Pour la peinture figurative

Certains pensent que la peinture figurative a fait son temps. Qu’en pensez-vous ?

Fernand Biez, Liège

La peinture figurative est représentation de quelque chose, depuis les peintures rupestres jusqu’aux Demoiselles d’Avignon, de Picasso. Depuis, on tente de minimiser l’expression figurative sous prétexte qu’elle n’aurait d’autre finalité que l’imitation de la nature, fût-ce en la caricaturant. On peut voir les choses autrement.

Il ne s’agit pas d’imiter ou de reproduire ce que je vois au sens où on dit que la photo fait voir le réel, même en l’apprêtant, mais de montrer ce que perçoit le regard, singulier et universel, de mon âme. Cela suppose un langage accessible à tous au-delà du temps et des vicissitudes de nos existences.

D’abord un constat. Depuis la préhistoire et à travers toutes les cultures, à travers toutes les époques, la peinture a toujours été figurative, autrement dit, elle se construit sur un langage. Il y a là une infinie façon de « rédiger » un texte jointe à notre capacité d’en saisir le sens. Il ne s’agit pas d’enregistrer une information factuelle, mais de se laisser pénétrer par la vivacité singulière de l’autre. Reste une condition sans laquelle cette rencontre est impossible ou arbitraire. Il faut un contenu – un quelque chose à dire – que tous saisissent dans sa matérialité, même si chacun le métabolise pour nourrir son être propre selon ses besoins.

Prenons la poésie. Toutes ses métamorphoses sont respectables, mais si, à la place des mots, on transcrit des suites non signifiantes de sons (comme a tenté de le faire le poète lettriste Isidore Isou), chacun est renvoyé au néant, néant par rapport à l’autre, puisqu’il ne dit rien par rapport aux autres qui lisent ce « non-texte » et par rapport à lui-même.

Enfermés dans cette situation arbitraire, nous n’avons rien à partager. De son côté, chacun, en son for intérieur, est incapable de vivre cet événement en quelque lieu de sa sensibilité que ce soit puisqu’il est incapable de dire à quelle part de celle-ci, il le rapporterait.

En ce sens, la peinture non figurative, souvent appelée abstraite, pose problème. Sans texte, elle se laisse raconter à l’infini. Chacun y met la musique qui a sa préférence. Elle plaît, mais c’est sans doute pour une part, un effet de mode et, pour l’autre, comme une facilité offerte de ne dépendre de rien ni de personne : une liberté solitaire comme le plaisir du même nom.

Jean Nousse

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