Stop aux jeux d’influence !

Les enquêteurs fiscaux ne veulent plus qu’on leur mette des bâtons dans les roues. Et ils le font savoir. Un message inédit et musclé adressé à Reynders et aux politiques.

Du jamais-vu ! Le 17 février, plusieurs fiscards, et non des moindres, ont convié la presse, sous la houlette du syndicat UNSP-Finances. Sur la table, un document intitulé  » Rapport intermédiaire de la Commission parlementaire d’enquête sur la grande fraude fiscale « . Officiellement, cette organisation syndicale – la plus représentative des fonctionnaires du fisc – souhaite donner un coup de pouce à la commission d’enquête, en avançant une série de propositions lourdes de sens. Entre les lignes, comprenez : il s’agit d’éviter que les travaux de la commission ne tournent au flop total et que ses conclusions, attendues pour Pâques, ne soient trop mièvres et, donc, inutiles.

Dans les coulisses du Parlement, on apprend d’ailleurs que l’examen, par la commission, de l’énorme enquête KB-Lux (une fraude de 150 millions d’euros) est tombé aux oubliettes. Sans qu’aucune justification soit avancée. Les enquêtes sur les sociétés de liquidités (1 milliard d’euros) ont, elles aussi, failli passer à la trappe…

Visiblement, la presse s’intéresse peu aux débats complexes sur la grande fraude fiscale, trop peu au goût des commissaires et cela les démotive. Il faut dire que la plupart d’entre eux, à l’exception du SP. A et d’Ecolo, ne montrent déjà guère d’ardeur à la tâche et se distinguent par leur silence face aux témoins auditionnés ( lire Le Vif/L’Express du 28 novembre 2008). En outre, la commission Fortis, sans même être rentrée dans le vif du sujet, a pris le devant de la scène.

Découragement

Bref, pour l’UNSP, il fallait sauver les meubles d’autant que le syndicat faisait partie des principaux signataires de la pétition réclamant la création de la commission d’enquête parlementaire.  » Les agents contrôleurs du fisc sont de plus en plus découragés, commente Albert Van De Sande de l’UNSP. Il faut leur rendre une certaine confiance. Seuls les partis politiques peuvent y arriver.  » Et le syndicat de marquer le coup.

Parmi les propositions avancées à la lumière des travaux de la commission, la plus frappante est sans conteste la demande d’un cadre légal transparent pour éviter les jeux d’influence pernicieux de la hiérarchie et de l’autorité politique. Evidemment, l’ancien ministre des Finances Philippe Maystadt et les soupçons de son immixtion dans la fameuse amende KB (en 1995) apparaissent en toile de fond de cette suggestion sensible. Cela dit, les interventions du politique dans le traitement d’un dossier fiscal important restent un problème actuel. Et régulier, selon l’UNSP.

 » Il y a deux manières d’empêcher un dossier fiscal d’aboutir, explique Van De Sande. Soit via le droit et les jeux procéduriers, soit via les influences. D’où notre volonté d’interdire, sous peine de sanction pénale, toute démarche du ministère ou de notre hiérarchie avec un contribuable, sans que les agents traitant le dossier soient présents.  » Ah, bon ! Cela ne se passe pas comme ça d’habitude ?  » Pas vraiment « , sourit le syndicaliste. Quant aux contribuables qui tentent de faire jouer les pistons, aucun nom n’est cité, secret professionnel oblige. Mais il s’agit de sociétés ayant pignon sur rue, murmurent les fiscards.

A l’heure où l’administration fiscale s’est fortement politisée, l’UNSP souhaite établir de nouvelles règles de transparence. Et pourquoi pas envisager un contrôle parlementaire des activités du fisc via un comité F ? Toutes ces suggestions devraient interpeller Didier Reynders, aux commandes des Finances depuis près de dix ans. Depuis son arrivée au ministère, le Comité anti-fraude (CAF) ne s’est plus réuni avec les syndicats. Or ces réunions permettaient justement de pousser des dossiers fiscaux délicats qui n’auraient pu avancer autrement.

Thierry Denoël

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