Pourquoi le MR wallon reviendra au pouvoir en 2014

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

L’olivier wallon vit des heures noires. Les tensions sont permanentes entre le PS, le CDH et Ecolo. Le regard se tourne vers les libéraux. C’est sûr : le MR devrait être de la partie après 2014. Explications.

Faites vos jeux… Rien ne va plus… A un peu plus d’un an de la fin de la législature, le gouvernement wallon se déchire. Tensions, discordes, demi-mesures, communications hasardeuses : l’olivier ne sait plus comment cacher le malaise qui le gangrène. La majorité PS- CDH-Ecolo est minée par les difficultés relationnelles entre ses poids lourds : Rudy Demotte et Jean-Claude Marcourt (PS), André Antoine (CDH) et Jean-Marc Nollet (Ecolo). D’aucuns y voient un simple psychodrame à régler en quelques séances chez le thérapeute. Mais le malaise est plus profond. Il concerne des débats très concrets tels que le prix de l’énergie ou l’aménagement du territoire. Il consacre une fracture idéologique fondamentale alors que la crise sévit. Au bout du compte, les conséquences seront politiques. En 2014, le MR reviendra au centre du jeu.

Les tensions politiques sont profondes

Le ministre-président wallon Rudy Demotte, que Le Vif/L’Express a longuement rencontré, ne nie pas les tiraillements.  » Quand tout va bien, qu’il n’y a pas de crise, le bonheur est dans le pré, c’est facile de prendre des décisions politiques, dit-il. Dans les moments de disette, évidemment que l’on subit à l’intérieur du gouvernement les tensions qui se vivent à l’extérieur. Cela n’a rien de remarquable, c’est un fait.  » Même si, insiste-t-il, bien des dossiers ont été réglés en quatre ans après de fortes tensions.

L’explosion de la bulle énergétique, ces dernières semaines, a toutefois fait péter le thermomètre. Le dérapage des certificats verts pour l’installation de panneaux photovoltaïques se soldera par un montant de 2,8 milliards d’euros à charge des consommateurs et des entreprises. Avec une gestion pour le moins chaotique de cette bombe par le gouvernement, depuis l’annonce précipitée par le ministre de l’Energie Jean-Marc Nollet, mi-février, de l’octroi de 500 kWh gratuits par an et par ménage.  » Ce fut l’étincelle des tensions « , dit-on au sein de la majorité.

 » Nous devons veiller prioritairement à l’autonomie énergétique de la Wallonie et, en même temps, préparer la transition des énergies fossiles et nucléaires vers les renouvelables, explique Rudy Demotte. Tout cela explique l’acuité du débat, pas seulement les humeurs de X ou de Y au sein de l’équipe.  » Cela rend difficile la sortie de crise, également.

 » Dans ce dossier, tout le monde est perdant, grince Willy Borsus, président du groupe MR au parlement wallon et chef de file de l’opposition. Un, les consommateurs. La Wallonie a voulu être le meilleur élève de la classe et cela a un coût énorme : avec l’éolien, on parle d’une bulle potentielle de 10 milliards d’euros. Deux, ceux qui avaient investi et à qui on avait promis des certificats verts pendant dix ou quinze ans. Trois, le secteur. De 2 800 à 3 000 emplois ont été créés, mais ces entreprises viennent de recevoir un message destructeur. Je suis sidéré ! C’est de la trahison. Ce sont des arnaqueurs et des amateurs.  » Le ténor libéral ajoute :  » La politique énergétique est devenue un handicap de compétitivité. Le gouvernement a cédé à une forme d’intégrisme vert.  »

A ce brûlot s’en ajoutent d’autres. En tête, la réforme très sensible du Code wallon de l’aménagement du territoire (Cwatupe) du ministre Ecolo Philippe Henry. Elle doit bientôt aboutir… si les divergences sont surmontées.  » Ce n’est pas une décision simple, dit Rudy Demotte. Qu’est-ce qui fait blocage et qui est en train d’être surmonté – j’ai espoir avant Pâques ? Essentiellement la mobilisation des terrains économiques. C’est une discussion entre l’usage sobre de l’espace disponible, avec ses dimensions écologiques, et la contrainte de mise à disposition plus rapide de terres en période de crise.  »

