Touche pas à ma voiture !

Plus d’un salarié sur deux bénéficie d’une voiture de société. C’est une composante majeure de la rémunération, dont les Belges ne veulent manifestement pas se passer, comme le prouve notre enquête exclusive.

La Belgique, on le dit souvent, fait figure d’exception dans le paysage mondial des avantages en nature octroyés par les entreprises à leurs salariés. Non qu’il y en ait particulièrement plus ou moins qu’ailleurs. Mais parmi ces avantages, la voiture de société continue à se tailler la part du lion. Et comme le montre notre enquête Le Vif/L’Express/Mercedes réalisée par Internet auprès de 6 898 répondants, dont 2 261 francophones (32,8 %), sauf modification radicale de la politique fiscale en la matière, ce n’est pas près de changer. En voici les principaux enseignements.

Des disparités hommes-femmes

Les répondants ayant été interrogés sur leur niveau de rémunération mensuelle brute, force est de constater qu’on est encore loin de l’égalité salariale en Belgique, au sud comme au nord du pays. Certes, les trois quarts des sondés sont masculins, ce qui peut s’expliquer  » par un intérêt plus marqué de la part des hommes pour les questions relatives aux voitures de société « , commentent les auteurs de l’étude.

N’empêche, les femmes sont clairement plus nombreuses que les hommes, en proportion, dans les tranches de salaire inférieures : 11 % des répondantes gagnent moins de 2 000 euros brut par mois contre 4 % des répondants, les pourcentages grimpent à 26 % contre 14 % dans la tranche 2 000 à 3 000 euros et se réduisent au-delà de 4 000 euros de salaire (voir tableau 1).

Dans le même ordre d’idées, on notera que les femmes sont moins enclines que les hommes à bénéficier d’une voiture de société : moins d’un tiers (30,4 %) d’entre elles en disposent, pour plus de la moitié chez leurs homologues masculins (55,4 %). Si l’on ne tient compte que des répondants actifs (ni pensionnés ni chômeurs), les chiffres grimpent respectivement à 39 % (femmes) et 68 % (hommes). Quasi du simple au double.

Quels avantages en nature ?

L’enquête confirme que la panoplie des entreprises s’est étoffée lorsqu’il s’agit d’octroyer à leur personnel des compléments extra-salariaux. Mais ce sont toujours les mêmes qui tiennent le haut du pavé (tableau 2).

Voici le quinté, dans l’ordre, tous salariés confondus :

1. Voiture de société (62 % des répondants actifs en ont une).

2.  » Extras « , à savoir PC, GSM ou équivalent gratuit (58 %).

3. 13e et/ou 14e mois (57 %).

4. Assurance hospitalisation (57 %) et/ou assurance groupe (56 %).

5. Chèques-repas (53 %).

Puis viennent les remboursements de frais, congés complémentaires, bonus, primes et autres participations aux bénéfices, etc. Au niveau national, moins d’un salarié sur dix ne reçoit aucun complément de salaire. Les employeurs néerlandophones sont cependant plus généreux : côté francophone, près de 14 % des sondés disent ne rien recevoir, contre seulement 7 % au nord du pays. L’écart se vérifie avantage par avantage : 57 % des salariés francophones ont un véhicule de société contre 63,5 % en Flandre, 47 % bénéficient d’une assurance groupe (pension complémentaire et/ou assurance hospitalisation) au sud contre 61 % au nord et pour les notes de frais, on est à 37 contre 53 %… Et ici encore, les hommes sont privilégiés par rapport aux femmes.

Quant à savoir si ces avantages correspondent aux envies des salariés, c’est manifestement oui : 56 % privilégient la voiture de société (59 % côté francophone), 30 % la pension complémentaire (34 % des francophones), 23 % le GSM ou le PC gratuit, 22 % les chèques-repas… Autre enseignement : plus on est jeune, plus on souhaite une voiture de société, plus on est âgé, plus on privilégie le 2e pilier de pension. Au fond, quoi de plus logique ?

La voiture de société

On l’a vu, la voiture de société reste donc plébiscitée aussi bien par les salariés que par leurs employeurs. C’est un symbole plus qu’un besoin : l’enquête montre qu’il y a peu de corrélation entre le fait d’en posséder une et celui de l’utiliser à des fins professionnelles. En revanche, l’impact de cette singularité belge sur la mobilité et les modes de déplacement est très net : 82 % des gens qui ont une voiture de société l’utilisent tous les jours pour aller travailler alors que ceux qui roulent avec leur voiture ne sont que 59 % à se rendre quotidiennement au boulot avec elle. Cela se répercute au compteur : plus de 85 % des premiers roulent plus de 20 000 km par an, contre moins de 50 % pour les seconds. Et c’est aussi vrai au nord et au sud du pays.

Côté budget, les entreprises se montrent plutôt généreuses. Les cinq marques de voitures de société les plus répandues sont, dans l’ordre : BMW, Audi, Mercedes, VW et Volvo. Et ce sont, dans le même ordre, celles que privilégieraient les répondants s’ils devaient en choisir une nouvelle aujourd’hui. Mais dans des proportions encore plus élevées… Enfin, l’immense majorité (93 %) des bénéficiaires reçoit aussi une carte essence, pour un quart utilisable dans toute l’Europe.

Au rayon nouveautés, c’est l’environnement qui s’invite dans les choix : non seulement les employeurs incitent plus volontiers leurs troupes à choisir des véhicules basse émission, mais ils se montrent (un peu) plus ouverts aux véhicules électriques et hybrides. Même si le diesel reste obligatoire dans… 47 % des cas !

L’impact de la crise

La politique des entreprises en matière de voitures de société subit-elle l’impact de la crise ? Pas au point de renoncer à octroyer cet avantage à leurs employés. Mais tout de même dans une certaine mesure, à en croire les personnes interrogées (tableau 4). L’impact le plus important frappe la durée de vie des véhicules (ou des leasings) : le tiers des sondés affirme devoir désormais conserver la même voiture plus longtemps. Ils sont 18 % à avoir vu leur budget raboté et 16 % leur choix réduit. D’autres le formulent autrement : modèles plus petits, finies les voitures sportives, moins d’options ou une plus grosse franchise en cas d’accident. Seuls 31 % des sondés n’ont pas (encore) senti passer le vent du boulet. Côté francophone, ce chiffre descend à 29 %… Autre leçon : les salariés plus âgés sont aussi les plus touchés. Manifestement, la voiture de société reste un argument fort pour attirer (ou conserver) les jeunes talents.

L’attachement aux symboles

La preuve ? A la question :  » Que feriez-vous si votre employeur ne vous offrait plus de voiture de société ? « , 70 % des 25-34 ans affirment… qu’ils en chercheraient un autre plus généreux (tableau 5) ! Tous âges confondus, la moitié des répondants ferait la même chose, qu’ils soient francophones ou néerlandophones. Et rares sont ceux qui renonceraient à l’automobile : 75 % des sondés (80 % côté francophones) achèteraient une voiture pour se rendre au boulot, 18 % seulement affirmant qu’ils privilégieraient les transports en commun ou le carpooling. Avec 24 %, les francophones sont plus nombreux à privilégier l’une de ces deux hypothèses. Mais pour ce qui est de l’attachement à la voiture (de société ou non), il y a peu de différences hommes-femmes.

Par Philippe Berkenbaum; Ph.B.

La voiture de société reste un argument fort pour attirer (ou conserver) les jeunes talents

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire