Thierry Giet  » Le numéro 1 du PS, c’est moi, jusqu’en 2014 « 

Le président du Parti socialiste, Thierry Giet, réaffirme son autorité face aux rumeurs qui le donnent bientôt en partance.  » J’irai au bout de mon mandat « , soutient-il.

Thierry Giet, c’est un peu l’anti-Philippe Moureaux. Autant le second peut se montrer brutal et coupant, autant le premier cultive la pondération et le sens du compromis. Le sénateur molenbeekois, marxiste devant l’Eternel, ne dédaigne ni la provoc ni l’outrance. Le député liégeois, au contraire, professe un pragmatisme d’airain, au risque de la langue de bois. Jamais, sans doute, n’avait-il imaginé prendre la tête de son parti. C’est pourtant lui qui détient, depuis sept mois, les clés du 13, boulevard de l’Empereur. A une nuance près : il n’est que président  » faisant fonction « , le vrai maître des lieux s’appelle toujours Elio Di Rupo. Fragilisé par les sondages, qui donnent le PS en recul, malmené par les informations de La Libre Belgique, selon lesquelles son cabinet d’avocats aurait défendu la Région wallonne à trois reprises en 2012, Thierry Giet doit aussi affronter la colère de la FGTB, qui n’avale pas la  » chasse aux chômeurs  » menée par le gouvernement fédéral. Cerise sur le gâteau : des rumeurs insinuent qu’il pourrait quitter sa fonction à l’issue des élections communales. Mais l’homme, posé par nature, affable comme toujours, assure tenir le cap sans frémir.

Le Vif/L’Express : Vous êtes président  » faisant fonction  » du Parti socialiste, tandis qu’Elio Di Rupo reste le président en titre. Pourquoi cette curieuse répartition des rôles ?

Thierry Giet : Au mois de décembre, le pays était dans les turbulences. On sortait d’une crise dramatique. La priorité était d’apaiser le pays. Il y avait aussi les élections communales du 14 octobre qui se profilaient à l’horizon. Ce n’était pas le moment de perdre du temps en organisant des élections internes.

Pour quelle raison Elio Di Rupo a-t-il fait appel à vous ?

Je ne sais pas. Je n’ai pas l’habitude de me donner un auto-satisfecit. Je répondais sans doute à un certain profil de calme, de sérénité.

Aujourd’hui, qui est le premier homme du PS : Elio Di Rupo ou Thierry Giet ?

Moi, je suis au boulevard de l’Empereur comme président du parti et je joue mon rôle comme tel.

Donc le n° 1, c’est vous ?

Oui. Bien sûr. C’est comme ça que je le vis, et c’est comme ça, je crois, que les autres mandataires socialistes le vivent. Ce qui m’étonne toujours, c’est que certains perçoivent le président du PS comme un dictateur, un chef qui impose sa volonté, au sommet d’une organisation pyramidale. Mais le PS ne fonctionne pas du tout comme ça, ni avec moi ni avec Elio Di Rupo. Le président travaille avec le bureau du parti, avec les chefs de groupe, avec les présidents de fédération, jamais seul.

Le PS pourrait-il procéder, après les élections communales, à une élection interne pour désigner un  » vrai  » président ?

La question ne se pose pas. Je suis là pour terminer le mandat.

Quoi qu’il arrive, vous resterez au boulevard de l’Empereur jusqu’en 2014 ?

Oui. En tout cas, moi, depuis le début, je m’inscris dans cette perspective-là. La décision du bureau, c’est celle-là.

Le ministre wallon de l’Economie, Jean-Claude Marcourt, n’a pas exclu de réévaluer la situation après le scrutin communal.

L’expression est libre. J’entends les propos de Jean-Claude. Moi, je pars avec l’idée de terminer mon mandat en 2014, pas avant. J’aurai la mission de mettre le parti en ordre de marche pour les élections communales, mais aussi pour les élections fédérales et régionales de 2014, ô combien importantes.

A ce propos, la N-VA est créditée de 37 % des intentions de vote dans le dernier baromètre RTL-Le Soir, un score supérieur à ses 28 % de juin 2010. Une telle suprématie des nationalistes flamands, cela doit vous donner des sueurs froides.

Nous avons fait campagne en 2010 sur le fait que nous souhaitions apporter de la stabilité au pays. Engagement tenu : la Belgique a aujourd’hui un gouvernement et un accord institutionnel. Ce que nous voulons, c’est pouvoir mettre en place la réforme de l’Etat et aller jusqu’aux élections de 2014. Bien sûr, on ne peut pas rester indifférent aux sondages, on voit bien que la N-VA reste à un niveau très élevé. Mais je pense que la meilleure réponse, c’est d’engranger les accords, les réformes. Nous sommes en train de le faire : la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde vient d’être votée en commission. J’espère qu’alors l’électeur flamand se rendra compte qu’on travaille, qu’on construit, qu’on apaise, et qu’on fait en sorte que l’avenir soit meilleur.

Le gouvernement fédéral a décidé de renforcer le contrôle des chômeurs et de diminuer le montant de leurs allocations tous les six mois. Ces décisions, elles vous déplaisent et vous les acceptez parce qu’elles vous ont été imposées par les partis libéraux et centristes ? Ou estimez-vous qu’elles sont nécessaires pour dynamiser le marché de l’emploi et remotiver les chômeurs ?