Une certitude : le bras de fer entre les partisans du tout à l’économie et ceux de la transition écologique habite toutes les tensions. Le choix du ministre-président wallon est fait :  » Quand on est en telle situation de tension, la priorité absolue doit être à l’économique. Seul un tissu économique fort permettra de répondre ensuite aux défis environnementaux.  »

Depuis les bancs de l’opposition, Willy Borsus boit du petit lait :  » L’olivier a échoué. Et je peux vous annoncer le dossier suivant, celui de l’exactitude de notre situation financière et de notre endettement. La Région a recours à de multiples artifices. L’Europe a commencé à s’y intéresser. Ce qui est dans le collimateur, c’est la Sofico, la Société pour les investissements dans les routes. L’endettement officiel est de 6 à 7 milliards, mais on estime qu’il serait au moins de 50 % plus élevé.  »

Une seule éclaircie : la Wallonie se redresse, même si le processus est trop lent.  » Le plan Marshall 2.Vert a été salué au nord du pays, dit Rudy Demotte. Le premier plan avait permis la création de plus de 30 000 équivalents temps plein. Avec celui-ci, nous en sommes déjà à 7 500 emplois. Depuis 2007, nous avons un rythme de rattrapage par rapport au PIB flamand qui est totalement inédit depuis les années 1960. Même si nous en sommes encore loin.  »

 » Autant je suis sévère par rapport à de nombreux éléments, autant nous soutenons les investissements dans la recherche, les démarches de soutien à l’exportation et tout ce qui contribue au redressement wallon « , souligne Willy Borsus. Entre PS et MR, plus que des affinités par-delà les critiques.

Ecolo en ligne de mire

Un parti est au centre des critiques : Ecolo. Via l’énergie et l’aménagement du territoire, les Verts veulent réussir la transition vers un modèle de société durable. Le député wallon Claude Eerdekens ne mâche pas ses mots à l’égard des  » ayotallahs  » qui mettent à mal le développement wallon (voir page 26). Un soi-disant franc-tireur dont le message fait écho, avec d’autres mots, au discours officiel. Il y a peu, la fronde s’est élargie à d’autres parlementaires, dont Edmund Stoffels (PS) et Savine Moucheron (CDH). Deux fidèles lieutenants. Ce qui a amené, le 7 mars dernier, la coprésidente Ecolo à en appeler à la loyauté au sein de la majorité.

 » Le parlement wallon ne peut pas se permettre de partir en campagne un an trop tôt, nous dit Emily Hoyos. 2013 ne peut être une année de mouvements de troupes, d’envoi de Scuds exploratoires… Et là, on est en plein dedans.  » Ecolo, assène-t-elle, assume ses positions :  » La déclaration de politique régionale que nous avions négociée il y a quatre ans est super visionnaire. Alors que la crise n’avait pas l’ampleur actuelle, nous avions pris un double engagement : être rigoureux budgétairement tout en se garantissant des capacités pour redévelopper notre Région. C’est le cas avec le plan Marshall 2.Vert. Tout le monde dit que c’est un succès. Quand je visite des entreprises, on me dit souvent : lui a été engagé grâce au plan Marshall 2.Vert. Le fédéral ne peut pas en dire autant « .

