Requiem « à la française »

Pié Yézou, ou Pié Jésu? Parmi les particularités de la nouvelle version du Requiem de Fauré, proposée par Philippe Herreweghe, l’adoption – controversée – de la prononciation « gallicane »

Il ne fait pas de doute qu’en matière d’interprétation le changement réveille la sensibilité, quitte à provoquer quelques heurts. Les champions de l' »authenticité » ne s’en privent pas, et notamment Philippe Herreweghe dont l’art est de provoquer des séismes sans avoir l’air d’y toucher.

Parlera-t-on de révolution pour la nouvelle version qu’il propose du Requiem de Fauré? Sur le plan musical, certainement pas: le vrai choc eut lieu en 1988, lorsque Herreweghe enregistra, avec l’ensemble Musique oblique, un Requiem aux couleurs inconnues, recourant à l’orchestration originale de Fauré (1888-1891), effectif réduit – pas de violon, pas de bois -, alors que tous avaient dans l’oreille la version pour grand orchestre (1901), réalisée à la demande de l’éditeur pour des raisons commerciales.

Aujourd’hui, les lois du marketing poursuivant leur office, c’est tout nimbé de symphonique que nous revient le chef gantois, cette fois à la tête de l’Orchestre des Champs-Elysées. Mais, nuance, selon une nouvelle édition critique, finement établie par le musicologue français Jean-Michel Nectoux, champion indiscuté de l’oeuvre de Fauré. Pas de grande nouveauté musicologique ici, mais une vraie nouveauté linguistique: l’adoption de la prononciation « gallicane » du latin. Voilà qui en fera bondir plus d’un, notamment un autre champion de Fauré, Mutien-Omer Houziaux, auteur de A la recherche des Requiem de Fauré, véritable polar dont le dernier chapitre, « L’authenticité en musique ou la grande illusion », contient quelques bombes. Là, et dans quelques autres articles fourmillant de références et de citations, Houziaux verse des larmes de sang sur cette prononciation « gallicane », c’est-à-dire à la française et même à la parisienne. Une prononciation sans doute employée du temps de Fauré, que celui-ci ne revendiquait nullement et qui n’aura d’autre résultat que de distraire l’auditeur. A chacun d’éprouver.

Bruxelles, palais des Beaux-Arts, le 30 novembre. Tél.: 02-507 82 00.

Martine D.-Mergeay

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