Peindre avec des mots

Zola-Courbet, Mirabeau-Monet, Aragon-Matisse, Michaux-Magritte, Char-Staël… Fascinés par les grands maîtres, des écrivains ont, de tout temps, donné de leurs tableaux les plus émouvants portraits.

Jamais beau livre n’aura si bien porté son nom. Car ceux qui ont pris la plume, dans cette somptueuse anthologie (1), pour commenter les chefs-d’£uvre universels de la peinture, sont eux-mêmes des créateurs de génie. Stendhal, Hugo, Sand, Gautier, Zola, Claudel, Valéry, Kundera… tous sont là, de Diderot à Quignard, pour donner à voir les plus belles toiles par leurs phrases enfiévrées.  » Quel feu par le bas flambe et vous gonfle les jupes/Effrayante poupée un supplice espagnol… « , s’enflamme Cocteau, dans un hommage vibrant à la chétive infante Marguerite ( photo), immortalisée à plusieurs reprises par Vélasquez : tantôt en prose, tantôt en vers, pris au piège de la beauté des formes et des couleurs, des écrivains ont exalté fresques et tableaux depuis l’Antiquité. Mais la description d’art commence véritablement au xviiie siècle : c’est Diderot qui incarne la première véritable passion littéraire pour l’art pictural. Après, la fascination ne cessera jamais. A dater de Baudelaire (à deux exceptions près – Rimbaud, Lautréamont), la figure du poète et du critique d’art fusionne : à l’époque, les moyens de reproduction des £uvres peintes sont très restreints et le public, qui n’a pas facilement accès aux originaux (mais qui est déjà friand de critiques de théâtre ou d’opéra), réclame impatiemment ces écrits. Tout le xxe siècle, ensuite, ne fait qu’accentuer la fusion des deux disciplines, renouvelant le mythe des affinités électives entre Muses. Les écrivains, mieux que les historiens d’art, aiment la plastique. Ils savent, eux, qu’en racontant un tableau ils libèrent une deuxième création. Ils savent aussi qu’un style pictural, comme un style scriptural, est une pensée… Devant tant de splendeurs, ils laissent déferler le flot des mots.  » Et leurs textes magistraux, constate Pascal Dethurens, directeur de l’Institut de littérature comparée de l’université de Strasbourg, et coordinateur de l’ensemble de ces illustres duos, feraient pardonner ce manquement à la politesse élémentaire qui est de mise devant ces £uvres supérieures, et qui s’appelle… le silence.  »

(1) Ecrire la peinture. De Diderot à Quignard, Citadelles & Mazenod, 496 p.

V.C.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire