Seulement de l’arrogance ?

En  » coupant le son « , le psychologue politique René Zayan décortique le langage non verbal qui, en Belgique, compte plus que le brio intellectuel. Sur la sellette,  » Didier « …

Didier Reynders aurait dû naître français. Mieux : parisien. Il partage avec les habitants de la capitale française le même goût pour les joutes verbales, avec un débit de paroles (250 mots à la minute) qui est aux normes parisiennes, mais certainement pas comparable à celui de la France profonde. A fortiori de la Belgique. L’homme serait arro-gant. L’affaire a été coulée en forme de préjugé.

On l’a déjà éclairé mille fois sur cet aspect de sa personnalité, mais sans succès. Professeur de psychologie politique (UCL), René Zayan a détaillé pour Le Vif/L’Express ce qui, dans le langage non verbal du ministre des Finances (MR), tient les gens à distance.  » Il est perçu comme moqueur, voire méprisant, alors qu’en matière d’humour les Belges sont plutôt goguenards. Il ne rit pas, ne fait pas rire, ne pratique pas l’autodérision. Ses mimiques sont éloquentes : il a un seul sourcil relevé, comme le coin de sa lèvre supérieure. Dans les débats, il écoute distraitement, les bras croisés – un signe de fermeture -, et il n’hésite pas à interrompre ses interlocuteurs, particulièrement les femmes. Lorsqu’il répond, il a un regard direct et cligne très peu des yeux, ce qui le rend peu expressif et froid comme, en France, Alain Juppé et Dominique de Villepin, qui souffrent de la même forme de psychorigidité sociale. « 

En revanche, toujours selon Zayan, qui a présenté sa grille de décodage dans le documentaire de Canal + (2007) Coupez le son ! Le charisme politique, Didier Reynders dispose abondamment des qualités d’autorité et de dominance. Elles sont les ingré-dients indispensables au leadership, mais celui-ci, sans la popularité, reste incomplet.  » Il ne manifeste pas d’empathie ni de compassion, ce qui est le contraire de ce qu’il est, je peux en témoigner, dans sa vie sociale normale « , poursuit le psychologue. Ce déficit de communication l’empêche d’assumer l’un des rôles principaux de l’homme politique : rassurer.

Reynders en Flandre : un bouc émissaire

 » Ses prestations télévisées dans la saga Fortis ont été présentées, sans le son, à des étudiants français, qui ne le connaissaient pas, ainsi qu’à des étudiants belges. Aux yeux des premiers, il est apparu très compétent (94 %), un peu moins pour les Belges (78 %), dont 22 % le jugeaient arrogant (22 %). Yves Leterme faisait figure de suiveur. Les deux cadres de Fortis, Filip Dierckx et Herman Verwilst, étaient perçus respectivement comme dominé ou dépressif. « 

Injuste, alors, l’opinion publique ?  » Dans le contexte actuel, avance le Pr Zayan, le peuple est persuadé qu’on lui ment tout le temps. Les managers de Fortis, d’abord, depuis fin 2008, et déjà en septembre 2007. Yves Leterme, ensuite, dans ses rapports avec la justice. Maintenant, on soupçonne Didier Reynders pour ces 125 millions d’actions qu’il aurait souhaité utiliser lors de l’assemblée générale du 11 février dernier ( NDLR : formellement, c’est la Fortis Banque qui souhaitait ce vote, dont la simple évocation a été perçue comme une tentative de manipulation). En Flandre, il est le bouc émissaire par excellence, car il a vendu Fortis, c’est-à-dire la Belgique, à l’ennemi héréditaire, les Pays-Bas, et à la France, dont on sait ce qu’elle représente dans l’imaginaire flamand. Ce n’est pas un hasard s’il est surtout critiqué par les actionnaires flamandsà  »

Depuis quelque temps, Didier Reynders a ajouté un nouveau geste à son répertoire non verbal : un haussement spasmodique d’épaule, comme si la force de sa parole ne suffisait plus à convaincre.  » C’est la marque d’une plus grande réactivité émotionnelle, d’une anxiété ou d’un embarras, commente René Zayan. Il a pu également emprunter ce tic, par mimétisme, à son copain Sarkozy. « 

Marie-Cécile Royen

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