SARKOZY DU DÉMINAGE À L’EXPLOSION

Le futur candidat à la présidentielle française de 2017, qui comble une partie de son retard sur Alain Juppé dans les sondages, prépare quelques surprises. Quand il se déclarera, il affirmera que son quinquennat commence ce jour-là…

Le bonheur, c’était simple comme un coup de fil. La vengeance, c’est simple comme un SMS. Nicolas Sarkozy travaille dans le calme au discours qu’il va prononcer le 8 juin à Saint-André-lez-Lille près de la frontière belge, quand son portable se fait remarquer. Il est 21 heures. L’ancien président de l’UMP, Jean-François Copé, hier si prompt à dénoncer les agissements de l’ancien chef de l’Etat, notamment dans l’affaire Bygmalion, agite le drapeau blanc :  » Ce serait bien qu’on se voie.  » Bienvenue à Canossa. Nicolas Sarkozy veillera à ne pas l’humilier lorsqu’il le recevra à son domicile, quelques jours plus tard. Cette démarche, sans doute en aurait-il eu l’initiative si Copé n’avait pas dégainé le premier. C’est ainsi : lorsqu’il se fixe un objectif – 2017 – et qu’il croit la victoire possible – pardon, certaine -, Nicolas Sarkozy range son orgueil dans sa poche pour ne voir que l’intérêt supérieur. C’est-à-dire le sien. Il suffit de ne pas y mettre d’affect. Avant la présidentielle de 2012, il avait été capable de prendre son téléphone pour demander à Dominique de Villepin, celui-là même qu’il voulait pendre  » à un croc de boucher « , de venir à l’un de ses meetings.

Déminer, c’est donc d’abord déblayer le terrain. Traiter tous ceux qui gênent, qui boudent, que l’on a blessés – cela fait du monde. Si cela peut rassurer ceux qui ont peur que le train, comme en 2007, ne parte sans eux, autant leur glisser :  » Cette fois, dans mon gouvernement, il n’y aura que des fidèles.  »

 » Reconnaissons-le : son tour de France fut très intelligent  »

Voilà pour les amuse-bouches. Déminer, c’est également se mettre à table, non seulement pour confesser des erreurs, mais aussi pour dire que l’on se corrige, convaincre que l’on se corrige… et éviter la récidive. La publication de La France pour la vie, en janvier dernier, sert ce dessein. Nicolas Sarkozy a envisagé un livre-interview avec des journalistes, une confrontation avec un intellectuel, il opte pour l’exercice solitaire de l’écriture. Suivi de l’opération  » A la rencontre des lecteurs « . Après deux séances de dédicaces sages dans des librairies, son équipe effectue un repérage dans un centre commercial de l’Oise. C’est parti pour la tournée réussie des grandes surfaces, qui montre un Sarkozy accessible et simple, loin de l’image qu’il renvoyait à l’Elysée.  » Il a vraiment quelque chose que les autres n’ont pas, un côté populaire qui lui offre un créneau : jouer le Donald Trump des supermarchés, s’extasie… un hollandais du premier cercle. Reconnaissons-le, son tour de France fut très intelligent.  » L’un de ses partisans appuie :  » Aucun de ses concurrents à la primaire de la droite ne peut ou ne sait faire la même chose.  »

Le travail d’écriture laisse des traces. Aujourd’hui plus qu’avant, Nicolas Sarkozy prend lui-même la plume pour les discours importants. Et il a des susceptibilités d’auteur ! Lui qui assure ne plus regarder la presse n’a pas aimé lire que son discours de Saint-André-lez-Lille serait l’oeuvre de son ancien conseiller Camille Pascal. C’est lui qui a passé  » des dizaines d’heures  » à rédiger son texte. Et veillé à montrer, avant qu’il ne soit prononcé, son intervention consacrée à l’identité, sujet sensible s’il en est, aux deux hommes clés de son dispositif, les anciens ministres François Baroin et Laurent Wauquiez.

