Bruxelles et la Wallonie se sont donc entendues pour conjuguer leurs efforts et mettre sur pied une gestion commune.  » C’est assez novateur « , indique Stéphane Vanwijnsberghe, responsable du service Nature et forêt de Bruxelles-Environnement, en charge des arpents bruxellois du massif.

Plusieurs mois de réflexion ont servi à dresser la liste des problèmes auxquels la forêt est confrontée, et des opportunités qu’elle offre. Des propositions ont été formulées pour renforcer la protection de la forêt. Le 10 novembre 2008, un  » schéma de structure de la forêt de Soignes  » a été présenté, qui développe les principes de gestion communs, et approuvé par les trois ministres compétents, Evelyne Huytebroeck (Bruxelles), Hilde Crevits (Flandre) et Benoît Lutgen (Wallonie).

Objectifs : meilleur accueil du public en vue de préserver le système écologique, lutte contre le morcellement du domaine par les grands axes, harmonisation de la signalisation et du balisage ainsi que des règlements en vigueur dans les différentes parcelles, et développement d’une plate-forme commune de gestion.

A terme, les lieux d’accès à la forêt devraient diminuer en nombre, mais répondre davantage aux besoins des promeneurs : aujourd’hui, ils garent leurs voitures et entrent dans le bois à peu près où ils veulent. La signalisation et le balisage des chemins devraient être uniformisés, et, petit à petit, l’aménagement des voies d’accès à Bruxelles devrait être compensé par des écoducs et des écotunnels permettant au gibier et aux promeneurs de circuler entre les parties séparées des bois. La coordinatrice de la Plateforme, Barbara de Radiguès, estime que l’application de ces bonnes intentions donnera une structure à une concertation qui, jusqu’à présent, dépendait de la volonté de communiquer entre les responsables locaux des Régions, et permettra des recherches communes sur le massif, alors que, menées séparément, celles-ci sont, par la force des choses, moins efficaces.

Ce projet doit encore être avalisé par les gouvernements,  » lors de la prochaine législature, vu qu’il nécessite la mise à disposition de moyens et de budgets « , explique Stephane Vanwijnsberghe. Les trouvera-t-on lors des négociations gouvernementales en cours ?

Gérald de Hemptinne

Même les règles de promenade diffèrent d’une région à l’autre

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire