Opel à la sauce italienne ?

L’alliance avec Chrysler à peine scellée, Fiat compte s’offrir Opel et affirme son ambition de devenir l’un des premiers groupes automobiles mondiaux. A Anvers, l’inquiétude ne semble pas encore de mise.

Visionnaire, culotté, illuminé… Les qualificatifs ne manquent à l’égard de Sergio Marchionne, le directeur général de Fiat. Après être entré à hauteur de 20 % dans le capital de Chrysler, le constructeur italien fait une offre de reprise d’Opel, la filiale de l’autre américain en difficulté GM.

En Allemagne où il vient d’aller présenter son plan de reprise, le dossier est sensible : 26 000 emplois sont en jeu. Et le Frankfurter Allgemeine Zeitung a lancé un pavé dans la marre en divulguant un  » plan secret  » qui chiffrait à 18 000 le nombre de suppressions de postes suite à la fermeture de 10 usines en Europe, à commencer par celle d’Anvers dès 2011. Information aussitôt démentie par le ministre-président flamand Kris Peeters qui a par ailleurs rappelé que son gouvernement était prêt à injecter 300 millions d’euros dans l’usine d’Anvers et à réaliser une opération de sale and lease back des terrains de l’usine pour 200 millions d’euros. L’inquiétude ne pointe en tout cas pas à Anvers où la FGTB se dit persuadée que les Allemands ne vont pas s’allier à Fiat :  » Ils ont le même problème que nous, souligne Rudi Kennes, délégué FGTB à Opel Anvers. Ils n’ont pas reçu de garanties.  »

Le pari est loin d’être gagné

Reste que, sur le papier, la stratégie de Sergio Marchionne tient la route. Fiat souhaite créer une nouvelle société qui regrouperait ses activités automobiles (marques Fiat, Lancia et Alfa Romeo) ainsi que sa part dans Chrysler et les filiales européennes de GM (Saab, Vauxhall), et l’introduire en Bourse. Cette structure, qui produirait un chiffre d’affaires de 80 milliards d’euros, réaliserait également des économies d’échelle, puisque 6 millions de modèles seraient écoulés par an. Mais l’opération comporte plusieurs risques.

> Le risque allemand : le sort d’Opel est devenu un enjeu crucial de la campagne électorale, à cinq mois des législatives de septembre, et les deux partis de la coalition gouvernementale s’affrontent sur la question des emplois. Sergio Marchionne se dit prêt au compromis, et à faire partager les sacrifices par les usines italiennes du groupe. Erodant par là même les synergies qu’il attend de l’opération.

> Le risque culturel : malgré sa maison mère américaine, Opel est un groupe allemand, et le mariage des deux styles de management pourrait se révéler pour le moins délicat.

> Le risque financier : Fiat affiche une dette de 6,6 milliards d’euros au premier trimestre et sa trésorerie est tendue. Sa stratégie de reprise consiste donc à ne rien débourser et à négocier avec les pouvoirs publics concernés des aides financières. Dans le cas de Chrysler, c’est la Maison-Blanche qui a mis la main au pot via un prêt supplémentaire de 8 milliards de dollars pour assurer la restructuration.

> Le risque industriel : Fiat va-t-il pouvoir mener de front le redressement de deux constructeurs, alors que la seule fusion entre Daimler et Chrysler s’est soldée par un échec ?

> Le risque que Chrysler et General Motors résistent. GM pourrait craindre que l’expertise technologique d’Opel en matière de véhicules légers ne soit détournée vers son concurrent Chrysler. Lequel pourrait craindre de voir son rival devenir son actionnaire.

Fiat, en tout cas, compte finaliser l’opération d’ici à la fin mai, et introduire en Bourse le nouvel ensemble d’ici à la fin de l’été. Pas mal pour un groupe qui, il y a quelques années encore, était exsangue.

M.A.

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