De notre envoyé spécial
Comme début de vacances, on peut rêver mieux. Pendant 36 heures, les vacanciers du Corfu Imperial Hotel se sont retrouvés coincés par les convois de limousines qui ont pris d’assaut les routes étroites et serpentines aux alentours du palace. A bord, une cinquantaine de ministres européens des Affaires étrangères venus assister à la réunion ministérielle de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), dont la Grèce occupe la présidence. Dans le grand hall de l’hôtel, les touristes en short ont enduré avec patience le brouhaha d’une nuée de diplomates costumés. Mais pas forcément cravatés : c’est toute la subtile différence entre les réunions » formelles » et » informelles « .
Pas de baignade pour les négociateurs, même s’ils se sont vite retrouvés dans le bain. Car les rencontres se sont enchaînées : OSCE, mais aussi UE-Iran, et surtout le conseil Otan-Russie, qui ne s’était plus réuni depuis l’intervention russe en Géorgie en août 2008. Pour quelles conclusions ? Plutôt mitigées. » The meeting is the message « , a résumé un Karel De Gucht toujours aussi direct. Autrement dit, la coopération politique et militaire a repris, mais sans grand contenu. La Géorgie reste une pomme de discorde, et le ministre Sergueï Lavrov a confirmé la reconnaissance » irréversible » par la Russie des républiques sécessionnistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. » C’est un dialogue de sourds « , résume De Gucht, Moscou accusant l’Otan de vouloir empiéter sur son » empire « .
Et le sommet de l’OSCE ? Héritière de la conférence d’Helsinki (1975), qui préluda à la détente Est-Ouest, cette organisation de 56 pays, dont les Etats-Unis et le Canada, déploie ses activités dans toutes les dimensions de la sécurité, y compris l’énergie, l’environnement et les droits humains. Mais le cas géorgien joue, là aussi, les trouble-fête. Ainsi, aucun consensus n’a pu être trouvé sur le maintien d’une mission OSCE en Géorgie. Certains diplomates occidentaux redoutent que l’absence d’observateurs ne crée les conditions propices à de nouveaux affrontements. » La vision d’un continent uni, bâti sur une sécurité indivisible, demeure un objectif plus qu’une réalité « , constate la ministre grecque Dora Bakoyannis.
Alors, une rencontre pour rien ? Restons positifs : les diplomates ont repris langue, et les touristes ont pu apercevoir non pas Hillary Clinton, restée aux Etats-Unis après s’être cassé le coude, mais bien… Silvio Berlusconi, seul chef de gouvernement à avoir fait le déplacement. Que faisait-il donc là ? Officiellement, rabibocher les relations entre la Russie et l’Otan, avec le succès que l’on sait. Officieusement, faire oublier ses roucoulades extraconjugales. On ne sait toutefois s’il a résisté au pouvoir aphrodisiaque de Corfou. l
François Janne d’Othée