Pas d’excuses à l’excision !

Fléau cruel et persistant, l’ablation du clitoris, qui affecte le quotidien de 130 millions de femmes dans le monde, est fermement condamnée chez nous. Mais la vigilance s’impose.

Je me lavais, je me parfumais, mais ma grand-mère me le répétait sans cesse : « Tant que tu auras cette chose entre les jambes, tu sentiras mauvais… » « . Quand Zarha, originaire de Djibouti, eut 16 ans, la  » chose  » fut donc extirpée. Par surprise, et à l’occasion de  » vacances  » en Somalie… Plaquées au sol, puis maintenues les jambes écartées, Zahra et sa petite s£ur ont senti la lame trancher leur chair : excisées (ablation du clitoris et des petites lèvres) et, en prime, infibulées (rétrécissement de l’orifice vaginal par suture des grandes lèvres)…  » J’entendais ma grand-mère insister : « Il faut bien les fermer, ce sont les plus jeunes ! » On est restées allongées trois semaines. On nous mettait du sucre et des £ufs sur les plaies, pour qu’elles cicatrisent…  » Aujourd’hui, le combat de Zarha contre l’innommable consiste à accompagner, via l’ASBL Gams (1), celles qui partagent sa douleur : dans le monde, on estime à 130 millions le nombre de victimes de mutilations génitales féminines (MGF). Et chaque année, 3 millions de nouveau-nées, de fillettes, d’adolescen-tes et de jeunes filles viennent gonfler les rangs de cette humanité écharpée.

Les flux migratoires ont déplacé le problème

Des actions menées sur le terrain, dans plusieurs des 28 pays africains (et parmi certains groupes ethniques d’Amérique latine, du Moyen-Orient et d’Asie) qui imposent cette sauvagerie, ont indéniablement fait reculer la pratique. Mais les importants flux migratoires ont aussi déplacé le problème. L’Europe accueille ainsi des familles qui perpétuent la tradition, notamment lors des retours temporaires des enfants dans leurs pays d’origine. Une étude du SPF Santé indique qu’il réside, en Belgique, quelque 22 840 femmes issues de territoires où sont effectuées des MGF. Parmi elles, 8 235 seraient  » excisées ou à risque de l’être « . Le défi actuel consiste non seulement à protéger les filles encore  » intactes  » (en rappelant que la loi belge punit sévèrement l’excision), mais aussi à prendre en chargeles complications gynéco-obstétricales de celles qui ont été amputées. Aux conséquences immédiates (douleurs extrêmes – la coupe est toujours réalisée sans anesthésie, dans une zone très vascularisée -, hémorragies potentiellement fatales…) s’ajoutent d’innombrables séquelles à moyen et long termes : infections urinaires et génitales, stérilité, accouchements difficiles, blessure psychique. Lors d’un récent colloque organisé à Bruxelles, le Dr malien Moustapha Touré a projeté des images insoutenables d’urgences absolues : des bébés filles et des adolescentes  » hermétiquement  » cousues, au ventre monstrueusement déformé, tant par l’accumulation d’urine ou de sang des règles, que par la sortie empêchée d’un f£tus à terme… Evoquant l’état actuel de la chirurgie reconstructive du clitoris, son confrère Martin Caillet, gynécologue au CHU Saint-Pierre (Bruxelles) a précisé qu’il s’agit d’une technique aujourd’hui maîtrisée, mais pour laquelle on ne dispose pas encore  » de retour  » suffisant de la part des patientes. Quant au souhait d’être réinfibulée, formulé en Belgique par certaines femmes après leur accouchement, il est catégorique : c’est interdit.  » Les médecins peuvent ouvrir la porte [au bébé], mais jamais proposer de la refermer…  » En Flandre, une enquête conduite en 2006 auprès de gynécologues avait montré que 195 répondants (sur 333) avaient accueilli en consultation au moins une femme ou une fillette excisée ou infibulée : sur les 34 praticiens qui avaient reçu une demande de réinfibulation post-partum, 14 avaient accédé au désir de leur patiente. La plupart du temps, en évoquant une  » réduction des risques « , la volonté de minimiser les suites d’un recousage qui pouvait alors être réalisé autrement, de manière  » traditionnelle « …

(1) Les ASBL Gams (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles féminines : 02 219 43 40 et www.gams.be) et Intact (appui juridique : 02 539 02 04 et www.intact-association.org) ont organisé le colloque  » Excision et religion « , tenu à Bruxelles le 4 février 2011.

VALÉRIE COLIN

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