Le 2 juillet, avec la présentation du projet des Républicains, suivie d’un vote par le conseil national, se termine la période consacrée au parti, avec ses polémiques et ses avantages. En attendant de quitter ses fonctions, le chef multiplie ainsi les déplacements dans les fêtes départementales du mouvement.  » Celui qui n’est pas capable de venir un dimanche matin, militant parmi les militants, n’est pas capable de faire de la politique, explique-t-il à son auditoire. Il ne faut pas dire qu’on est proche des gens, il faut le montrer. Je parle devant vous comme si vous étiez 300 000.  »

Nicolas Sarkozy n’est pas pressé d’entrer dans la peau du candidat. En 2014, pour la présidence de l’UMP, il s’était déclaré soixante jours avant le premier tour. Cette fois, le règlement lui impose une campagne de trois mois et il trouve que c’est suffisamment long comme cela. Celle des socialistes fut plus courte : le vote eut lieu à la mi-octobre en 2011, quand les électeurs de droite sont appelés aux urnes les 20 et 27 novembre 2016. La bataille de la primaire commencera vraiment, à ses yeux, le jour où il se déclarera.  » Je me cite souvent, cela apporte du piment à ma conversation « , disait George Bernard Shaw. En officialisant sa décision, l’ex-chef de l’Etat ira plus loin et affirmera que le prochain mandat élyséen débute à ce moment-là, puisqu’il s’agit de tout dire avant pour tout faire après, selon une formule quelque peu érodée. Ce sera, selon lui, la nouveauté du rendez-vous de 2017, celle qui doit permettre de réduire le fossé entre conquête et exercice du pouvoir et de redonner de la crédibilité à sa parole – son talon d’Achille.

Le  » quinquennat Sarkozy  » commencera donc… dès la fin d’août.  » Il n’a pas de capital à gérer, il n’a d’autre choix que de faire exploser la campagne « , prévient un proche. Le n° 1 des Républicains garde une puissance de feu inégalée à droite.  » Alain Juppé a attiré 1,7 million de téléspectateurs pour son émission sur TF 1, le 12 juin (NDLR : son passage dans Vie politique), c’est dire à quel point il n’intéresse pas, relève un conseiller. Pour son dernier 20 Heures sur la même chaîne, Nicolas Sarkozy a eu une courbe d’audience qui s’est maintenue au-dessus des 4 millions, sans le décrochage que provoquent généralement les responsables politiques en apparaissant à l’écran.  » La capacité de faire le buzz avec le moindre de ses propos agace même Alain Juppé. 78

Parler à la France du non

Le futur candidat a désormais en tête le fil rouge de sa bataille : est-ce que chacun pourra transmettre à ses enfants son  » héritage  » –  » C’est un beau mot  » -, à savoir  » une langue, des coutumes, des us, un mode de vie, une façon de vivre à la française  » ? S’il n’a jamais pensé que les électeurs de gauche, ou même du centre, se déplaceraient pour la primaire de la droite, il n’a pas renoncé à séduire les électeurs ayant voté FN. C’est pourquoi il a agité, après le non à l’UE des Britanniques, l’hypothèse d’un référendum sur l’Europe, bien qu’il en eût récusé l’idée un mois plus tôt : parler à cette France du non reste l’une de ses priorités. En 2007 et en 2012, au premier tour de la présidentielle, il a obtenu 11,4 millions puis 9,8 millions de voix. S’il récupère 1,5 million de suffrages à la primaire, il pense avoir partie gagnée.  » Il est le seul à avoir un noyau d’électeurs qui voteront pour lui quoi qu’il dise et quoi que les autres disent « , observe un fidèle.

Tandis que, dans les sondages, il comble peu à peu son retard sur son ancien ministre des Affaires étrangères, il préfère utiliser en privé une parabole :  » Lorsqu’un alpiniste a une crampe au milieu de l’escalade, il a deux solutions. Soit il détend ses muscles, soit il se crispe encore davantage.  » Et voilà Alain Juppé renvoyé à son caractère. A part ça, la campagne n’a pas commencé.

PAR ÉRIC MANDONNET

 » Il est le seul à avoir un noyau d’électeurs qui voteront pour lui quoi qu’il dise et quoi que les autres disent  »

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