Quand l’art dialogue avec la nature

Barbara Witkowska Journaliste

Gloire touristique de Chaudfontaine, le parc communal de Hauster fait peau neuve et inaugure le Festival des cinq saisons. Un projet inédit en Belgique, voué à l’art contemporain et au développement durable.

En pénétrant dans le parc, le visiteur longe un petit canal, parallèle à la Vesdre. Soudain, son regard est attiré par un drôle d’oiseau posé sur l’eau. En réalité, il s’agit d’une énorme branche tombée dans le canal, que les artistes Chloé De Wolf et Joël Larouche ont transformé à coups de peinture (naturelle) en héron. A l’autre extrémité du parc, le même couple d’artistes a badigeonné les troncs de cinq bouleaux avec des pigments naturels qui symbolisent les cinq saisons du Festival. Le ton est donné. Tout au long de la promenade, le parc dévoile des interventions artistiques judicieuses et des  » retouches  » bien pensées, réalisées dans le respect de la nature et du développement durable. Le projet Festival des cinq saisons, inédit en Belgique, témoigne de la volonté de la commune de Chaudfontaine de poursuivre sa politique axée sur la protection de la biodiversité et des sites naturels et sur le bien-être des habitants, en y ajoutant une dimension supplémentaire, celle de l’art contemporain. Comment marier la nature et la culture ? La réponse a été fournie par l’asbl Les Ateliers d’art contemporain et sa directrice artistique Dorothée Luczak. La dynamique jeune femme a proposé de monter un projet inspiré des expositions temporaires des artistes au prestigieux Domaine de Chaumont-sur-Loire en France dont le but est de  » dynamiser l’invention paysagère « . Le concept belge est un peu différent. Inscrit dans la durée et dans la pérennité, le Festival des cinq saisons sera une fête permanente où artistes, architectes-paysagistes et botanistes pourront pratiquer et expérimenter leurs arts respectifs. Conçu comme un but de promenade tout au long de l’année et  » jusqu’au bout de la cinquième saison, celle de l’imaginaire et de l’inspiration « , il ne cessera d’évoluer et de se développer. Le projet démarre avec quatre parcours. Le premier, le plus spectaculaire, est celui de l’art contemporain, inauguré par dix artistes, belges pour la plupart. Le parcours botanique réunit une douzaine de jardins différents (en cours d’aménagement) : potager bio, jardin médicinal, herbier, jardin de contemplation, jardin d’expérimentation… Très didactique, il servira de  » copier-coller  » pour les jardiniers en herbe.

Plus intello, le parcours des musiques et récits proposera un programme d’observations scientifiques, de méditations philosophiques ou de récits littéraires ou sonorisés. Enfin, le dernier parcours amènera les visiteurs à la découverte de la vie des arbres. Chaque année, une nouvelle thématique viendra étoffer ce parc en mouvement.

Parcours d’artistes

Bordé par la Vesdre et un petit canal, le parc est une pure merveille. Il se déploie sur trois hectares et jouxte le château des Thermes, hôtel quatre étoiles flanqué d’un spa et d’une clinique de chirurgie esthétique. Une trentaine d’arbres remarquables veillent sur lui avec majesté. On entre ici, un peu sur la pointe des pieds, dans l’univers insolite et enchanté des artistes. Rien n’est gratuit. Le moindre tronc d’arbre abattu, la branche cassée par des intempéries, la petite feuille fanée ont pris une signification et un sens. Bob Verschueren, artiste bruxellois internationalement connu pour ses installations de  » land art  » (et l’un des invités, en 2010, au Domaine de Chaumont-sur-Loire) s’est intéressé aux arbres menacés ou abattus.  » On m’a parlé de trois peupliers d’Italie, trop grands, dont l’enracinement devenu insuffisant risquait de les faire tomber. Pour des raisons de sécurité, il était impératif de les abattre. A ma demande, on a coupé les arbres à moitié, pour réduire la prise au vent. Leurs sommets ont été creusés pour pouvoir y planter trois jeunes peupliers.  » L’ensemble ressemble à des chandelles, les jeunes pousses font office de flammes (un éclairage avec des LED est prévu), symbole de la vie. L’installation Babel végétal pérennise un chêne d’Italie. Très malade, il a été étêté. Sur ce  » socle  » de trois mètres, trois autres troncs (hêtre, platane et bouleau) ont été hissés et fixés. Cette confrontation d’arbres d’espèces différentes est une allusion à notre société de plus en plus multiculturelle qu’on aimerait bien voir fonctionner. Enfin, l’installation Le Squat renvoie à la force d’un arbre à emporter les éléments qui le gênent dans sa croissance. Bob Verschueren a poussé la réflexion plus loin en transformant l’armoire en bois, hissée au sommet, en une cité dortoir XXL.  » J’ai un espoir secret que les oiseaux viendront y nicher « , confie l’artiste.

Designer textile et photographe, Christine Mawet a travaillé avec les feuilles de ginkgo biloba. Brodées puis photographiées et donc figées dans le temps, elles animent la façade de la clinique de chirurgie esthétique. Ailleurs, les feuilles ont été placées dans de petits caissons où elles n’échapperont pas à la décomposition, inévitable. Une double évocation à la  » tyrannie du jeunisme  » et à la vanité des choses…

Werner Moron, interpellé par le film Avatar et les images de synthèse décrivant la nature, a souhaité inverser le processus en imaginant un immense c£ur humain tombé sur la terre et l’impact sculpté qui en résulte. Histoire de nous rappeler les liens inextricables qui nous unissent à la nature.

Le labyrinthe construit autour d’un tulipier par Christian La Grange est une réflexion sur la  » simplicité volontaire  » et l’art de vivre réduit à l’essentiel. Les trois Tableaux composteurs de l’artiste français Michel Davo mettent en scène… le compost. L’£uvre, interactive, fait comprendre le processus du compostage et implique la partici-pation des visiteurs. L’artiste turc Uysal Mehmet Ali soulève la terre avec une pince à linge de 5 mètres et nous rappelle qu’il y a des ressources naturelles à préserver et qu’il n’est pas bon de tirer trop sur la peau de la terre.

Ludique, esthétique, philosophique et pédagogique, le Festival des cinq saisons fait appel à tous les sens, sans oublier celui du toucher. On termine la visite en traversant le chemin tactile où se mélangent différents matériaux naturels ou recyclés : écorces, pommes de pin, broyats et débris de grès.

Le Festival des cinq saisons sera inauguré le dimanche 17 octobre dès 11 heures. Ouvert tous les jours, de 9 à 17 heures (week-end, jours fériés et vacances scolaires de 10 à 18 heures). Entrée gratuite. www.festival5saisons.org

Vient de sortir : Métamorphose d’un parc (de Hauster à Chaudfontaine), aux éditions Mardaga, Façons de voir, les AAC.

BARBARA WITKOWSKA

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