Peter Jackson en grand seigneur

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Avec Le Seigneur des Anneaux – La Communauté de l’Anneau, le réalisateur néo-zélandais entame sur un coup de maître son adaptation de la trilogie de Tolkien

Autant les plus jeunes lecteurs pouvaient attendre avec impatience l’adaptation à l’écran de Harry Potter, autant celle du Seigneur des Anneaux mobilise, depuis son annonce, voici quelques années, plusieurs générations d’admirateurs fervents. La trilogie fantastique de J.R.R. Tolkien passionne en effet les adolescents et de nombreux adultes depuis sa parution dans les années 1950. Totalisant aujourd’hui plus de 100 millions de lecteurs, elle marque un incontestable sommet de la littérature épique et fantastique. Un sommet jugé par beaucoup impossible à adapter au cinéma, pour cause de longueur et de cadre énormes, pour cause, aussi, de visions surnaturelles dépassant l’imagination et, à fortiori l’image cinématographique telle que nous la connaissions jusqu’à présent.

Il aura fallu, pour que l’impossible devienne réalité, la passion et le talent fou d’un réalisateur – le Néo-Zélandais Peter Jackson -, la confiance et l’ambition d’un studio (New Line), l’avènement enfin – et peut-être surtout – d’une technologie numérique ouvrant des possibilités visuelles pratiquement infinies.

Un grand film d’aventures

Extraordinairement attendu, le premier épisode de la trilogie, La Communauté de l’Anneau, déboule sur nos écrans cette semaine et devrait y faire un malheur. La réussite est en effet totale ou presque, pour une oeuvre qui figurera sans aucun doute parmi les meilleurs films d’aventures fantastiques jamais réalisés. Un bref prologue nous explique comment furent forgés, voici très longtemps et dans un pays imaginaire, 19 Grands Anneaux porteurs de pouvoirs magiques et de longévité. Il nous révèle que Sauron, sombre seigneur de Mordor, créa un Anneau supplémentaire, qui commanderait tous les autres et donnerait à son possesseur une puissance infinie. Il détaille enfin les pérégrinations du précieux et dangereux objet, jusque dans les mains menues de Bilbo Baggins, membre du peuple sympathique des Hobbits. Sur l’intervention du magicien Gandalf, Bilbo transmettra l’Anneau à son neveu adoptif Frodo, un jeune homme sensible et intelligent, dont la tâche sera de ramener le mythique bijou sur les lieux mêmes de sa fabrication, puis de l’y détruire afin d’en finir, une fois pour toutes, avec le potentiel maléfique qui y est attaché. Une petite troupe de Hobbits, de Nains, d’Humains et un Elfe l’accompagneront vers Mordor. Connue comme la Communauté de l’Anneau, elle cheminera sous la double menace des sbires de Sauron et des soldats maléfiques envoyés par le magicien félon Saruman…

L’anecdote de départ du Seigneur des Anneaux s’inspire largement des mythes germaniques et d’origine scandinave de l’Anneau des Nibelungen et de Parsifal, tous deux génialement transposés à la scène par Richard Wagner dans des opéras fameux. Tolkien n’en avait pas moins, très vite, donné la priorité à sa propre et sensationnelle imagination, engendrant un suite fascinante d’aventures où se côtoient passages épiques riches en combats et description minutieuse de la vie quotidienne dans les différentes cultures de l’univers où se déroule l’action. Le romancier alla jusqu’à inventer une langue pour les héros de sa longue et passionnante saga.

« Le plus extraordinaire, avec la trilogie du Seigneur des Anneaux, déclare Peter Jackson, c’est que, après une centaine de pages, on ne ressent plus le monde inventé par Tolkien comme le fruit de son imagination, mais comme une réalité palpable et précisément documentée! » Le cinéaste néo-zélandais, révélé par le singulier et subversif Heavenly Creatures, découvrit l’oeuvre de Tolkien à travers le film baroque et foisonnant qu’en tira, en 1979, l’animateur Ralph Bakshi. La lecture subséquente des trois livres créèrent un choc chez le jeune homme qui ne pensait pas encore se retrouver un jour en position de porter lui-même le chef-d’oeuvre à l’écran.

Devenu metteur en scène à succès, Jackson rêvait de tourner un film d’aventures fantastiques dans la lignée de King Kong, de Jason et les Argonautes et du Septième Voyage de Sindbad, perles du genre où s’exprimait à merveille le génie du sorcier des effets spéciaux, Ray Harryhausen. Il repensa logiquement au Seigneur des Anneaux. Et, lorsqu’il apparut que les droits d’adaptation étaient libres, puis qu’un financement pouvait être trouvé malgré l’énormité du projet, le barbu néo-zélandais se jeta dans ce qui devait vite devenir une aventure en soi.

Un imaginaire organique

Pour d’excellentes raisons à la fois artistiques et commerciales, Jackson entreprit de tourner les trois films en une fois. « Je voulais assurer la plus grande cohérence possible aux différentes parties de la trilogie, et aussi voir les sorties se suivre à moins d’un an d’intervalle », explique le réalisateur, également coauteur du scénario. Ainsi débuta en Nouvelle-Zélande, au terme d’un délicat travail d’écriture, un tournage qui devait durer… près d’un an et demi! Au terme de ce processus, « bien sûr épuisant mais qui fit de l’équipe une unité à la motivation fervente », Jackson revint avec des tonnes d’images qu’il prit ensuite le temps de fignoler grâce à la technologie digitale. Il finira les deux autres films au fur et à mesure, « en utilisant les effets les plus performants du moment, en tournant également, si nécessaire, des plans additionnels ».

Les effets spéciaux sont de toute évidence un élément clé d’un spectacle comme Le Seigneur des Anneaux, et Jackson ne cache pas que seule leur évolution remarquable des dernières années a pu rendre possible une entreprise comme la sienne. Mais, si l’informatique est largement mise à contribution dans La Communauté de l’Anneau, c’est toujours au service d’une démarche esthétique précise, rigoureuse, réfléchie. « J’ai toujours été un grand admirateur de Ray Harryhausen, l’homme qui créa Jason et les Argonautes et Le Septième Voyage de Sindbad, commente Peter Jackson. Il animait ses créatures fantastiques à la main, image par image, devant la caméra. Je peux aujourd’hui le faire en images de synthèse, sur un ordinateur. Mais ma philosophie est fidèle à la sienne: donner aux effets une dimension organique et poétique, qui excite l’imagination et laisse place au mystère, donc à l’humain. Le Troll que combattent les héros dans la mine a, par exemple, été fabriqué en argile, avant d’être scanné et enfin animé en images digitales… »

Sur le plan des effets comme sur beaucoup d’autres, La Communauté de l’Anneau est une réussite totale. Vous découvrirez dans ce film des images stupéfiantes, dans l’horreur comme dans la beauté. Certes, le sens du détail et du quotidien minutieusement cultivé par Tolkien ne se retrouve guère dans ce qui est, avant toute chose, un film d’aventures. Mais l’élan épique est bien là, porté aussi par une distribution où brillent Elijah Wood (Frodo), Ian McKellen (Gandalf), Viggo Mortensen (Aragorn) et Ian Holm (Bilbo). Avec eux, on vibre, on frémit, on s’émerveille, et on se retire comblé, au terme de trois heures haletantes, faisant attendre impatiemment la suite!

Louis Danvers

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