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Le pire est-il derrière ou devant nous ? Si la réponse reste floue, quelques certitudes s’imposent déjà.

Mars 2001 marque tristement le premier anniversaire du sommet atteint par les Bourses au printemps 2000. Au-delà du recul spectaculaire de l’indice Nasdaq, en chute de 60%, tous les marchés de la planète se sont sérieusement dégonflés. Des replis de 15 à 20% sont légion et placent clairement toutes les Bourses dans des tendances baissières prolongées. Est-ce là le prix à payer pour les excès du passé ou s’agit-il d’une exagération passagère ? Si l’interprétation reste incertaine, certaines pistes sont claires.

Première évidence, l’économie américaine a pris un sérieux coup de bambou. En voyant sa croissance reculer de 6% à 1% en un an, elle connaît sa plus forte décélération depuis la contraction de 1981-1982. Le commerce mondial vit le même phénomène, avec une dégringolade attendue de 6% cette année. Les liens de plus en plus profonds entre les économies font que personne n’est épargné par ce ralentissement de la conjoncture américaine. Une fois de plus, les Etats-Unis imposent leur rythme !

Seconde évidence, les actions étaient chères en mars 2000. Si des attentes de croissance bénéficiaire ambitieuses permettaient aux analystes de justifier ces niveaux, le retour forcé à plus de réalisme a remis les pendules à l’heure. D’une situation de surévaluation marquée, l’indice S&P500 américain est, aujourd’hui, sous-évalué. De combien ? D’une dizaine de pour cent, si l’on en croit un modèle mathématique intégrant des hypothèses raisonnables de croissance des bénéfices et des taux d’intérêt. Le passé a toutefois illustré régulièrement la capacité d’exagération du marché, à la hausse (l’année passée) comme à la baisse. Si le niveau de sous-évaluation s’est souvent arrêté dans le passé dans la fourchette de 10 à 20%, il a atteint les 30% en 1994.

Le cycle prolongé de croissance économique et financière de 1995 à 2000 laisse les Etats-Unis en position délicate. Les taux d’endettement des particuliers sont élevés et leurs portefeuilles remplis d’actions. Le déficit des comptes courants est énorme. Les excès de capacité de production en technologie sont considérables et le poids des entreprises de ce secteur dans l’économie est de plus en plus élevé. Il a été le moteur principal de la croissance exceptionnelle de ces dernières années, mais pourrait, pour les mêmes raisons, plonger l’économie en récession en 2001. De plus en plus d’économistes la prévoient pour le second semestre.

Pessimisme ?

Les marchés sont cependant loin d’anticiper une récession profonde. Le modèle de valorisation boursière évoqué précédemment intègre une croissance modérée des bénéfices des entreprises en 2001. La mondialisation de l’économie a clairement réduit la capacité des entreprises à imposer leurs prix. Si des taux de croissance économiques élevés leur permettaient de compenser cette faiblesse, un recul de l’économie les laisse beaucoup plus vulnérables et en position de voir leurs profits prendre une orientation négative. Le souci des dirigeants actuels de redresser rapidement la barre pourrait accentuer la brutalité du ralentissement conjoncturel et, partant, la chute des profits. Un cercle vicieux risque donc de s’installer, que les banques centrales auront grand-peine à casser, via la baisse de leurs taux directeurs.

Dernier volet de ce bilan déprimant : au terme d’une chute vertigineuse, les actions technologiques ne semblent plus exagérément chères au regard du reste du marché. Symptôme de ce rééquilibrage, le Nasdaq n’est guère tombé davantage que le Dow Jones durant ces dernières séances boursières. La vague de recul des technos a submergé le marché, qui recule aujourd’hui à l’unisson.

En résumé, une photo bien sombre qui laisse un sérieux sentiment d’inconfort. Certes, la Bourse n’a jamais été le terrain des certitudes. Des analyses sur longue période montrent qu’elle anticipe d’autre part les cycles économiques d’environ six mois. Une récession économique au deuxième semestre pourrait s’accompagner d’un creux boursier au premier, là où nous nous trouvons actuellement. Le pire est donc peut-être derrière nous. Un déclencheur est toutefois nécessaire pour inverser la tendance, aujourd’hui dictée par les révisions systématiquement baissières des attentes bénéficiaires des entreprises. En attendant, la baisse pourrait se poursuivre, au rythme de la dégradation du niveau de confiance des investisseurs dans le potentiel de croissance des entreprises…

Dominique Daoût

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