RTL-TVI : disgrâce au sommet

Curieusement, Heyse et De Wilde, copilotes de la chaîne privée, sont écartés pour n’avoir pas assez ménagé la concurrence

La méthode est typique des grands groupes industriels que la mauvaise conjoncture économique rend nerveux : de hauts responsables, tombés en disgrâce, sont soudain poussés dehors. Sans états d’âme ni tirs de sommation. A RTL-TVI, les départs, le 25 février dernier, de Pol Heyse, directeur général, et d’Eddy De Wilde, directeur des programmes et de l’information, ont beau avoir pris des formes différentes (démission du premier, licenciement du second), les causes n’en sont pas moins très proches.

Un même dossier se profile derrière cette décapitation de la chaîne leader du marché en Communauté française: celui d’AB3, la nouvelle télé privée franco-belge qui ouvrait son antenne en octobre dernier. Un même homme aussi: Jean-Charles De Keyser, ex-patron de RTL-TVI, devenu vice-président Benelux de RTL Group. De Keyser, adepte d’accords, voire de synergies, avec AB3 ne partageait pas les options stratégiques bien moins conciliantes de Heyse et de De Wilde. Au premier il reprochait la politique agressive, menée devant les médias, le gouvernement et la justice, à l’égard de la chaîne concurrente. Une agressivité vaine puisque AB3 ne trébucha sur aucun des obstacles dressés devant elle.

Eddy De Wilde, lui, s’était heurté à De Keyser à propos de Key News. Cette société productrice de programmes vend pas mal d’heures à RTL-TVI. Mais voilà: Key News est une filiale d’AB Production, et son créateur, Boris Portnoy, est devenu récemment le directeur général d’AB3. Pour Eddy De Wilde, il fallait rompre les ponts et cesser d’acheter à Key News. Cette obstination lui a été fatale.

Pourquoi RTL Group veut-il ainsi ménager le concurrent belge? Vraisemblablement parce qu’il viendra un jour où la consolidation respective des groupes sur le marché européen les amènera à se rapprocher. En attendant, deux grands professionnels, qui n’avaient pas démérité, sortent du paysage télévisuel. Ex-présentateur vedette du « 19 Heures », Eddy De Wilde avait vingt et un an de maison. Quant à Pol Heyse, directeur général depuis trois ans, le sens diplomatique et politique lui faisait parfois défaut, mais pas celui de l’efficacité: malgré le tassement des recettes publicitaires, TVI affiche de bonnes audiences et des résultats bénéficiaires.

Deux questions taraudent maintenant les 250 salariés de TVI: qui sera le nouveau directeur proposé par Jean-Charles De Keyser, en charge provisoire de la gestion journalière ? Et les rumeurs de compression du personnel se vérifieront-elles au conseil d’entreprise prévu dans quinze jours ?

Jean-François Dumont

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