Payer plus pour avoir moins

Les avis divergent fortement sur le sens et le non-sens d’acquérir une voiture décapotable. Il est en effet difficile de concilier raison et passion. Quand le cour s’emballe, la raison a tendance à faire défaut.

Le cabriolet existe depuis que la voiture est née. A la fin du xixe siècle, les calèches améliorées équipées d’un moteur ont sonné le début d’une nouvelle ère de mobilité. Il aura encore fallu quelques années avant que le chauffeur et ses passagers ne se voient octroyer un toit au-dessus de leur tête. La première génération de moteurs était effectivement trop peu puissante pour pouvoir supporter le poids d’une telle carrosserie.

Succès et richesse

Depuis lors, les voitures particulières sont devenues un bien commun disponible dans des modèles variés pourvus d’une multitude d’équipements de sécurité et de confort. La survie du cabriolet est moins évidente qu’elle n’en a l’air. Il est moins confortable qu’une berline ou un coupé et pourtant plus cher à l’achat et à l’entretien. La quasi-absence de coffre le rend inadéquat comme voiture familiale polyvalente et la capote n’est pas toujours hermétique au vent ni imperméable. Le cabrio est comme une incantation de l’été et des vacances. Et rouler décapoté sans protection est un appel au coup de soleil. Selon Jan Vroemans (Jaguar),  » le fait que les convertibles soient plus populaires dans des pays pluvieux comme la Belgique et le Royaume-Uni que dans les pays de l’Europe du Sud a tout à voir avec notre profond désir de soleil et de nature. Dès l’apparition des premiers rayons de soleil, le toit s’ouvre afin de pouvoir jouir pleinement des senteurs et des couleurs « .

Rouler décapoté est également lié au statut social. De par son aspect singulier et son prix élevé, la voiture décapotable est synonyme de succès et de richesse. Qu’elle soit plus présente à Knokke que dans le reste du pays ne relève donc pas du hasard. Quant à savoir si elle mérite de porter l’étiquette de  » voiture typiquement féminine « , les opinions divergent.  » Qui roule avec quoi diffère selon la marque et le modèle, précise Jan Vroemans. Prenons Jaguar, par exemple : la XK cabrio avec laquelle roule madame est généralement enregistrée au nom de la société de monsieur. Une évaluation correcte de la situation réelle est donc très difficile.  » Il en va de même pour Mercedes. Chez BMW, la version des faits diffère. Selon Christophe Weertz, les clientes BMW optent en premier lieu pour des petits moteurs économiques. L’option décapotable n’arrive qu’en deuxième position. Une différence marquante par rapport à la clientèle masculine, qui recherche avant tout la puissance sous le capot et les prestations sportives sur la route. Les hommes craquent pour un coupé rapide. Par contre, une élégante décapotable ne les attire pas. Pour Olga Remy, la Peugeot 207 CC plaît surtout aux (jeunes) femmes (57 %), tandis que la 307 CC est très populaire auprès du public masculin (59,4 %).

Les moteurs à essence et les moteurs diesel sont représentés de manière quasi égale. Ainsi, la nouvelle génération de moteurs diesel poursuit sa progression dans ce segment et cela confirme l’impression que le conducteur de décapotable d’aujourd’hui ne ressemble plus du tout à l’aristocratique coureur automobile d’hier. N’entrent évidemment pas en ligne de compte les ferraristes et les porschistes machos.

Exclusif

Les voitures décapotables sont longtemps demeurées un produit de niche exclusif : elles sont trop chères et ne servent que comme voitures d’été. L’histoire du cabriolet nous apprend qu’on ne peut ignorer le travail de pionnier de Mercedes-Benz. La majorité des innovations dans le segment du cabriolet sont attribuées au constructeur automobile allemand qui possède à ce jour la gamme de modèles la plus variée : des modèles sportifs à deux places SLK et SL à l’élégante convertible CLK, une quatre-places à part entière avec un toit pliant en toile. Les roadsters possèdent un toit  » vario « . Mercedes a développé cette construction de toit en collaboration avec le fournisseur américain CTS. En 1996, le système a été mis en production de série sur la SLK. Actuellement, trois quarts des voitures décapotables sont équipées d’un tel toit pliant en tôle. Alfa Romeo, Audi, Jaguar et Saab s’en tiennent obstinément au toit pliant en toile. Provisoirement dernier sur la liste, BMW a changé de camp en équipant la nouvelle BMW 3 cabrio et la Z4 d’un toit rigide. La Mazda MX5 propose les deux variantes de toit. La version du toit en toile se situe largement en tête (60 %) par rapport à la variante du toit rigide, 2 500 euros plus chère. Les deux systèmes ont leur propre philosophie et leur propre prix.

