Pascal Smet casse la loi des séries

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Pour sa réforme de l’enseignement secondaire, le ministre flamand s’inspire du système finlandais. Principale nouveauté : supprimer les filières et imposer un cursus identique pour tous les élèves. Une révolution.

Ah… Pascal Smet, ce jeune Flamand qui, autrefois installé à Bruxelles, avait séduit en peu de temps les Bruxellois par sa volonté de défendre une Région bruxelloise autonome et forte. Repêché par l’exécutif Peeters II comme Bruxellois de service, le SP.A y est surnommé  » le lapin Duracel « . Il vient de dévoiler la réforme de l’école secondaire. Elle aura au moins deux vertus. Celle de lui offrir la grande réforme des cinq années qu’il devrait passer au gouvernement (ça, c’est secondaire). Celle surtout de briser  » l’effet guillotine induit par la déprimante structure des filières « . Vaste programme !

Du coup, Pascal Smet évite la querelle entre pédagogues sur le contenu et les aptitudes. Il invite les partenaires, réseaux, enseignants, syndicats à la table des négociations. Car enfin, cette réforme part d’un constat accablant, bien connu de tous : l’école flamande s’est structurée en filières depuis tout en haut, le général, jusqu’à tout en bas, les voies professionnelles. Qui fourvoie les élèves, fabrique de l’échec. Qui laisse sortir chaque année 15 % de ses jeunes sans diplôme ni qualification.  » L’orientation des élèves se fait aujourd’hui trop tôt, menant à des erreurs nombreuses. Il faut permettre une spécialisation progressive « , déclare Pascal Smet.

Pour y arriver, le ministre ne manque pas de sources d’inspiration. Comme la Finlande, le Canada ou le Japon – pays phares des exercices de comparaison de l’OCDE – montrant que les nations les plus performantes sont aussi les plus égalitaires. En proposant un cursus unique, ils sont plus efficaces et font progresser davantage tous les élèves, les bons comme les moins bons.

Que trouve-t-on dans sa note, intitulée  » paquet de différenciation  » ? D’abord, pour briser la hiérarchie entre filières, un parcours unique jusqu’à la 4e secondaire. Soit des enseignements communs à tous, avec les mêmes programmes. En pratique, en 1re secondaire, on compte 12 matières obligatoires, et deux à trois heures de  » différenciation « . A partir de la 2e, on ajoute deux heures à la carte : l’élève pioche dans différentes thématiques (langues et littérature, commerce et économie…). En 3e et 4e secondaire, à côté d’un socle commun (11 matières obligatoires), l’offre optionnelle s’élargit encore : l’élève choisit deux des six  » domaines d’intérêts  » (langues classiques, médias, bien-être et sciences sociales…). A laquelle on joint toujours deux à trois heures de différenciation. La 5e secondaire devient la vraie classe d’orientation : le jeune opte alors entre un cursus général et un cursus professionnel, ou garde les deux options ouvertes. Autre nouveauté : l’élève aura désormais  » le droit de se tromper  » et la possibilité de changer. Pour cela, on a prévu des  » passerelles  » et des cours de rattrapage pour qu’il puisse se remettre à niveau.

Mais Pascal Smet a tenu aussi à rassurer ceux qui y voient un nivellement de l’école flamande. Il y aura un  » suivi personnalisé des élèves « .  » Nous ferons en sorte que les plus brillants puissent travailler davantage tout en permettant aux plus faibles d’être assistés « , soutient-il. Comprenez : tous dans la même classe mais, selon leur niveau, les élèves auront trois heures de soutien ou d’approfondissement par semaine. Plus question non plus d’entrer en secondaire sans le CEB – ceux qui ne l’ont pas iront dans une  » classe passerelle  » – ni sans une bonne maîtrise du néerlandais – ceux-là seront plongés dans un bain linguistique.

Une leçon flamande ?

Vaste programme, oui ! Mais pas impossible. Après un premier tour de chauffe, sa note a reçu un accueil prudent mais positif. En fait, la réforme est souhaitée par tous, et le projet a longtemps mijoté dans la marmite d’une commission étoffée et multipartite, cimenté par une vaste consultation. Ainsi l’enseignement catholique (puissant et majoritaire en Flandre) loue  » une orientation des élèves plus tardive « . En face, l’école publique reprend une inconnue : comment financer ce futur lycée et le dupliquer sur le terrain ? Sur ces chapitres, Pascal Smet reste évasif : c’est la première étape d’une réforme globale, qui sera instaurée à la rentrée 2014.

Un nouveau coup sur la tête de la Communauté française ? L’égalité des chances, saine proclamation, serait-elle devenue une tarte à la crème ? Du côté francophone, le cursus commun s’arrête à 14 ans, et la 3e secondaire fait figure de Moulinette pour les élèves les plus fragiles. Au final, à peine 1 élève sur 3 sort diplômé de la filière générale, et 34 % quittent l’enseignement avant la fin du secondaire. Face à ces échecs répétés, faut-il carrément réformer tout le cursus scolaire ? Pas de bouleversement en vue. La tendance serait plutôt de revaloriser l’école qualifiante.

SORAYA GHALI

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