Pas d’ambiguïté : ce ne sont pas nos mesures ! Ce n’est évidemment pas en secouant les chômeurs qu’on va créer de l’emploi. Le vrai problème, il est de créer des emplois. Oui, il faut de la rigueur budgétaire. Par le passé, nous avons participé à des gouvernements qui ont diminué considérablement la dette publique. Mais au-delà de ça, il faut de la relance, pour créer de l’emploi. Et j’insiste : il est exclu que les travailleurs et les allocataires sociaux paient ce plan de relance. Accroître la flexibilité sur le marché du travail, ce n’est pas du tout notre point de vue. S’il faut des moyens, eh bien, cherchons de nouvelles recettes, par exemple en taxant le capital.

Sur le fond, vous restez opposé au principe de rendre les allocations de chômage fortement dégressives dans le temps ?

Bien sûr. Ces mesures résultent d’un accord de gouvernement entre six partis, mais ce ne sont pas les nôtres. Nous, nous avons choisi de participer à ce gouvernement pour stabiliser le pays et préserver notre modèle social, notamment l’indexation automatique des salaires. Regardez les plans d’économies qui sont appliqués tout autour de nous ! De nombreux pays européens ont pris des mesures beaucoup plus dures que la Belgique. Nous, on n’a pas touché aux soins de santé, on n’a pas augmenté la TVA.

Vous venez de dévoiler le slogan du PS pour les élections communales :  » Vous avez le pouvoir « . N’est-ce pas faire preuve d’une naïveté crasse ? Ce sont les marchés financiers, les agences de notation, les dirigeants des multinationales, éventuellement Barack Obama et Angela Merkel, qui détiennent le vrai pouvoir. Pas les citoyens belges.

Je comprends que, dans la situation actuelle, le citoyen soit perturbé. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons choisi ce slogan.

 » Dans notre Europe malade, l’avenir des peuples a-t-il encore le moindre poids ?  » s’interrogeait récemment Philippe Moureaux, dans une carte blanche au Soir.

Il est normal qu’on se pose la question. Sauf que quand Elio Di Rupo et François Hollande se rendent à des sommets européens, ils apportent une voix différente. Même si c’est insuffisant et qu’il faudrait que d’autres les rejoignent.

Votre slogan rappelle celui de Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle française :  » Prenez le pouvoir ! « .

Prendre le pouvoir, c’est plus loin, c’est plus tard. Nous, nous disons : vous l’avez. C’est maintenant que ça se joue.

Cela illustre-t-il la différence entre une gauche gestionnaire, pragmatique, comme le PS belge, et une gauche plus radicale, qu’incarne Mélenchon ?

Ne nous trompons pas, l’idéal et les valeurs sont les mêmes. Au PS, nos convictions sont à gauche. De ce point de vue-là, il n’y a pas de différence. Les valeurs de Mélenchon, ce sont les miennes. Lorsque la croissance était au rendez-vous, le Parti socialiste, au gouvernement, a été le fer de lance de nouvelles conquêtes sociales. Je pense par exemple au congé de paternité. On était à l’offensive. Aujourd’hui, les temps sont plus durs. Alors, nous acceptons d’être rigoureux sur le plan budgétaire. Et nous sommes le rempart pour protéger notre modèle social.

Les derniers sondages indiquent une progression du PTB. Vous craignez une percée de l’extrême gauche en octobre prochain ?

Ces militants du PTB, au fond, ils partagent également mes valeurs. Il y a une différence dans la façon d’aborder les problèmes, mais les convictions profondes sont les mêmes.

Sur le plan de l’immigration, faites-vous partie de ceux qui pensent qu’il faut limiter l’entrée de nouveaux arrivants en temps de crise, compte tenu de la raréfaction des emplois ?

Il faut appliquer la législation. L’immigration légale, c’est l’immigration légale. Et concernant l’immigration illégale, nous avons toujours demandé que ceux qui sont engagés dans des procédures reçoivent une réponse la plus rapide possible.

Pour vous, il n’est pas nécessaire d’adapter la politique migratoire à la situation économique ? On peut supposer que la crise ne favorise pas l’intégration des personnes étrangères sur le sol belge.

Vous savez, j’ai un grand regret : être obligé de traiter d’un sujet aussi important à partir de petites phrases assassines, comme M. Reynders en a le secret. Mais si vous voulez parler du parcours d’intégration, n’imaginez surtout pas que les étrangers qui vivent chez nous y sont opposés. Au contraire, cette population est demanderesse d’un parcours d’intégration.

Sur les ondes de la RTBF, le ministre-président bruxellois Charles Picqué s’est déclaré favorable à la mise en place du côté francophone d’un parcours d’intégration partiellement obligatoire. Qu’en pensez-vous ?

Mettons-le en place, voyons comment ça se passe. Le rendre obligatoire pour tout le monde ? Prenons l’exemple d’un Congolais francophone, qui a fait des études, vous croyez qu’il en a encore besoin ? Ce débat sur le caractère obligatoire du parcours d’intégration, est-ce un vrai débat ? J’ai des doutes. Et puis, permettez-moi cette observation : les jeunes extrémistes du groupuscule Sharia4Belgium, ils viennent d’Anvers. Et pourtant, en Flandre, le parcours d’intégration est obligatoire… Visiblement, l’un n’a pas empêché l’autre.

Entretien : François Brabant

 » Ce n’est pas en secouant les chômeurs qu’on va créer de l’emploi ! « 

 » Les valeurs de Mélenchon et du PTB, ce sont aussi les miennes « 

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