Terre ceinte

Christian Makarian

Après huit jours de visite en Jordanie et en  » Terre sainte « , Benoît XVI semble avoir laissé derrière lui une triple déception. Pour une bonne partie de l’opinion juive, il n’a pas su déployer d’emblée l’émotion qu’on aurait pu attendre d’un pape allemand en visite en Israël – événement proprement historique. Aux yeux des musulmans radicaux, il n’a pas effacé l’impression laissée par la fameuse déclaration de Ratisbonne, dans laquelle il avait mis en exergue, en faveur du christianisme, la différence fondamentale entre le message des Evangiles et celui du Coran. Quant aux chrétiens orientaux, qu’il a pourtant vivement encouragés et soutenus, le souverain pontife n’est plus en mesure d’arrêter leur exode inexorable.

A y regarder de plus près, pourtant, il paraît plus juste de parler de frustration que de déception. Car ce voyage a fait éclater au grand jour le besoin immense d’un magistère universel. Derrière les attentes exprimées par les diverses familles monothéistes apparaît le vide laissé au Proche-Orient par l’absence générale de leadership moral, l’effondrement de toute perspective globale, la disparition du désir de vivre ensemble. Le besoin de reconnaissance de chaque communauté et l’espoir d’un discours qui lui serait spécifiquement favorable soulignent cruellement combien chacun se sent ignoré, méprisé ou menacé. Entre juifs et Arabes, il est convenu de pointer du doigt l’insuffisance, bien partagée, de tous les dirigeants : aucun n’a assez d’autorité pour donner à son peuple une orientation d’avenir. L’encerclement d’Israël par les man£uvres de l’Iran, le mur dressé autour de la Cisjordanie, l’enfermement de Gaza exacerbé par le Hamas, l’isolement du président palestinien, Mahmoud Abbas, ont fait de cette région, complètement bloquée, une  » Terre ceinte « . C’est dans ce contexte que le roi Abdallah de Jordanie s’est risqué à une prophétie de plus :  » Si nous retardons nos négociations de paix, alors il y aura un conflit entre les Arabes ou les musulmans et Israël dans les 12 à 18 prochains mois.  » Ce n’est évidemment pas au pape qu’il revient de répondre à ce défi ; et il n’est pas du ressort d’une autorité rabbinique, encore moins du dessein d’un mufti, d’incarner une mission de paix entre les parties. Une fois encore, tous les regards se tournent vers l’Amérique de Barack Obama, qui joue là le match, tout simplement vital, de l’apaisement mondial. n

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