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 » Se faire tester doit devenir un acte tout à fait banal. « 

Le traitement médicamenteux du VIH a fait de formidables progrès, passant de la prise de nombreux comprimés avec leur cortège d’effets secondaires graves à une pilule unique beaucoup plus supportable… Pourtant, la compliance reste un défi majeur, sans compter les patients qui s’ignorent malgré la disponibilité de tests simples et efficaces. En cause: la stigmatisation.

Lors de sa découverte, en 1982, la présence du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) dans votre sang signait votre arrêt de mort. À la fin des années 80 sont apparus les premiers antirétroviraux capables d’inhiber le virus, fût-ce de façon temporaire. La recherche s’est poursuivie sans désarmer, notamment autour des approches associant plusieurs médicaments. Vers le milieu des années 90, l’avènement d’une nouvelle classe pharmacologique, les inhibiteurs de protéases, a permis de mettre au point une combinaison capable de stopper durablement la multiplication virale ; l’immunité des patients pouvait alors se rétablir. Grâce à cette évolution, les malades ne développaient plus le sida proprement dit et n’en décédaient donc plus. Une avancée colossale.

J’espère que les personnes à haut risque se font tester régulièrement et que les autres, le font au moins une fois dans leur vie . » EXPERT BODYTALK Inge Derdelinckx, centre de référence VIH, UZ Leuven

Seul hic, le traitement lui-même n’était pas une sinécure. « Les trois médicaments associés se présentaient sous la forme de pilules distinctes, à prendre plusieurs fois par jour tout en respectant des prescriptions alimentaires draconiennes », explique le Pr Inge Derdelinckx du centre de référence VIH de l’UZ Leuven. « Le risque d’effets secondaires était aussi très élevé. Selon le patient et son traitement, on observait des symptômes immédiats (maux de ventre, diarrhées sévères, vertiges, problèmes cutanés ou hépatiques…) ou à plus long terme (augmentation du taux sanguin de cholestérol et de lipides, modifications corporelles dues d’une part à la fonte des graisses au niveau des bras et du visage, d’autre part à leur accumulation principalement au niveau de l’abdomen et du cou). »

Un monde de différence

Les médicaments contre le VIH ont ensuite gagné en puissance et en sécurité, s’enrichissant, en 2008, d’une classe supplémentaire, les inhibiteurs de l’intégrase ou anti-intégrases. « L’industrie a aussi investi dans l’intégration de 2 ou 3 médicaments dans un même comprimé unique pour limiter la prise à une seule pilule par jour, le plus souvent sans prescriptions alimentaires à respecter et avec peu d’effets secondaires. »

Un ajustement du traitement médicamenteux peut encore être envisagé, par exemple en vue d’une grossesse, puisque la sécurité des nouveaux antirétroviraux pour le foetus n’a pas encore été établie. Il peut aussi arriver que leur association avec des médicaments pris en raison d’une autre maladie pose un problème, quoique les traitements récents contre le VIH provoquent beaucoup moins d’interactions médicamenteuses indésirables que leurs prédécesseurs. Enfin, l’apparition de résistances peut justifier le passage à un autre médicament. « Après le diagnostic, nous établissons le profil du virus pour chaque patient individuel. Il est en effet possible que le pathogène soit déjà insensible à certains antirétroviraux en raison de modifications dans la séquence de ses acides aminés (mutations), clarifie le Pr Derdelinckx. Le virus peut aussi développer une résistance au traitement mis en place si celui-ci n’est pas pris régulièrement, lui laissant le loisir de se multiplier. C’est pourquoi nous contrôlons le nombre de particules virales présentes dans le sang à chaque consultation de suivi. Grâce aux médicaments, cette charge virale doit en principe rester tellement limitée qu’elle est indétectable. Son augmentation peut être un signe de résistance, qui pourra être confirmé par un test. »

Un diagnostic dur à digérer

Différentes raisons peuvent expliquer un manque de compliance. Un traitement chronique demande évidemment de la discipline, sans compter que les médicaments contre le VIH doivent être pris scrupuleusement au même moment tous les jours (avec une marge de deux heures environ). Le nouveau médicament injectable (sur le marché belge depuis septembre) à n’administrer que tous les deux mois, représente une alternative précieuse pour certains!

