POLITIQUE

Le gouvernement de Guy Verhofstadt a franchi un cap, mais pas encore le Rubicon. Son avenir dépend toujours du vote des accords de la Saint-Polycarpe au Parlement

On craignait l’accident bruxellois, on l’a évité. Mais le gouvernement de Guy Verhofstadt n’est pas sauvé pour autant: son avenir demeure lié aux humeurs de quelques députés de la Volksunie et à leur détermination à enfreindre, ou non, le mot d’ordre de ralliement à l’accord de la majorité lancé par leur président de parti, Fons Borginon. Certes, la coalition arc-en-ciel a franchi un cap: un échec des négociations institutionnelles au sein de la Région bruxelloise aurait probablement signifié sa fin. Pour quelles raisons? Parce que le sort d’autres accords, dits de « la Saint-Polycarpe » (assurant, entre autres, le refinancement des Communautés et, par conséquent, de l’enseignement), qui seront prochainement soumis au vote du Parlement fédéral, doivent recueillir les deux tiers au moins des voix des députés et des sénateurs. Un quota que la majorité ne peut espérer atteindre avec ses seules forces. Elle dépend, donc, du bon vouloir de la Volksunie. Laquelle a d’emblée monnayé son soutien à la réforme de l’Etat contre des avancées institutionnelles en faveur des Flamands de Bruxelles.

Un accord sur la scène bruxelloise était, dès lors, l’étape indispensable – mais pas ultime – à la survie gouvernementale. Or les négociateurs bruxellois PRL, PS, Ecolo, VLD, VU, SP et Agalev ont signé un compromis, le 29 avril dernier, après une longue phase de dramatisation et l’intervention musclée de Guy Verhofstadt en personne. Cet accord, d’ores et déjà baptisé « accord du Lombard », du nom de la rue qui abrite le Conseil bruxellois (le parlement régional), prévoit l’augmentation du nombre des élus flamands sur les travées parlementaires bruxelloises, l’instauration d’un dispositif évitant le risque de blocage de l’institution par le Vlaams Blok, le refinancement des politiques culturelles et sociales bruxelloises et, cerise (flamande) sur le gâteau, la désignation d’un échevin néerlandophone dans un maximum de communes bruxelloises (lire l’encadré p. ).

Mais rien ne dit que Borginon aura la force de persuasion nécessaire pour rallier à sa cause (et à celle des accords du Lombard, de Saint-Polycarpe et consorts) les quelques parlementaires rebelles – particulièrement Geert Bourgeois et Frida Brepoels – qui ont déjà dit tout le mal qu’ils pensaient des derniers accords institutionnels conclus sur les scènes bruxelloise et fédérale. Il s’agit donc là de la dernière (et lourde) hypothèque qui pèse sur l’avenir de la coalition. En cas d’insoumission irréductible, les députés VU dissidents seraient probablement exclus du parti. Où iront-ils, dans ce cas? Il y a quelque temps, on les disait prêts à accoster au VLD. Aujourd’hui, cette hypothèse semble prendre l’eau: le VLD ne soutient-il pas, et de tout son poids, les derniers accords institutionnels? On doute qu’il soit disposé à accueillir avec le sourire ceux qui auraient osé prendre le risque de faire sombrer la majorité. Non, il semblerait plutôt que ce soit vers les rivages sociaux-chrétiens que se dirigent maintenant les députés VU en pétard avec leur parti. La rhétorique qu’ils utilisent pour critiquer les compromis récemment conclus par leurs pairs ressemble en tout cas, à s’y méprendre, à celle du CVP…

Mais qu’importe la destination choisie par Bourgeois et Brepoels s’ils s’entêtaient dans la dissidence avec la VU. Le problème fondamental se situerait ailleurs: les accords de Saint-Polycarpe ont, en effet, impérativement besoin du soutien de tous les parlementaires VU pour passer la rampe du Parlement fédéral. Pourquoi? Parce que les députés FDF, pourtant alliés au PRL – et, par conséquent, au pouvoir à Bruxelles et au gouvernement fédéral – dans la fédération PRL-FDF-MCC, ont, de leur côté, fait savoir qu’ils ne voteraient pas le compromis bruxellois. Ils ne devraient donc, en toute logique, pas voter non plus les accords de Saint-Polycarpe. A moins que les pressions exercées sur eux par leurs « partenaires » libéraux, certes, mais aussi socialistes, soient de nature à les ramener à plus de sagesse dans la dernière ligne droite, c’est-à-dire au moment du vote de la dernière réforme de l’Etat au Parlement fédéral. La position du FDF est, en effet, tout à fait particulière: on comprend son refus de soutenir les avancées flamandes dans la capitale, alors que le sort politique des francophones de la périphérie bruxelloise est plus précaire que jamais. Là où le bât blesse, c’est que cette rebuffade a pour conséquence de faire entièrement dépendre le sort du gouvernement fédéral des humeurs de la Volksunie.

Quoi qu’il en soit, les rebondissements de ces dernières semaines et les oukases lancés par les uns et les autres laisseront des traces durables. On reparlera sans nul doute, très prochainement, du sens et de l’avenir de « l’alliance » scellée entre le PRL et le FDF. De l’opportunité, ou non, de maintenir ce dernier dans la majorité à Bruxelles: Philippe Moureaux, le chef de file des socialistes bruxellois, passé maître dans l’art de varier ses amitiés au gré des convenances politiques, les échangerait volontiers contre les écologistes au sein du gouvernement régional. Et l’on reparlera, enfin, de l’avenir de la Volksunie, qui semble éprouver une incapacité existentielle à recouvrer l’unité.

Isabelle Philippon

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