© Fred Guerdin

« S’associer avec le PS, c’est dilapider son capital »

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

En Flandre, dans un paysage politique très marqué à droite, le PS sert souvent d’épouvantail, y compris pour la gauche flamande, estime Matthias Somers (Minerva).

Fondé en 2016, le centre d’études Minerva veut porter en Flandre une expertise  » progressiste « . Le Vif/L’Express a rencontré Matthias Somers, qui y est collaborateur scientifique.

Quel est le poids du PS dans les débats politiques, académiques et médiatiques ?

Le PS, en tout cas lorsqu’il est évoqué dans un débat, fonctionne souvent comme une sorte d’étalon pour évaluer une proposition : si on veut qu’elle ne soit jamais envisagée favorablement, alors il faut la relier au PS. C’est un peu agiter un drapeau rouge dans une discussion. Dès lors qu’une proposition peut être présentée comme pouvant être acceptée ou promue par le PS, elle est morte.

Matthias Somers
Matthias Somers© Debby Termonia

Cela veut-il dire que les progressistes, en Flandre, doivent se justifier deux fois : une première sur le fond, et une seconde sur le fait de partager l’opinion du PS ?

Oui, et ça marche dans l’autre sens aussi. Prenons un exemple : quand Elio Di Rupo a publié son livre-programme Nouvelles Conquêtes en 2017, il a suscité d’importantes controverses, et des réactions critiques, de John Crombez lui-même, alors que les mêmes positions, affirmées par un Flamand, n’auraient pas du tout été controversées.  » Ça, ça vient d’un PSer, alors…  » Ça veut dire que pour apporter une proposition dans le débat public, pour la rendre acceptable en Flandre, les progressistes doivent éviter qu’elle soit associée au PS. Pas qu’ils pensent que le PS est le diable. Mais ils savent que ça casse toute discussion possible.

Les progressistes flamands, jusqu’au parti frère d’ailleurs, brandissent aussi parfois cet épouvantail du socialisme wallon. Pourquoi ?

La Flandre est tellement baignée dans ce récit qui diabolise le PS qu’il est impossible de s’en départir. C’est très clair dans les discussions fédérales : le fait de monter dans le même bateau que le PS, qui est positionné comme  » infréquentable « , et indépendamment du contenu de ce qui est négocié, c’est dilapider une partie de son capital politique.

Les réactions en Flandre autour de la note d’information de Paul Magnette, et dans laquelle il renonçait à une partie de ses engagements de campagne, le prouvent. Elle a été présentée comme très à gauche…

Ça pourra même se reproduire avec Georges-Louis Bouchez et Joachim Coens comme informateurs. Si leur note, qui semble pencher vers le centre-droit, est acceptée par le PS, dans le discours flamand on dira que cette note est de gauche, par le seul argument que le PS reste à la table. Et bon, si le PS quitte les discussions, on dira qu’il n’est pas constructif. En fait, c’est toujours l’angle le moins positif pour le PS qui prévaut, et ça n’a que rarement quelque chose à voir avec le contenu.

Paul Magnette se dit plus  » flamand  » qu’Elio Di Rupo, cela peut-il changer quelque chose ?

Il est certain qu’il n’a pas, ou pas encore, la même image. Le SP.A l’a déjà davantage invité à des activités, notamment à des congrès, qu’Elio Di Rupo. Elio Di Rupo a tellement été présenté comme le diable, par Bart De Wever notamment, que le contraste ne peut qu’être positif pour Paul Magnette. Mais je n’ai pas le sentiment qu’en Flandre, y compris chez les gens qui s’intéressent à la politique, il s’agisse d’une question de personnes. Le PS est présenté comme un bloc, comme le parti du système, l’Etat-PS en Wallonie. C’est vrai qu’Elio Di Rupo était moins disponible pour les médias flamands, mais Paul Magnette aura beau accepter six ou sept invitations, s’il refuse la huitième, il y aura quelqu’un pour dire :  » Le PS est arrogant, il snobe la Flandre…  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire