Pascal Delwit :  » Ils n’ont plus le même pouvoir d’attraction « 

Le politologue de l’ULB souligne combien Ecolo est devenu un parti  » comme les autres « . D’où la nécessité absolue de se réinventer un discours clair.

Pour Pascal Delwit, la réécriture des fondements idéologiques du parti intervient à un moment-clé. Parce que trente-trois ans après sa fondation, Ecolo est devenu une formation politique  » comme les autres « . Il lui faut trouver une nouvelle voie pour se distinguer.

 » On peut tracer l’histoire d’Ecolo en trois temps, explique le politologue de l’ULB. Le premier, ce sont les années 1980. Le parti incarne la nouveauté alors que nous sommes dans une période marquée par les blocages institutionnels et la crise économique. Il impose l’enjeu environnemental à l’agenda politique. Mais son fonctionnement est chaotique, avec un nombre de secrétaires fédéraux allant jusqu’à neuf, dont certains à temps partiel, et des assemblées générales interminables. La première crise interne de 1984-85 débouche sur la rédaction de la déclaration de Péruwelz-Louvain-la-Neuve. Une manière de sortir de la crise d’adolescence.  »

Vient la deuxième ère. Ecolo s’assume comme un parti à part entière, non plus comme un mouvement anarchique. Il accepte de devenir un acteur décisionnel.  » Après son succès électoral de 1991, Ecolo soutient la réforme de l’Etat en échange des écotaxes, rappelle Pascal Delwit. Puis, en 1999, après un score électoral inégalé, il monte au pouvoir au fédéral et à la Région wallonne. Cinq ans plus tard, il en fera de même à la Région bruxelloise. Mais cela se passe mal. Le parti est confronté à la vie réelle, aux contraintes politiques, juridiques, européennes, ainsi qu’à la puissance des acteurs sociaux…  » Quelques mois plus tard, un nouveau duo de secrétaires fédéraux est désigné, composé de deux personnalités hostiles à la participation, Philippe Defeyt et Jacques Bauduin. Ils inventent le concept de  » participopposition « . Un pied dedans, un pied dehors. Le malaise est évident. En 2003, Ecolo paye cash son intransigeance au sujet de l’interdiction de la publicité pour le tabac à Francorchamps, qui a mis en péril la survie du Grand Prix. Il lui faudra cinq ans pour relever la tête.

L’ère de la maturité et le prix à payer

 » Aujourd’hui, cette période difficile est digérée, poursuit le politologue. C’est l’ère de la maturité. Les écolos ont compris qu’il fallait choisir et assumer pleinement le pouvoir. Leur deuxième participation au gouvernement wallon est plus réfléchie, ils commettent moins d’erreurs, même s’ils en font. Surtout, les ministres sont soutenus par le parti, il n’y a pas une faille à cet égard.  »

Le prix à payer : la perte partielle de leur virginité, de leur impertinence de ton.  » Ils fêteront leurs 35 ans en 2015 et ils sont devenus aussi traditionnels que les autres, constate Pascal Delwit. Ce n’est ni bien ni mal. Je le vois dans les milieux étudiants : ils n’ont plus le même pouvoir d’attraction, d’autant qu’ils sont confrontés à d’autres acteurs comme le parti pirate, le PTB ou le Mouvement de gauche créé par Bernard Wesphael.  »

En outre, Ecolo reste extrêmement dépendant de l’agenda politique.  » Aux yeux des électeurs, le parti reste associé à la défense de l’environnement. Quand l’actualité est porteuse dans ce domaine, les écologistes en tirent profit. Mais quand les priorités sont économiques et sociales, comme c’est le cas actuellement, ils sont beaucoup plus fragiles. Ils ont réussi à fidéliser un cercle électoral de 10-11 % mais au-delà, ils doivent se battre.  »

D’où l’importance cruciale d’une réécriture idéologique de leur manifeste.  » En 2014, cela fera quinze ans qu’ils participent au pouvoir. Ils sont à la recherche d’un second souffle. C’est d’ailleurs un souci qui se pose à l’ensemble des partis verts en Europe. Je suis curieux de voir comment ils vont mener la prochaine campagne électorale. Ils ont la volonté de mener une politique à long terme ? Fort bien, mais ils devront quand même la valoriser devant les électeurs, ce qui ne sera pas évident dans le contexte de crise actuel.  »

Le PS, exaspéré par les Verts, dit-on, a-t-il déjà décidé de s’en passer ?  » Nous arrivons en fin de législature, c’est une période de fébrilité avec un MR qui attaque très fort. Mais je ne pense pas qu’une coalition s’impose d’emblée pour 2014. On parle beaucoup d’une alliance PS-MR, mais ce n’est pas garanti. A la Région bruxelloise, le nouveau ministre-président socialiste Rudy Vervoort a attaqué le projet de Didier Reynders en affirmant qu’il prolongerait bien l’expérience de l’olivier. Cela prouve que tout est ouvert « , conclut Pascal Delwit.

O. M.

 » Les écolos ont compris qu’il fallait choisir et assumer pleinement le pouvoir. « 

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