Luc Landuyt, un Belge qui travaille chez Renault depuis 1992, est l’éminence grise parmi le gratin des designers encore actifs et a un goût prononcé pour les décapotables. C’est un connaisseur par excellence.  » Le roadster représente la forme la plus pure de rouler décapoté et offre également un plaisir de conduite optimal. Tant l’aspect technique que le côté design sont au service du plaisir. Tout concepteur rêve d’une telle mission. Pour un quatre-places coupé cabriolet, il faut faire davantage de compromis, la plupart du temps au détriment de la silhouette élégante du véhicule. Il faut énormément de créativité et d’inventivité pour trouver un bon équilibre entre l’espace destiné aux passagers et celui réservé aux bagages. La construction métallique du toit prend énormément de place. Un toit rigide signifie également un surpoids et une instabilité, exigeant une fois encore des adaptations et renforcements supplémentaires. Avant même de vous en apercevoir, vous vous retrouvez dans une impasse. Tous ces éléments pris en considération, le prix plus élevé de la voiture décapotable apparaît comme une évidence. Il faut également tenir compte du fait que l’investissement en hardware et en software doit être amorti sur un petit nombre de véhicules. Si le consommateur est prêt à payer un prix honnête, le producteur fait une bonne affaire. D’autant plus qu’une création plaisante contribue à l’image de la marque. « 

Le consommateur ne s’offusque pas d’un supplément de prix

Un cabriolet coûte cher mais un coupé cabriolet coûte encore plus cher. Selon Olga Rémy (Peugeot), les avantages justifient le supplément de prix. Elle se sent réconfortée par le succès grandissant du coupé cabriolet au détriment du roadster à toit souple.  » En peu de temps, le coupé cabriolet a conquis trois quarts du marché et il est clair que le client ne s’offusque pas du supplément de prix. Je comprends son attitude car il acquiert deux véhicules pour le prix d’un. En hiver, il roule en coupé, en été, en cabrio. En fait, le toit qui se trouve au-dessus de sa tête est gratuit. « 

Tout comme son collègue et porte-parole Jan Vroemans (Jaguar), Philippe Casse (Audi) se trouve également dans le camp opposé. Tous deux ne jurent que par le toit en toile.  » Un toit rigide est pesant et lourd et ce, au détriment de l’esthétique, des prestations et de la tenue de route. Un toit souple est en outre meilleur marché, aussi bien à l’achat qu’à l’entretien et est plus durable.  » Leurs propos se réfèrent indirectement aux mauvaises expériences de certaines marques concernant le système de pliage compliqué de leur toit rigide. Après quelques années, des signes d’usure apparaissent et le toit ne semble plus totalement hermétique. Philippe Casse n’en reste pas là et souhaite encore tordre le cou à quelques préjugés.  » Il n’y a rien à reprocher à l’insonorisation des toits souples. Des tests effectués dans un environnement de laboratoire idéal indiquent que le niveau sonore à l’intérieur de la nouvelle A5 cabrio ne dépasse que d’un décibel celui de l’A5 coupé.  » C’est donc négligeable. Il contredit également le fait que les cabriolets équipés d’un toit en toile sont plus souvent la cible de vandalisme.  » Briser une vitre latérale demande moins de force, fait moins de bruit, prend moins de temps et attire moins l’attention que d’entailler un toit en toile à multiples couches. Marnic Speltdoorn (Assurances P&V) le rejoint :  » Pour le calcul d’une prime en responsabilité civile, les assureurs ne font pas de distinction entre les différentes variantes de carrosserie. Selon la marque et le modèle de véhicule, nous insistons cependant sur l’installation d’un dispositif de sécurité antivol supplémentaire. Le montant de la prime pour la garantie antivol est environ 15 % plus élevé pour un cabriolet, qu’il soit ou non équipé d’un toit rigide.  » Les conducteurs de cabriolet sont donc enfin libérés de l’image de fous du volant mais pas encore du fléau du vol.

Selon Koen Dekoning (Toyota/Lexus), le fait que les marques asiatiques soient sous-représentées dans ce segment s’explique facilement.  » L’Asie n’a pas de tradition cabriolet comme l’Angleterre, la France et l’Italie. Les marques asiatiques ont en outre d’autres priorités. Nous mettons l’accent sur l’augmentation de la productivité au sein de nos usines et nous investissons en premier lieu dans des technologies tournées vers l’avenir. Les produits de niche ne sont pas notre tasse de thé. « 

Reste à savoir quelle est la plus belle voiture décapotable du marché. Mais là, il s’agit d’une question hautement personnelle…

U.V.

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