PLUS QUE TRENTE JOURS

Il ne reste au président de la République française que trente jours, quarante-cinq au plus, pour tenir les engagements qu’il a pris, en matière d’emploi, lors de ses voeux au pays, le 31 décembre dernier.

Ces voeux sont particulièrement stratégiques : si elle reste la lanterne rouge économique et sociale de l’Union européenne, la France ne peut espérer retrouver sa confiance en elle-même ; et les jeunes Français, désespérés, issus des beaux ou des moins beaux quartiers, continueront de partir, à Londres ou en Syrie.

Pour les réaliser, le président François Hollande doit lancer rapidement, massivement et concrètement, les trois réformes annoncées, si souvent réclamées.

1. Aucun jeune de moins de 18 ans qui le désire ne doit rester sans apprentissage, et aucune entreprise de plus de 50 employés, sans apprenti.

2. Faire payer 25 % du premier salaire annuel des jeunes sans formation par les fonds de la formation permanente, puisque cet emploi constitue en partie une formation.

3. Dégager les moyens nécessaires à une formation professionnelle efficace de 500 000 chômeurs par an, en commençant par les chômeurs de longue durée.

Ces trois réformes couvrent toutes les dimensions du chômage : les très jeunes en recherche de formation ; les jeunes sans formation à la recherche de leur premier emploi ; les chômeurs de longue durée, de tous âges.

Seulement, voilà : pour y parvenir, il va falloir soulever des montagnes. En clair, briser tous les lobbys qui s’y opposent depuis toujours.

1. Concernant l’apprentissage, il faut que les entreprises de plus de 50 salariés puissent être considérées, après validation par l’inspection du travail, comme des lieux d’apprentissage à plein-temps, et on doit faire passer les centres spécialisés sous la tutelle du ministère français de l’Economie : c’est déjà le cas, pour les formations aux métiers de la ruralité, avec le plus grand succès, avec le ministère de l’Agriculture. A cela, la plupart des acteurs de l’Education nationale se sont toujours opposés, refusant de voir qu’ils ont au contraire tout intérêt à se concentrer sur le coeur de leurs métiers, avec des enseignants beaucoup mieux rémunérés et travaillant un peu plus.

2. Afin de réduire le coût du travail non qualifié pour les entreprises, et en particulier celui des jeunes à la recherche de leur premier emploi, sans payer personne moins que le smic, il faut que l’Etat français reprenne le contrôle des fonds de la formation permanente, aujourd’hui abandonnés aux syndicats patronaux et salariés et aux régions.

3. Enfin, si l’on veut former utilement 500 000 chômeurs de longue durée en un an, comme promis par le président de la République, il faut être capable de leur apprendre des métiers utiles, ayant des débouchés, et de les inciter à la création d’entreprise, dont sont parfaitement capables un grand nombre de ceux qui se pensent au bout de tout. Pour y parvenir, il faut en particulier abroger le volet de la loi Sapin de 2013 concernant la formation permanente, qui ne consacre que 3 % des 34 milliards d’euros disponibles à la formation des chômeurs.

Au total, pour concrétiser ce qu’il a annoncé, François Hollande devra agir très vite et massivement, sans plus écouter les forces conservatrices, dont beaucoup siègent dans son propre gouvernement. S’il ne le fait pas, le chômage français continuera d’augmenter, ce qui serait particulièrement désastreux au moment où les CDD se généralisent et où la précarité devient la règle.

S’il souhaite aussi remanier son gouvernement avant la prochaine présidentielle, il doit le faire au plus vite, en janvier, afin que les nouveaux ministres, si possible très compétents, soient chargés dès le début de ces réformes immenses.

Il lui faudra ensuite agir très vite, sur l’ensemble de ces sujets, par ordonnances pour l’essentiel.

S’il le fait, personne ne lui en voudra de ne pas avoir encore obtenu, en mai 2017, tous les résultats de son action. Et les électeurs pourraient même lui en être reconnaissants, comme le seront les livres d’histoire…

S’il ne le fait pas, et s’il recule à la moindre bronca des réactionnaires de tout acabit, dont beaucoup appartiennent à son propre camp, il aura laissé passer une chance historique de sauver la France de bien de ses maux.

Et le reste ne serait que bavardage.

par Jacques Attali

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