Petits ARRANGEMENTS entre  » amis « 

Tout le monde plie quand John Bico jette tout son poids dans la bataille. Thorgan Hazard a tourné la page et Zulte Waregem est dans les cordes. Bruxelles se mure dans un silence approbateur : tout est permis, puisqu’il veut enlever un troisième titre d’affilée.

Si le transfert de Thorgan Hazard à Anderlecht n’est pas encore conclu aujourd’hui, c’est la faute de Zulte Waregem. C’est en ces termes qu’au terme d’un week-end agité, les défenseurs de JohnBico et d’Anderlecht ont exprimé leur frustration à l’égard d’un club qui ne fait rien d’autre qu’essayer de respecter le contrat qui le lie à un joueur.

Jusqu’à lundi, Zulte Waregem s’en est fait fort : il s’appuyait sur un contrat solide. Il a signé avec Chelsea un bail stipulant que le club londonien mettait Hazard à sa disposition jusqu’au terme de la saison. Aucune clause ne permet de récupérer le joueur ni ne stipule qu’il doit se sentir heureux au Gaverbeek comme John Bico, qui le manipule comme une marionnette, essaie de le faire croire par presse interposée.

Le contrat ne comporte qu’une modalité : Hazard doit être titulaire. Son contrat de travail le lie à Zulte Waregem. Celui qui le convoite doit donc s’adresser au club flandrien. Zulte Waregem se sent soutenu par Chelsea. Le club londonien est satisfait du développement d’Hazard sous la férule de Francky Dury. L’entraîneur entretient d’excellents rapports avec Eddie Newton, qui suit le joueur pour le compte de Chelsea.

Entre la Noël et le Nouvel-An, quand les premières rumeurs d’accord entre Bico et Herman Van Holsbeeck sur un transfert d’Hazard à Anderlecht ont été lancées, Dury a contacté Newton, qui l’a assuré que Chelsea était opposé à un transfert en cours de saison.

Comme s’il ne voulait pas laisser planer le moindre doute à ce propos, Newton a confirmé ce point de vue mardi dernier par sms. Chelsea ne voit aucune raison de faire changer Hazard de club en cours de saison, qui plus est dans le même championnat, ne serait-ce que parce qu’il craint pour la réputation de son jeune joueur.

Conforté par ce message, Zulte Waregem a envoyé un communiqué de presse le soir même.  » Thorgan Hazard reste au SV Zulte Waregem.  » Et :  » Nous sommes heureux qu’Anderlecht comprenne notre point de vue, soit qu’il faut respecter un contrat.  »

Mais Anderlecht ne comprend rien du tout. Le matin suivant, il a contré l’optimisme flandrien par un communiqué de trois phrases :  » Le RCS Anderlecht continue à s’intéresser à Thorgan Hazard. Le Sporting Anderlecht laisse les parties compétentes mener à bien le transfert. Le club reste également ouvert à toute forme de dialogue avec l’ensemble des parties concernées.  »

Obéir à Bico

L’histoire du dialogue est neuve. Pendant des semaines, du côté de Bruxelles, il n’a même pas été question de la moindre tentative de contact avec Zulte Waregem, que les rumeurs rendent dingue. Un bruit venu de Bruges insinue même qu’on a fait appel au sélectionneur, Marc Wilmots, pour convaincre Hazard de rejoindre Anderlecht, avec un argument : il accroîtrait ainsi ses chances de sélection pour le Mondial. Le quotidien Het Laatste Nieuws ne cesse, lui, de répéter – sur l’insistance de l’entourage du joueur – que l’affaire est conclue mais rien ne bouge à Anderlecht.

Waregem ne sait plus à quel saint se vouer. Les sms envoyés fin décembre au manager Van Holsbeeck sont restés sans réponse. Dury voudrait savoir si Anderlecht court vraiment après sa vedette, comme il le lit dans la presse. Il n’a jamais reçu de réponse. Puis, le 6 janvier, Bico a téléphoné au directeur financier, Ronny Schelfhout. Le message était court : Hazard quitte Zulte Waregem. Schelfhout a immédiatement formé le numéro de Van Holsbeeck et a finalement réussi à lui parler. Il a prévenu le manager d’Anderlecht :  » Hazard est sous contrat chez nous et ne partira pas.  »

Van Holsbeeck en a pris acte mais en signalant quand même qu’Hazard est revenu dans sa mire après d’autres tentatives, vaines, en été. Bico lui avait téléphoné :  » Si Thorgan était libre, serait-il toujours le bienvenu chez vous ?  » Van Holsbeeck a répondu ce que tout le monde aurait dit à sa place :  » Oui.  »

