pas la même approche

Les eurodéputés allemands prennent leur tâche très à cour. Ce qui les différencie souvent de leurs homologues français.

de notre correspondante

A Strasbourg ou à Bruxelles, Otto Müller est dans son élément. Député européen depuis de longues années, parlant plusieurs langues, il sait parfaitement comment fonctionne l’Union à 27. Il pourrait prendre de nouvelles responsabilités au cours de la prochaine législature et ne rêve pas forcément d’une carrière politique nationale. Une précision : Otto Müller n’existe pas, mais il est le profil type du député européen de l’Allemagne, pays le plus représenté au Parlement européen.  » Professionnel et compétent, il connaît bien ses dossiers et saura se placer dans les commissions les plus stratégiques, résume un journaliste munichois. Alors que l’impression d’ensemble pour les Français est qu’ils ne prennent pas vraiment tout cela très au sérieux. « 

A leur décharge, les candidats français partent à la bataille avec de nombreux handicaps par rapport à leurs homologues allemands.  » Les listes ayant été bouclées au dernier moment en France, ils démarrent leur campagne à quelques semaines des élections ! s’exclame Evelyne Gebhardt, socialiste allemande d’origine française. Pour leur parti, ils semblent constituer de simples pions, déplacés au gré des besoins, sans que leurs mérites soient toujours pris en compte. Les parlementaires allemands me semblent mieux considérés par leurs appareils politiques.  » Prenons Andreas Schwab (CDU), 36 ans, membre du Parlement de Strasbourg depuis cinq ans.  » J’ai su en juillet 2008 que je serai en position d’être réélu, indique-t-il. C’est essentiel pour bien se préparer. J’ai été choisi par les délégués CDU de ma région, non par Mme Merkel, qui n’a pas de pouvoir sur moi et que je peux critiquer si je le souhaite. En France, si un conservateur défie Sarkozy, il n’a aucune chance ! « 

La recherche d’alliances et de compromis

La course d’obstacles ne s’arrête pas là pour le député européen français de base :  » A Bruxelles, on est toujours dans la recherche d’alliances et de compromis, explique Evelyne Gebhardt. On ne peut pas avoir une idée et la poser directement sur la table.  » Une méthode qui fait le bonheur de notre Otto Müller : issu d’un Etat décentralisé, c’est un habitué de la négociation. Pour un français fraîchement élu, le choc  » culturel  » est plus rude.  » Pour la gauche française, toute proposition venant des conservateurs est forcément mauvaise, résume la sociale-démocrate Dagmar Roth-Berendt, agacée. Or le Parlement ne fonctionne pas comme ça, et j’avoue en avoir marre de recevoir des leçons sur le thème « Voilà comment on fait une bonne politique de gauche ». D’autant que certains de mes collègues français s’expriment parfois sur des textes qu’ils n’ont pas lus jusqu’au bout ! « 

Que les choses soient claires, et tous le disent aussi en ch£ur : il existe bien entendu, à droite comme à gauche, d’excellents parlementaires européens made in Franceà et de très mauvais du côté allemand.  » Mais les Français sont dans l’ensemble assez spéciaux, lâche Jo Leinen (SPD), président de la commission des Affaires constitutionnelles. Beaucoup ont tendance à considérer leur mandat comme une place de parking, en attendant de repartir. Lorsqu’on change tous les cinq ans, il y a moins de suivi.  » Et donc moins d’influence, au sein d’institutions aux rouages compliqués traitant de dossiers techniques qui exigent une bonne dose d’expérience.  » Outre-Rhin, le consensus reste large sur l’Europe, perçue comme une réponse à l’histoire du pays, explique Daniel Cohn-Bendit. Alors qu’en France on assimile trop souvent les députés européens à des seconds couteaux. « 

BLANDINE MILCENT

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