Peinture et politique

Guy Gilsoul Journaliste

Après Venise en 2001, Kassel en 2002 et Londres en solo, à la Tate Modern, en 2004, Luc Tuymans, 50 ans, présente son dernier travail au Wiel’s, à Bruxelles.

L’homme est devenu un incontournable de l’art contemporain. Sa peinture est réfléchie comme chacun de ses mots qu’il distille avec autorité. Fasciné par la philosophie rationaliste allemande, il n’aime pas l’approximation. De même, il gère sa carrière d’une main de fer évoquant à ce propos une  » nécessaire schizophrénie  » entre le temps de la création et celle de sa diffusion. Pourtant, il n’y a rien de comparable entre lui et certains des producteurs de spectacles muséographiques. Chacune de ses expositions est le fruit d’un lent travail d’enquête critique préalable, et l’approche de la peinture elle-même exige une lenteur et une persévérance oubliées. Car, aux côtés de l’image proprement dite, figée et énigmatique dans son apparent anonymat, il y a la manière. Une  » fabrication  » que l’artiste anversois situe dans la droite ligne d’une tradition du  » faire  » qui relierait Jan Van Eyck à Edward Hopper. Mais là aussi, si le détail réserve des surprises que seul le regard très attentif percevra, le cadrage et les choix chromatiques (teintes assourdies ou passées aux blancs de l’effacement) imposent d’abord une distance. De même, Tuymans compose la scénographie de chacune de ses expositions afin de créer une sorte de récit sous forme de story-board dont chaque tableau sera un élément. La complexité de ce discours tient donc aussi à la mise en relation d’images dont l’origine est parfois, à première vue, fort éloignée du propos central. A la manière des anciens photomontages dadaïstes, mais avec un sens du jeu d’échecs redevable à Marcel Duchamp, chacune des toiles est aussi préparée plastiquement à coups de croquis, maquettes et photographies (faites par lui-même ou glanées dans la mémoire des médias), le tout mis en perspective à travers une autre mémoire, celle de l’histoire de la peinture elle-même et du cinéma.

Viendra ensuite le temps de la réalisation picturale. Dans un silence glacé, seul face à ses quatre murs, il réalise le travail en une seule journée. Partant du plus faible contraste vers le plus fort,  » comme les vieux maîtres « , rappelle-t-il, il mettra au jour le cadrage en privilégiant souvent l’effet du zoom qui favorise le côté trouble du contenu et  » l’immédiateté qui intensifie les choses « . Plus tard, Tuymans reviendra sur les détails, là où, expliquait-il à Jean Paul Jungo ( Doué pour la peinture, éd. Mamco), se situe le plaisir. Au Wiel’s, il présente le troisième volet d’un triptyque dont les deux premiers avaient abordé, tour à tour, le pouvoir de l’ordre des Jésuites et le phénomène Disney. Ici, les vingt toiles rassemblées, construites à partir de documents divers (dont une £uvre de Fernand Khnopff), interrogent la question de la télé-réalité.

Against the Day, au Wiel’s, Bruxelles, 354, avenue Van Volxem. Du 23 avril au 2 août. Du mercredi au samedi, de 12 à 19 heures. Le dimanche, de 11 à 18 heures. Infos : www.wiels.org

Guy Gilsoul

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