Il y aura plus de vieux : c’est le tsunami gris. Mais aussi plus de professionnels pour les aider : c’est l’or gris. Un livre d’Itinera réimagine la société des seniors. Interview.
« Comment les baby-boomers feront de leurs soins une histoire à succès » : en sous-titrant ainsi le livre qui vient de sortir, Brieuc Van Damme (Think Tank Itinera) veut donner de la couleur à la société grise qui se pointe à toute allure. Ses idées clés en cinq questions-réponses.
Le Vif/L’Express : Parce qu’il y aura 1 million de personnes de plus de 65 ans en plus, on devrait créer 2 000 maisons de repos supplémentaires d’ici à 2050. Enorme…
Brieuc Van Damme : Aux 131 000 lits pour soins aux personnes âgées devraient s’en ajouter 180 000 d’ici à 2050. Soit 2 000 maisons de repos supplémentaires de 90 lits, qui est un seuil de rentabilité. C’est donc dès maintenant qu’il faudrait ériger une maison de repos par semaine. Mais les soins pour personnes âgées, c’est beaucoup plus que cela. En adaptant nos habitations et nos quartiers, en intégrant davantage de technologies dans le quotidien des seniors et en dynamisant le secteur, nous pourrons faire face au défi en offrant une alternative à nos aînés.
Vous prônez le concept de centres de soins et de logements : s’agit-il d’ériger des villages ou des quartiers de seniors ?
Sûrement pas. Des age friendly cities ne sont pas des ghettos, mais nos habitations et nos villes devront s’adapter lentement au nouveau groupe social dominant, les seniors. Toutes les générations doivent y avoir leur place, et aussi toutes les activités. Les quartiers socialement sains sont des quartiers de composition diverse. Mais l’idée est d’aménager des zones d’habitation autour d’un centre de soins avec sa propre équipe de soins intégrée. Il s’agit notamment de limiter le départ en maison de soins.
Face à l’explosion des besoins en soins, parallèlement au papy-boom, votre mantra financier, dites-vous, c’est : pas de moyens supplémentaires, mais leur meilleure allocation. Comment ?
On pourrait déjà faire plus de prévention. A peine 0,1 % du budget des soins de santé y est consacré. Avec 88 millions d’euros supplémentaires, on atteindrait la moyenne européenne et on peut allouer une partie aux soins préventifs aux personnes âgées pour leur apprendre à gérer leur dépendance progressive. Mais il y a plus. Nous pensons qu’en dynamisant le secteur nous pouvons réaliser des gains d’efficacité, sans que la qualité des soins en pâtisse. Il faut donner les bons incitants aux prestataires, mais également à la personne âgée et à son entourage immédiat. Le manque d’information et d’accompagnement de qualité est un réel problème, alors que des adaptations dans le droit du travail permettraient à la personne âgée d’être plus facilement soignée par ses proches.
Vous défendez l’idée de remplacer le financement de l’infrastructure par une subsidiation de la personne âgée. Concrètement ?
Nous proposons par exemple de revoir le système qui attribue aux prestataires de soins le plus gros du budget des soins aux personnes âgées, résidentiels ou non résidentiels. Cela autorise une sélection des risques et des patients. Il faudrait plutôt allouer les moyens aux individus, par exemple via un compte soins, qui serait la version numérique d’un chèque de soins.
Faudra-il généraliser l’assurance-dépendance (remboursement des soins non strictement médicaux) qui n’existe encore qu’en Flandre ?
Elle n’est déjà pas suffisante. La prestation maximale ne s’élève qu’à 125 euros par mois. Le fédéral devrait développer une stratégie de financement cohérente. Peut-être faudrait-il substituer certaines assurances à des formules d’épargne. Pourquoi les personnes non âgées doivent-elles payer une prime pour des gens qui auraient simplement pu voir venir leurs frais de soins ordinaires ? L’assurance doit d’abord couvrir les soins qui risquent de se présenter beaucoup moins souvent au niveau individuel et impliquent un coût élevé, comme c’est le cas pour la démence.
L’Or gris – Comment les baby-boomers feront de leurs soins une histoire à succès, par Brieuc Van Damme (Itinera), Roularta Books.
ENTRETIEN : PIERRE SCHöFFERS