« Lorsque nous interrogeons les patients sur les raisons de leur manque de compliance, nous constatons toutefois souvent aussi un problème d’acceptation, souligne le Pr Derdelinckx. Ils nous confient leur difficulté à accepter leur diagnostic ou les réactions négatives qu’il suscite… et cette pilule quotidienne leur rappelle en permanence cette pénible réalité. »

La stigmatisation et l’autostigmatisation dont le VIH continue à faire l’objet limite même la qualité de vie des malades, selon une enquête réalisée par Sensoa, le centre d’expertise flamand pour la santé sexuelle: « Les conversations confidentielles que j’ai avec les patients le confirment. Il y a probablement encore beaucoup d’ignorance dans le grand public, notamment quant au mode de transmission du virus. Il ne se propage pas par une poignée de main, par la transpiration, en buvant dans le verre d’un patient infecté ou en utilisant ses toilettes mais uniquement par le contact direct avec son sang ou lors des rapports sexuels – et encore, uniquement si la personne présente encore une charge virale détectable. Or les médicaments actuels permettent, s’ils sont bien pris, de maintenir celle-ci à un niveau indétectable et donc de supprimer la contagiosité! Les membres d’un couple peuvent même se passer de préservatifs, ce qui rend possible une grossesse et un accouchement naturels. Seul l’allaitement reste déconseillé par mesure de précaution. L’espérance de vie des patients VIH aussi fait encore l’objet de bien des malentendus. Il est vrai que leur risque de maladies cardiovasculaires reste légèrement accru. Néanmoins, comme ils sont suivis très régulièrement et sont encouragés à adopter un régime et un mode de vie propices à une bonne santé cardiovasculaire, leur espérance de vie est quasi normale pour la plupart. »

Le virus ne se propage pas par une poignée de main, par la transpiration, en buvant dans le verre d'un patient infecté ou en utilisant ses toilettes
Le virus ne se propage pas par une poignée de main, par la transpiration, en buvant dans le verre d’un patient infecté ou en utilisant ses toilettes© GETTY

Mesurer, pour ne pas ignorer

Efforçons-nous donc avant tout de mettre un terme à la stigmatisation du VIH, pour que se faire tester devienne un acte tout à fait banal, plaide le Pr Derdelinckx: « Le VIH est propagé principalement par les personnes qui en sont porteuses à leur insu… Or, il y en a plus qu’on ne le pense, car le nombre de nouveaux diagnostics plafonne à un peu moins de 1000 par an depuis un certain temps déjà dans notre pays. J’espère donc que les personnes à haut risque se font tester régulièrement et les autres, au moins une fois dans leur vie – idéalement chez leur médecin de famille ou, si cela leur pose vraiment problème, à l’aide d’un autotest disponible en pharmacie. Comme ce dernier comporte un risque non négligeable de faux positif, un résultat positif devra toujours être confirmé par une analyse demandée par le médecin. Sachez aussi que les autotests reflètent votre statut tel qu’il était trois mois plus tôt, tandis qu’un test réalisé par le généraliste vous renseignera sur votre statut d’il y a six semaines. »

Enfin, elle espère que les sujets à très haut risque penseront à se présenter dans un centre de référence pour le VIH: « Ils pourraient alors recevoir un traitement préventif qui abaisserait très fortement leur risque de contamination. La meilleure prévention contre le virus reste le préservatif, mais dans les faits, cette précaution n’est pas toujours appliquée pour diverses raisons. Toute autre stratégie susceptible d’abaisser le risque représente donc un complément bienvenu. »

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