Quel horizon de placement ?

Ce printemps 2002 aurait dû être celui de toutes les éclaircies. Il n’apporte pourtant que bien peu de réponses aux épargnants. Les Bourses bégaient et les taux hésitent. Conseils selon que vous désiriez placer à court, à moyen ou à long terme.

En période de visibilité réduite, un facteur est plus que jamais à prendre en considération avant d’investir : l’horizon de placement, c’est-à-dire la durée pendant laquelle vous allez, en principe, réaliser votre placement.

Si vous entendez disposer à tout moment de votre argent, cet horizon est forcément très limité. Le carnet (ou livret) d’épargne reste de ce point de vue incontournable, même s’il existe d’autres possibilités (lire en page 113).

Si votre horizon de placement est plus dégagé (de trois à dix ans) vous pourrez accepter un peu plus de risques. Les sicav constituent l’instrument idéal, avec un éventail extrêmement large, depuis les fonds obligataires en euro (les plus sûrs) jusqu’aux fonds investis uniquement en actions, en passant par les sicav mixtes (lire en page 115).

Enfin, si votre objectif est très lointain (par exemple, un capital à encaisser lors de la retraite), l’assurance-vie est l’un des produits qui s’imposent a priori. Il conjugue sécurité et statut fiscal avantageux, mais il souffre en même temps d’un manque de transparence et d’une rentabilité assz moyenne. A ce niveau également, des substituts intéressants existent (lire en page 116).

Pour être aussi concrets que possible, nous n’avons pas hésité à désigner nominativement les produits qui, au vu de leur passé récent, peuvent être considérés comme intéressants. Mais attention : les performances acquises ne constituent pas une garantie pour l’avenir. Reste qu’une bonne gestion prouvée est préférable à des promesses invérifiables.

Avant de nous pencher sur les grands types de placements, il était cependant important de repréciser le contexte actuel en compagnie d’un spécialiste.

Avis d’expert

Maître en sciences économiques, Michel Ernst a commencé sa carrière en se penchant sur la problématique du capital à risque comme assistant aux Facultés de Namur. Ses premières armes en tant qu’analyste, il les a faites chez Dewaay. KBC Securities s’est ensuite attaché ses services. A l’heure actuelle, il travaille chez Petercam comme conseiller en placement pour la clientèle institutionnelle ou, si vous préférez le jargon anglo-saxon,  » manager institutional research & sales « . Premiers conseils.

Le Vif/L’Express : Tout le monde parle de reprise. Est-il permis de penser qu’aujourd’hui le creux de la vague est vraiment atteint ?

Michel Ernst : Tout dépend du point de vue que l’on adopte. Sur un plan macroéconomique, la plupart des indicateurs vont dans le sens d’une reprise de la croissance. En revanche, sur un plan microéconomique, l’incertitude persiste : les résultats d’entreprises du premier trimestre déjà connus sont, en majorité, très mitigés. Les  » profit warnings  » (avertissements sur bénéfices) n’ont pas cessé. En réalité, la situation actuelle n’est guère différente de ce qu’elle était il y a un an, lorsqu’on disait que le redémarrage allait se produire au cours du deuxième semestre. Sans doute peut-on estimer que le creux est atteint, mais, au lieu d’une courbe en V (une chute et une reprise), on est bel et bien dans une courbe en U, c’est-à-dire une chute avec un creux qui ne cesse de se prolonger. L’incertitude est d’autant plus forte que, dans le contexte de la crise au Proche-Orient, les pressions se renforcent sur les prix pétroliers. Combien de temps faudra-t-il attendre pour qu’ils reviennent à un niveau qui ne handicape pas la reprise attendue ?

Dans ce contexte incertain, quel équilibre recommandez-vous pour un portefeuille moyen ? Etes-vous plutôt actions ou plutôt obligations ?

Je suis partisan d’une position équilibrée : 40 % d’actions, 40 % d’obligations et 20 % de liquidités. Ce dernier poste peut paraître important, mais je considère qu’il faut disposer de réserves aisément mobilisables pour prendre le train lorsqu’il repartira. Pour ce qui est des obligations, je suis partisan d’une répartition égale entre l’euro et le dollar. Certains répètent à l’envi que le dollar est actuellement surévalué et qu’il vaut donc mieux le sous-pondérer. J’observe que cela fait plus d’un an que l’argument est avancé, sans que l’euro se redresse. Objectivement, je ne vois pas, à l’heure actuelle, de raisons de craindre une chute du billet vert. Quant à la couronne norvégienne, qui rencontre un gros succès auprès des particuliers, je suis extrêmement prudent. Les taux sont certes attrayants, mais le jour où les institutionnels s’en détourneront, cela pourrait faire très mal aux détenteurs de ce type de papier.

Du côté des actions, quels sont les secteurs ou les zones géographiques à privilégier ?

Depuis pratiquement deux ans, aucune branche d’activité ni aucune Bourse n’a été épargnée par les  » profit warnings « . On trouve un peu partout des valeurs à éviter et des opportunités. Bien entendu, dans certains secteurs, comme celui des télécommunications, il faut redoubler de prudence. En fait, le  » stock picking « , c’est-à-dire la sélection individuelle des actions, est plus que jamais d’actualité. L’important est d’utiliser les ratios qui ont fait leur preuve : le rapport cours/bénéfice, le degré d’endettement de l’entreprise, la visibilité, etc. Je prends l’exemple de la téléphonie mobile de la troisième génération, l’UMTS. Elle devait redonner un second souffle aux télécoms. On sait désormais que sa vraie percée n’est attendue que pour 2006, voire 2008. Et plus personne n’ose faire de pronostic sur l’ampleur de sa pénétration.

Le manque de visibilité caractérise également les marchés émergents. Les perspectives politiques y sont incertaines. Sans parler du manque de transparence des comptes des groupes locaux. Il vaut mieux rester à l’écart.

En ce qui concerne précisément l’opacité des comptes, le cas Enron est-il isolé ou constitue-t-il la partie émergée de l’iceberg ?

Il n’est guère contestable que ce qu’on appelle le  » hors-bilan  » – et notamment les engagements pris par les sociétés sans être traduits immédiatement dans les comptes – est un phénomène qui se généralise. Tous les groupes y ont recours, parfois de manière excessive.

L’intention de fraude est rarement présente. En gonflant le hors-bilan, on cherche surtout à ne pas alourdir le poids de la dette. Le problème, c’est le manque de transparence, voire le secret. Si les bureaux d’audit ne parviennent pas à l’apprécier correctement, comment voulez-vous que les analystes y arrivent ? Cela étant, le phénomène a sans doute été surmédiatisé. Dans la très grande majorité des cas, l’équilibre des sociétés n’est pas vraiment menacé par leur hors-bilan.

Quelles valeurs recommanderiez-vous à l’heure actuelle ?

En ce qui concerne les sociétés que les épargnants belges connaissent bien, je fais assez confiance à certaines valeurs cycliques industrielles, comme Umicore (qui se redéploie bien dans les matériaux spéciaux), Solvay et Arcelor, ainsi qu’à certaines défensives, comme Delhaize (qui n’est pas chère) et KBC (qui est moins chère encore et qui devrait bientôt profiter de l’entrée dans l’Union des pays de l’Europe centrale). A l’échelon européen, j’adopte la même stratégie. Parmi celles qui ont ma préférence, je cite BASF (chimie), BNP Paribas et ABN Amro (finance), Tesco, Ahold et Casino (distribution). Rappelons cependant que les actions ne s’acquièrent pas dans une perspective à court terme.

Marc Charlet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire