Propos revanchards

Dorothée Klein

Hier encore, il fut de bon ton d’être de droite, de fustiger l’Etat et d’encenser le privé. En 1989, n’avait-on pas enterré le socialisme, avec la chute du mur à Berlin ? Même la Wallonie, fief socialiste, avait fini par succomber, lors des dernières élections législatives, aux sirènes du MR. Mais le vent tourne vite : aujourd’hui, il convient d’être de gauche. Signe des temps : le prix Nobel d’économie vient d’être attribué à Paul Krugman, professeur à l’université américaine Princeton et… économiste de gauche. Oui, il en existe. Et comme cela cesse d’être une maladie honteuse, ils sont plus nombreux et plus virulents qu’on ne le croyait. Déclarations choisies de Krugman :  » Le candidat démocrate à la présidentielle américaine a eu tort de dire qu’une administration McCain-Palin serait la copie de celle de l’ère Bush-Cheney. (…) Elle serait pire, bien pire.  » Ou encore :  » Croire qu’il suffit d’aligner la rigueur budgétaire, l’orthodoxie monétaire, la logique antiétatique pour conduire au succès économique tient de l’hérésie.  » En résumé, Krugman accuse Bush d’être à l’origine de la crise financière. Il condamne les politiques budgétaires laxistes et s’oppose à la dérégulation.

Désormais, même les économistes libéraux défendent les nationalisations de banques, comme l’a remarqué perfidement le président de la Chambre, Herman Van Rompuy (CD&V), à l’occasion de la rentrée parlementaire. Ce mardi 14 octobre, il a aussi pris plaisir à souligner la vision à  » très court terme  » d’entreprises cotées en Bourse, focalisées sur leurs résultats trimestriels : un reproche que celles-ci lancent souvent aux politiques. Le même jour, lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Yves Leterme (CD&V) a, quant à lui, appelé les banquiers à une plus grande conscience éthique. Bref, les politiques savourent leur revanche. Elio Di Rupo, président du PS, était clair, le 11 octobre, dans La Libre Belgique :  » On a fait croire qu’il y avait les vertueux du monde économique et les fainéants, les pourris, les inutiles du monde politique. Aujourd’hui, on se rend compte que le salut se trouve du côté de l’autorité publique.  » Di Rupo règle en effet ses comptes avec la droite :  » En face, ils ont voulu promouvoir une société casino. L’ultralibéralisme est le moteur de la destruction de l’économie réelle et de la cohorte de misères qui va suivre. « 

Mais la vengeance est mauvaise conseillère. Il faut sortir d’un manichéisme simpliste. L’union sacrée, toute relative, qui a prévalu autour du gouvernement dans ses efforts pour limiter la déconfiture financière ne doit pas empêcher tout esprit critique. La crise financière et les dérapages ultralibéraux d’une minorité ne peuvent occulter les maux belges ni faire taire ceux qui réclament une meilleure gouvernance. Il faut oser répéter que le secteur public est trop politisé, qu’il est trop présent, surtout en Wallonie et à Bruxelles. Le gaspillage de deniers publics reste inadmissible. Or, face à une récession qui s’amorce, l’argent du contribuable est compté. L’Etat doit prêcher plus que jamais par l’exemple. Ce n’est pas avec son budget  » virtuel  » qu’il s’engage dans la bonne voie. (Lire aussi en page 18. )

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