Mais il faut aller plus loin :  » Ceux qui pensent que la société du XXe siècle, qui s’est échouée en 2008, va se remettre en place de la même manière se trompent. Nous ne subissons rien, nous assumons notre position. Oui, nous sommes malades de voir que certains n’ont pas compris que le monde change. C’est ce que nos députés disent au niveau fédéral, quitte à se faire traiter d’irresponsables par le Premier ministre. Au sein de la majorité wallonne, on essaye précisément de créer cette autre vision d’avenir. C’est cela notre sens des responsabilités.  » Quitte à exaspérer certains ?  » Tant pis pour eux. Cette vision, ce n’est pas un rêve, ce n’est pas une utopie. Je change de boulot si c’est pour dire que l’on fait comme avant.  »

Au sein du PS, Ecolo dérange. Parce que, PTB oblige, la gauche de l’électorat risque d’être fort disputée en 2014. Surtout, la  » schizophrénie des Verts  » entre partisans de l’économie sociale et écologistes  » rousseauistes ou darwiniens « , pointée par certains, perturbe et brouille les cartes.

Chez les humanistes, c’est une question de survie. La bataille entre CDH et Ecolo fait rage pour la place de troisième parti politique wallon. Malheur au dernier.

 » Ma conviction profonde, c’est que l’on n’aura jamais autant besoin d’Ecolo après 2014, insiste pourtant Emily Hoyos. La société est profondément bousculée, nous avons besoin de créativité, d’audace. Il faut travailler à cette transition juste, à travers chaque décision politique.  » Pourtant…

Un boulevard pour le MR

Si un changement de majorité en Wallonie n’est toutefois pas possible à un peu plus d’un an de la fin de la législature, c’est parce que les voix d’Ecolo sont indispensables pour la majorité des deux tiers nécessaire à l’aboutissement de la réforme de l’Etat au fédéral. Du donnant-donnant. Mais lorsque l’on analyse les discours de fond et la primauté socialiste accordée à l’économie, on perçoit combien la tentation est grande de préparer autre chose. Un boulevard est ouvert pour le MR.

Nul doute que 2014 sera un rendez-vous électoral majeur avec la tenue simultanée des élections régionales, fédérales et européennes. En Flandre, le succès de la N-VA est annoncé.  » Quand on voit les défis qui se présentent devant nous, nous n’avons pas intérêt à y aller avec des francophones désunis, nous dit Rudy Demotte. La poursuite du redressement socio-économique wallon, le nécessaire dialogue avec Bruxelles, la mise en place de la sixième réforme de l’Etat et les incertitudes institutionnelles : tout cela nécessite que nous parlions la même langue, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.  »

Concrètement, l’asymétrie des gouvernements au fédéral et dans les Régions semble bien plombée. C’est ce qui explique qu’Ecolo tire à vue sur la majorité au fédéral tout en tentant d’exister au niveau wallon. Ou que le MR atomise l’équipe Demotte tout en soutenant le Premier ministre Di Rupo au fédéral.  » Nous ne pouvons plus accepter que des francophones aillent en Flandre pour tirer dans le pied des francophones, dit Rudy Demotte. Or, c’est arrivé…  »

 » 2014 nous renvoie aux moments où notre pays a eu rendez-vous avec son destin, souligne Willy Borsus. Chaque fois, il a réussi à surmonter l’obstacle. La famille politique dont je fais partie est prête à assumer ses responsabilités. Le vrai débat, c’est de savoir comment la Wallonie sera en mesure d’assumer son destin. Les Wallons et les Wallonnes sont aussi capables que d’autres. Il faut soutenir la Wallonie qui se lève tôt, y compris le samedi matin. Et shooter dans les tabous.  »

PS et MR appelés à marcher main dans la main, après 2014 ?  » La tentation est grande, on le sait « , dit-on chez Ecolo.  » Lorsque vous regardez l’arithmétique au parlement wallon et francophone, tout est possible, conclut le chef de file MR. Ce sont des pronostics hasardeux. Des surprises spectaculaires ont parfois eu lieu après les élections. Regardez dans certaines grandes villes wallonnes après les communales…  » Suivons son regard. A Namur, capitale wallonne, le MR a convolé en justes noces… avec le CDH et Ecolo.

OLIVIER MOUTON

L’olivier ne sait plus cacher le malaise qui le gangrène

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