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Rendre une saveur à la vie…

Pour rester en bonne santé, il faut manger. Mais que faire lorsque votre appétit fait défaut, suite à une maladie ou à une thérapie, et que les tartines ont un goût de carton ? Des experts étudient des moyens de redonner du goût à vos aliments.

La chimiothérapie peut provoquer des modifications du goût et l’odorat. Les aliments perdent tout à coup toute saveur. Les patients font état de goûts désagréables, de carton ou de métal. Ils mangent dès lors moins alors qu’ils ont bien besoin de leurs forces pour vaincre la maladie.

Le manque d’appétit est un problème également connu dans toutes les maisons de repos et institutions de soins. Les résidents souffrent alors de malnutrition car leur alimentation ne leur apporte plus suffisamment de nutriments, ce qui génère affaiblissement ou maladie.  » La malnutrition est un problème qu’on ne peut sous-estimer dans le secteur des soins ; on y remédie souvent par l’administration de suppléments alimentaires, de vitamines par exemple « , explique Bart Geurden, infirmier et professeur à la Haute Ecole Charlemagne à Anvers. Peu convaincu de l’utilité de ces compléments alimentaires, il croit davantage à des solutions via l’alimentation.  » Avec des recettes adaptées, on peut développer des mets qui redonnent le goût et le plaisir de manger, ce qui concourt évidemment à la qualité de vie des patients.  »

Nous mettons les connaissances scientifiques en matière de goût en pratique dans le secteur des soins. Bart Geurden, infirmier et professeur à la Haute Ecole Charlemagne à Anvers

Et cela même pour des personnes touchées par des troubles du goût. C’est en tout cas ce que pense Edwig Goossens, expert culinaire dans le secteur des soins. Il a acquis une longue expérience dans la conception de recettes adaptées aux besoins spécifiques de patients atteints de toutes sortes de troubles du goût. Mieux encore, Edwig Goossens gère à Leuven un Center for Gastrology(*). On y étudie des moyens de redonner le goût de manger à des personnes qui voient leur appétit perturbé par des dysgueusies (altérations du goût) consécutives à une chimiothérapie, par des problèmes de mastication et de déglutition, ou tout simplement par l’âge (nos perceptions gustatives s’émoussent en effet avec l’âge). Edwig Goossens forme des cuisiniers, en Belgique et à l’étranger, à adapter des saveurs à chaque cas, un domaine qu’il qualifie lui-même de  » gastro-ingénierie « .

Un pain au goût de chacun

Bart Geurden et Edwig Goossens ont étudié ensemble le peu de littérature consacrée à l’agueusie (disparition du goût) et à la dysgueusie lors d’un cancer et ont lancé un projet pilote dans un service d’oncologie. L’objectif était d’imaginer une recette de pain adaptée. Grâce au savoir-faire de l’expert culinaire, ils ont développé une  » O-box  » (O pour oncologie), contenant des flacons permettant de tester chez les patients les cinq goûts de base.  » Avec cette O-box, nous avons répertorié, avec l’aide des patients, des profils gustatifs, explique Bart Geurden. Ils ont indiqué quels goûts de base ils appréciaient le plus et sur base de ces résultats, Edwig Goossens a développé une recette adaptée de pain, en accentuant le goût de base.  »

Une
Une  » O-box  » (O pour oncologie), contenant des flacons permettant de tester chez les patients les cinq goûts de base.© BRECHT VAN MAELE

Ce genre de pain n’étant pas commercialisé, les patients ont pu réaliser leur propre pain. La moitié de l’eau utilisée dans une recette classique de pain était remplacée par un exhausteur ce goût adapté au profil et au type d’agueusie individuel : au jus de pomme, par exemple, au thym, au citron ou au fenouil. Si ce pain a un goût étrange pour les personnes sans troubles gustatifs, il s’est avéré délicieux pour les patients concernés. L’inconvénient de cette nouvelle approche est la grande variété de goûts, étant donné que la perception gustative est très personnelle, même pour des patients atteints d’un cancer.

Délicieux et sain

Ce projet semble intéressant dans un domaine peu exploré. L’avenir nous dira si l’adaptation gustative des repas pour des personnes confrontées à des perturbations du goût (pas seulement des patients cancéreux) est réalisable à grande échelle, car ces adaptations doivent répondre à un sens gustatif individuel.  » Nous espérons à l’avenir rassembler le maximum de données et y repérer certaines tendances, poursuit Bart Geurden. Pour cela, il faudrait pouvoir impliquer un plus grand nombre d’hôpitaux.  »

 » Ce projet est en effet unique, confirme Edwig Goossens. Dans le Center for Gastrology, nous combinons sciences et science culinaire. Nous mettons les connaissances scientifiques en matière de goût en pratique dans le secteur des soins.  » Ils ne le font pas uniquement pour les patients cancéreux traités par chimiothérapie.  » 80 % de ce que nous goûtons se base sur l’odeur. Lorsque les personnes âgées perdent leur odorat, les aliments ont moins de goût. Le Center for Gastrology apprend aux cuisiniers qui préparent des plats pour des patients gériatriques dans le secteur des soins comment sublimer le goût d’aliments en cas de perte d’odorat. On peut ajouter des épices supplémentaires ou griller la viande, par exemple. Avec un seul but à l’esprit : rendre le goût de manger.  »

(*) www.centerforgastrology.com/fr/approche/formations-post-culinaires

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