Les produits dérivés du conifère sont toujours plus nombreux. © getty images

Sapin ne meurt jamais

Transformer les aiguilles des sapins de Noël en produits comestibles (des édulcorants alimentaires) mais aussi en peintures murales, en médicaments, en produits ménagers, en désinfectants, en adhésifs ou encore en parfums: l’avenir du Nordmann et des autres arbres à épines, prisés en décembre, va se jouer dans le champ de la chimie verte plutôt que sur un trottoir ou dans une décharge, dans laquelle la décomposition de leurs aiguilles produit de grosses quantités de gaz à effet de serre.

Fini le gaspillage: le sapin de Noël « usagé » devrait bientôt être valorisé en étant enfin perçu comme une mine inouïe de précieuses molécules, intéressant toute la chimie, de la filière agroalimentaire à la pétrochimie. En France, par exemple, après dix ans de recherche, le projet Futurol vient de s’achever avec succès, avec la commercialisation d’un carburant vert, un bioéthanol de 2e génération, issu de la dégradation par hydrolyse de la lignocellulose (le constituant principal, à 85%, des aiguilles de sapin, mais aussi de la paroi cellulaire des plantes en général) en bioresource abondante, grâce à une nouvelle famille d’enzymes.

Au Royaume-Uni, l’ingénieure en pétrochimie et chimiste Cynthia Kartey, de l’université de Sheffield, a mis au point une technique de pyrolyse étonnement simple et efficace pour casser la lignocellulose en petites molécules susceptibles de grandement séduire les industriels. Jusqu’à présent, ces derniers boudaient cette structure tridimensionnelle complexe, un polymère extrêmement résistant et difficile à briser, donc peu exploitable et peu rentable.

Dans sa thèse, défendue en cette année, Cynthia Kartey explique comment valoriser « les ressources de biomasse lignocellulosique », comprenez: « les déchets du type sapin de Noël ». Appelée « liquéfaction », sa méthode consiste à chauffer les aiguilles de sapin avec de la glycérine, un solvant naturel et peu onéreux. Le résultat, après toute une série de réactions chimiques, est l’obtention d’une mixture qui peut être séparée en une biohuile liquide et une poudre appelée biocharbon. C’est principalement l’huile qui intéresse la chercheuse. Pour l’instant, elle n’a trouvé aucun débouché commercial à la poudre.

La biohuile issue des aiguilles de sapin est incroyablement riche: on y trouve des sucres qui peuvent être transformés en édulcorants, des phénols, ces composés aromatiques utilisés en parfumerie ou dans l’industrie agro-alimentaire, ainsi que de l’acide acétique provenant de la sève de l’arbre. L’acide acétique est le plus vieux conservateur de l’histoire. Les Romains l’appelaient « vinaigre » – c’est lui qui donne d’ailleurs au vinaigre son odeur et son goût caractéristiques. Cet acide est très utilisé, aujourd’hui, en tant qu’additif alimentaire ou encore comme solvant, pour la production de médicaments, d’adhésifs ou de peintures.

Le secteur du sapin de Noël est particulièrement fort en Belgique, troisième producteur-exportateur de sapins européen après l’Allemagne et le Danemark. Selon les derniers chiffres disponibles, 3,2 millions de sapins de Noël ont été vendus dans notre pays en 2018. Mais sur les déchets verts recyclés, les sapins ne constituent que 2 à 3%.

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