Aujourd'hui en chantier, la Maison de la culture ressemblera bientôt à ça. © PHILIPPE SAMYN AND PARTNERS-ASYMÉTRIE

Prévôtés artistiques

Namur retape son patrimoine culturel classique tout en rêvant d’un musée d’art contemporain et d’une salle de concert populaire. Le bourgmestre veut un max de culture.

De retour à 100 % aux commandes de sa ville en  » municipaliste passionné  » après son escapade ministérielle, Maxime Prévot (CDH) y a retrouvé avec enthousiasme son dossier Culture. Une des nombreuses compétences que le bourgmestre s’est réservées depuis son entrée en fonction il y a six ans. Un choix motivé par  » une conviction forte que le secteur culturel est un puissant levier de développement socio-économique et humain. Et la colonne vertébrale d’une ville.  »

Celle de Namur était solide mais, pour la fortifier davantage, le jeune mayeur dégainait, en 2012, Namur confluent culture, une réflexion menée avec 300 acteurs culturels de la ville pour mixer les idées et leur donner une cohérence d’ensemble. Résultat : une bible d’axes et de projets à développer jusqu’en 2022.  » Un bel outil pour faire mentir une phrase que j’avais lue, se souvient Maxime Prévot, et qui disait « Namur, une belle endormie qui a peur du changement ».  »

La capitale de la Wallonie a enchaîné les chantiers, à coups de millions, afin de réveiller la belle. On rénove et repense des lieux et institutions déjà bien enracinés dans la vie culturelle namuroise mais sans négliger de nouveaux projets inscrits dans la modernité, cette fois à l’horizon 2030.  » Je veux autant valoriser notre patrimoine très classique que d’oser la ville créative valorisant l’art contemporain « , affirme le bourgmestre.

Côté infrastructures, plusieurs premières pierres marquantes ont déjà été posées. Avant d’autres. Il y a évidemment l’extension et la rénovation de la nouvelle Maison de la culture pilotées par la Province et financées à hauteur de 25 millions d’euros pour redynamiser un espace d’expression pour les arts plastiques, le cinéma, la musique et le théâtre amateur. Le paquebot en bord de Sambre et Meuse sera opérationnel fin 2018. Mais les projets avec la Ville à la manoeuvre vont continuer à donner le la. Après la reconversion, finalisée en 2014, du chancre des abattoirs de Bomel en espaces culturels de création avec ateliers et résidences d’artistes, le chantier vedette est  » la rénovation du Grand Manège en décrépitude pour y faire un « Flagey wallon » doté d’une salle de 800 places à l’acoustique parfaite, comme dans le Studio 4 bruxellois « , jubile le bourgmestre. Le CAV&MA (Centre d’art vocal et de musique ancienne) pilotera l’ensemble. Cerise sur le gâteau, actuellement dispersé en cinq lieux, le conservatoire de Namur sera installé dans un nouveau bâtiment greffé au Grand Manège, avec une salle de représentation de 150 places et d’autres espaces pluridisciplinaires de répétition. 1 600 élèves pourront y suivre des cours. L’ensemble sera prêt pour 2019.

Pérenniser les festivals

L’offre muséale reçoit aussi un coup de pouce puisque 8 millions ont été injectés pour rebooster différents fleurons. Du musée Rops au musée des arts décoratifs en passant par le transfert et la réinstallation (avec trois ans de retard ! ) du musée archéologique dans son nouveau bâtiment rénové de l’ilôt des Bateliers. Mais il n’y a pas que la culture en  » dur « , il y a aussi l’événementiel. A cet égard, la Ville exerce une vigilance particulière à la pérennisation des événements annuels qui ont fait sa réputation.

Comme le Fiff, qui a imposé sa carte de visite dans le cinéma francophone. Comme le festival Namur en mai, dévoué aux arts forains et de la scène et dont on fêtera les 30 ans en 2025. Comme le Kikk, jeune festival digital international.  » Je mise beaucoup sur le développement phare de notre Kikk festival, le plus grand rendez-vous digital en Europe. D’ici à 2030, j’aimerais qu’il attire en moyenne 200 000 visiteurs.  »

Une dimension numérique que le bourgmestre intègre dans sa vision comme un outil de création artistique d’avenir. A cet égard, Namur s’apprête à installer, début 2018, au bout de l’esplanade de la citadelle, au côté de la station d’arrivée du futur téléphérique, le pavillon belge de l’Expo universelle de Milan. Il sera confié à Gilles Bazelaire, fondateur du Kikk et de Dogstudio pour en faire la vitrine numérique du  » savoir-faire et des talents innovants  » wallons.

Maxime Prévot se veut le rêveur impénitent d’un maximum de culture pour sa ville qu’il veut maintenir éveillée, les yeux grand ouverts sur une offre artistique la plus large possible. Cependant, la proposition comporte encore quelques manques flagrants… mais coûteux à combler. Telle une grande salle de concerts.  » Qu’on soit habitant de la ville-capitale de la Wallonie et qu’il faille courir à Marche-en-Famenne pour voir son chanteur ou groupe préféré de renom, c’est très dommage, peste le mayeur. En plus, il y a une demande des opérateurs de tournées pour avoir cette escale namuroise. Je ne lâche pas l’affaire et suis en discussion avec des investisseurs.  »

Sur les traces du Guggenheim

Tel aussi un musée d’art contemporain, projette le responsable namurois qui, en son temps, avait été bluffé par  » l’esprit de Bilbao  » quand la ville espagnole, économiquement sinistrée par la fermeture de ses chantiers navals, avait misé sur la culture en devenant ville hôte et antenne européenne permanente du musée Guggenheim. L’investissement initial de 120 millions d’euros a depuis engendré des retombées économiques égales à 17 fois cette somme.

 » Nous ne sommes évidemment pas Bilbao. Mais à côté de notre offre muséale classique, pointue et orientée vers le passé, il manque un grand musée d’art contemporain qui interpelle, suscite le débat, bouleverse, émeut par ses audaces. J’aimerais d’ici à 2030 que s’érige un bâtiment emblématique étant lui-même un beau geste architectural dans un lieu bien visible. Par exemple, celui de l’ancien entrepôt Avis, sis près de la gare dans un triangle balisé par les voies de chemin de fer qui se séparent soit vers Charleroi, soit vers Bruxelles. Il faudrait raser cette horreur et y ériger un centre d’expo d’art contemporain qui aurait de la gueule et ses spécificités.  »

Les sculptures de Strebelle, la magistrale tortue de Jan Fabre sur les hauteurs de la citadelle ou les quelques fresques street art (comme bientôt celle en hommage à l’artiste pop art namuroise Evelyne Axell, rue du Lombart) se sentiraient moins seules pour défendre l’art contemporain entre Sambre et Meuse. Où la culture, poétise le mayeur,  » doit être ce beau caillou que l’on jette dans l’eau et qui engendre des cercles successifs de plus en plus larges pour diffuser des ondes de plaisir, de savoir, d’émotion, de questions et de cohésion « .

Par Fernand Letist

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