Zulte Waregem n’en croit pas un mot. Il entend dire partout que c’est Van Holsbeeck qui a envoyé Bico et leur ami commun, Mogi Bayat, à la chasse. L’essentiel étant dit, Bico fait ce qu’il fait toujours : s’emparer des commandes. Il ne tolère aucune ingérence. Impérieux, il a conseillé à Van Holsbeeck de ne prendre aucune initiative jusqu’à ce qu’il ait trouvé lui-même une solution avec Zulte Waregem et Chelsea.  » Sinon, Thorgan ne viendra pas.  »

Van Holsbeeck a eu mauvaise conscience mais l’intérêt de son club a pris le dessus. Thorgan Hazard est sa cible et s’il faut procéder comme ça pour l’attirer au stade Constant Vanden Stock, qu’il en soit ainsi. Naturellement, il sait pertinemment que Bico a été affilié comme entraîneur au White Star Bruxelles et que la perte de sa licence de manager n’est qu’une question de temps mais Bico reste le seul qu’écoute Hazard, le seul aussi à décider du cours de sa carrière, que nous trouvions ça bien ou pas. Donc, Van Holsbeeck obéit.

Règlement de comptes

La semaine dernière, Van Holsbeeck et Schelfhout se sont revus pour la première fois, à la Ligue Pro, juste après qu’Hazard eut annoncé la couleur. Après le match de Coupe contre le Cercle, il a ouvertement exprimé ses préférences pour Anderlecht. Quand Van Holsbeeck lui demande ce qu’il compte faire, Schelfhout répond qu’il va discuter de la situation avec le conseil d’administration. Dans une courte réaction adressée aux journalistes présents, le manager d’Anderlecht réfute toute responsabilité dans le feuilleton.

Il constate que Zulte Waregem n’a pas hésité à faire des affaires avec Bico dans un passé récent mais que  » les amis d’antan ne sont apparemment plus des amis.  » Une flèche bon marché car les liens étroits tissés entre le Gaverbeek et Bico sont à mettre sur le compte du CEO Patrick Decuyper. Depuis que celui-ci a perdu son duel avec Dury et a quitté Waregem, Bico y est tombé en disgrâce.

L’imposant Bico ne se laisse pas écarter aussi facilement. Il n’a pas oublié la manière dont Dury l’a ridiculisé dans l’affaire du brassard, une des conditions imposées pour la prolongation du séjour du joueur à Waregem en été. La démarche de Bico s’apparente à un règlement de comptes. En stage à Majorque, Dury a eu deux entretiens avec son numéro dix et il lui a fait comprendre qu’il n’avait pas l’intention de le laisser partir comme ça. Hazard a fait preuve de compréhension. Il reconnaît s’amuser à Zulte Waregem tout en considérant Anderlecht comme un nouveau pas en avant. Dury lui a conseillé de postposer ce pas de quatre mois. Réponse :  » Dans quatre mois, je veux jouer à l’étranger.  »

Dury a compris qu’Hazard avait été séduit. Aussi professionnel reste-t-il, il est très flatté par l’intérêt des Mauves. Les journaux ont fait le reste. À Abu Dhabi, ils ont interrogé Junior Malanda, en stage avec Wolfsbourg. Quel conseil pourrait-il prodiguer à Hazard ? Partir. La réponse n’est pas vraiment surprenante. On a également sondé les joueurs d’Anderlecht sur les sentiments qu’ils éprouvaient pour le mercenaire de Chelsea.  » L’équipe tout entière espère que Thorgan viendra.  » On pouvait s’en douter.

On a créé un tel climat que, contrat ou pas, Zulte Waregem ne semble plus en mesure de conserver Hazard. Le club n’a manifestement pas accès au plus haut niveau décisionnel à Chelsea. John Bico y pèse nettement plus lourd, sous maints aspects. Il n’a pas besoin de s’incliner devant l’avis d’un scout ou d’un entraîneur du Youth Development Programme de Chelsea. Son smartphone comporte le numéro de Marina Granovskaïa, la femme de confiance de Roman Abramovitch, qui est la personne la plus puissante à Stamford Bridge, après le milliardaire. En Belgique, seules quelques rares personnes ont son numéro. Parmi elles, Bico.

Coup de fil à Marina

Samedi matin, le dénouement semble proche : Bico envoie un message triomphant, via un une-deux avec Het Laatste Nieuws, comme par hasard. En quelques phrases hilarantes, il annonce que Thorgan Hazard va bel et bien jouer pour Anderlecht. D’après le quotidien, Anderlecht va officialiser la nouvelle dimanche. Bico précise que le volet juridique du transfert a été traité par Laurent Denis, son avocat au White Star Woluwe et un ami d’Anderlecht mais aussi un des 32 accusés qui vont comparaître dans deux semaines dans le plus grand scandale de corruption de l’histoire du football belge, l’Affaire du Chinois Ye Zheyun. Il se dit conseiller du joueur, puisqu’il ne peut plus être manager à titre officiel, étant devenu l’entraîneur du White Star.

