Pascal Bernier, peaux de chagrin

Alors qu’il explore continuellement d’autres voies plastiques, le Belge Pascal Bernier reste associé à sa série iconique des Accidents de chasse.

De quand date votre  » passage à l’acte  » artistique avec la taxidermie ?

C’était en 1994. Je venais de développer une série à base de peluches que je momifiais. Sur un marché aux puces, j’ai croisé un faon empaillé. Un petit animal avec une puissante charge symbolique. Je suis rentré avec lui et l’ai soigné en apposant quelques bandages. Le résultat dégageait un impact émotionnel très fort. Puis, je me suis interrogé. A quoi tient l’empathie pour un animal mort, alors que l’on est peu touché par le steak dans notre assiette ou le massacre général de la biosphère actuelle ? J’aimais explorer la possibilité de manipulation affective à travers l’émergence d’empathie dans un cadre absurde. J’ai poursuivi cette série, que j’ai intitulée Accidents de chasse, et elle a rencontré énormément de succès.

D’où proviennent les animaux empaillés que vous utilisez ?

D’abord des marchés aux puces. J’ai ensuite rencontré Jean-Pierre Gérard, un taxidermiste de Liège. Je me suis beaucoup fourni chez lui. J’ai aussi acheté en salles de vente. La provenance est très importante pour moi : la pièce s’accompagne d’une sorte de carte d’identité. Elle doit être clean ! Tous les animaux que j’utilise sont nés et morts en captivité. Une seule exception : un ours polaire qui avait été chassé par les Inuits. Jamais un animal n’a été tué pour réaliser une oeuvre. Ce serait absurde, et contraire à mes valeurs. L’idéal, c’est quand il y a un coup de coeur pour un animal.

Comment votre travail est-il perçu à l’étranger ?

Aux Etats-Unis, c’est quasiment impossible de faire entrer une taxidermie même si elle est complètement légale. On peut pratiquer la taxidermie sur place mais c’est ensuite très compliqué pour l’exporter. Il y a quelques années, je participais à une exposition à New York, où on m’a demandé de présenter une oeuvre de ma série Farm Set(NDLR : une structure tapissée de miroirs réfléchissant un petit animal et qui donne l’illusion optique d’un élevage infini). Des porcelets composaient cette oeuvre. J’ai essayé de les envoyer via DHL. Sans succès. Je les ai alors introduits illégalement dans ma valise. Je risquais la destruction de ces pièces. Mais il se trouve que ça a marché.

Votre travail a-t-il indigné les associations de défense des animaux ?

Non ! C’est un travail qui semble défendre les animaux, même à titre posthume. Je rencontre plutôt de la sympathie. Par contre, j’ai fait une vidéo – à la fois burlesque et très cruelle – où j’assassine des fleurs coupées et là, je me suis fait copieusement insulter. C’est toujours intéressant d’explorer les seuils d’acceptabilité…

Pascal Bernier. Ultralibéral, à la galerie Valérie Bach, à Bruxelles. Du 26 mai au 23 juillet. www.galerievaleriebach.com

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