Waregem n’y comprend plus rien. Durant la semaine où il a été en contact avec Bico et Van Holsbeeck, Ronny Schelfhout a également demandé au manager Didier Frenay de téléphoner à Marina Granovskaïa. Ayant branché le haut-parleur, il a entendu celle-ci confirmer ce que d’autres sources à Chelsea avaient répété à Dury : elle ne voyait aucune raison de faire transférer Hazard prématurément. Après le communiqué de presse de Bico, Schelfhout a demandé à Frenay s’il ne pouvait lui communiquer le numéro de la first lady de Stamford Birdge. Le manager a demandé la permission de celle-ci, qui a accepté. L’entretien de quarante minutes qui a suivi entre Schelfhout et Granovskaïa peut se résumer ainsi :  » Nous respectons nos contrats.  »

Pourtant, Hazard avait déjà un pied et demi à Bruxelles. Chelsea a réaffirmé son soutien mais sans se mouiller. Le frère cadet d’Eden n’est plus une priorité aux yeux d’Abramovitch et de Mourinho. Il est plutôt considéré comme un investissement, à l’instar de Kevin De Bruyne, transféré du RC Genk pour 9 millions d’euros et revendu un an et demi plus tard au VfL Wolfsbourg pour plus de 20 millions. Joli bénéfice pour le club, grâce à un joueur qui a à peine porté son maillot. Qu’importe donc à la belle Marina que Thorgan Hazard joue les quatre prochains mois ? Elle a dit à Ronny Schelfhout que Zulte Waregem avait le dernier mot.

Hélas, ce mot ne pèse pas lourd. Le vice-champion a livré un combat inégal, pris dans les zones grises du football moderne. Le club flandrien n’obtiendra sans doute que quelques compensations. La volonté de Bico fait loi et la grandeur du stade Constant Vanden Stock appartient au passé. Sonentourage n’a permis à Roger Vanden Stock de discuter avec le président de l’Essevee, Willy Naessens, que vendredi dernier, mais trop tard pour arriver à un accord personnel. Pendant des semaines, les clubs ont communiqué entre eux et avec le monde extérieur par sites internet interposés, portant un coup fatal à toute relation de confiance.

Un troisième titre d’affilée

Reste une question : pourquoi Anderlecht veut-il adjoindre Thorgan Hazard à son noyau ? C’est un numéro dix apte à évoluer à gauche, donc aux mêmes postes que Dennis Praet. Massimo Bruno a déjà évolué derrière l’attaque aussi et même Youri Tielemans possède le potentiel requis. Ces trois jeunes du cru qui ont été formés au Sporting vont donc subir la concurrence d’un garçon qui est assuré d’être titulaire. En d’autres termes, Hazard ne comble aucun poste à problèmes. En outre, traditionnellement, Anderlecht se garde de louer des joueurs, ne voulant pas les faire progresser pour le compte d’autres clubs. Le Sporting fait donc fi de ce principe.

La stratégie bruxelloise s’appuie sur deux axes : affaiblir la concurrence – rappelez-vous le montage envisagé avec Michy Batshuyai – et lutter pour le titre. Durant ce qui devait être une saison de transition, la direction anderlechtoise a donc jugé, au Nouvel-An, qu’un troisième titre d’affilée restait possible, une perspective avec laquelle elle n’avait pas compté. Las, elle ne juge pas le noyau actuel capable d’y parvenir. Donc, Hazard doit apporter au onze de John van den Brom le petit plus qui lui manque : du leadership et la créativité perdue suite à la blessure de Matias Suarez. On a soufflé au joueur qu’un titre remporté avec Anderlecht ferait joli sur son cv.

Malgré sa déconfiture à Malines, Anderlecht reste deuxième, à sept points du Standard, un gouffre qui se réduirait à quatre unités au début des play-offs. En enrôlant Hazard, le Sporting choisit le court terme, puisque le joueur compte bien émigrer au terme de ce championnat. Bien sûr, si les Mauves parviennent à se qualifier pour la Ligue des Champions, il n’est pas impensable que les parties concernées décident de prolonger la location, avec un effet annexe bienvenu pour Herman Van Holsbeeck, qui verrait ainsi la gestion des transferts, lacunaire depuis l’embauche de Van den Brom, couverte par ce joli coup.

PAR JAN HAUSPIE

Bico fait ce qu’il fait toujours : s’emparer des commandes. Il ne tolère aucune ingérence.

Le club flandrien n’obtiendra sans doute que quelques compensations.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire