Poussée de fièvre à Bruxelles. Son nouveau ministre-président, Rudi Vervoort (PS), joue à l’hyperactif. Un petit nouveau, Didier Reynders (MR), s’y voit déjà en 2014. Olivier Maingain rassure son monde : son FDF entend bien perturber » le face-à-face de pacotille entre PS et MR « .
Le Vif/L’Express : Un nouveau ministre-président, un premier sommet social, un séminaire gouvernemental à Ostende, une flopée de mesures » concrètes et immédiates » pour la Région bruxelloise. Ce subit regain d’intérêt doit combler le président du FDF que vous êtes…
Olivier Maingain : On vient de connaître la première rencontre entre patrons et syndicats bruxellois depuis la création de la Région, il y a quasi vingt-cinq ans : consternant ! Mais soit. Rudi Vervoort devait bien inaugurer sa nouvelle fonction par l’un ou l’autre geste significatif. Laissons-lui encore le crédit de sa bonne foi. Il met ses pas dans ceux de son prédécesseur, se pose en gestionnaire de l’héritage bien indéterminé de Charles Picqué.
Ses tout premiers pas à la tête du gouvernement bruxellois s’annoncent prometteurs : 4 000 nouveaux emplois promis pour les Bruxellois…
Depuis le temps que l’olivier (PS-CDH-Ecolo) dirige la Région, que n’a-t-il créé ces emplois ? On annonce du vite-vite pour masquer les problèmes de fond : l’égalité de l’accès à l’emploi à Bruxelles et l’exigence cruciale de formation. Les partenaires sociaux bruxellois, y compris les syndicats, préfèrent aller chercher des gens à l’extérieur de Bruxelles que de recruter localement, même pour des emplois peu qualifiés.
Le nouveau chef de file bruxellois bouillonne d’idées pour Bruxelles : enseignement bilingue, inburgering ou parcours d’intégration obligatoire sur le modèle flamand.
J’attends que le jeune Bruxellois bénéficie au cours de son parcours scolaire d’une immersion linguistique en néerlandais mais aussi en anglais, allemand, espagnol, voire en d’autres langues. Un inburgering à la flamande et sa vision sanctionnatrice n’ont en rien empêché l’émergence de Sharia4Belgium en Flandre. Il ne garantit nullement l’adhésion des coeurs et des esprits à un projet de société.
Un peu de patriotisme bruxellois y aiderait-il ? Rudi Vervoort est, là encore, demandeur.
Si c’est pour faire le pendant du nationalisme flamand, c’est tout aussi intellectuellement et politiquement dangereux. Je ne veux pas d’un patriotisme de l’isolement, qui ferait croire aux Bruxellois que Bruxelles peut être une île indépendante, un Monaco du nord sans la Méditerranée et les scandales de sa famille régnante. Bruxelles n’a pas besoin d’un patriotisme de petit drapeau mais d’une grande ambition collective.
A traduire de quelle manière ?
Dans un grand pacte de citoyenneté. Un engagement de tout le monde sur ce qui fait le vieux fonds bruxellois : le refus d’une ville qui se racrapote. Le refus d’un discours de soumission aux puissances dominantes, à la domination d’une autre Région ou d’un Etat, a fortiori flamand, qui méprise profondément Bruxelles. Les Bruxellois n’ont jamais été des esprits soumis. L’histoire en a fait des rebelles, qui veulent garder le dernier mot sur leur ville.
Le gouvernement bruxellois manquerait-il à ses devoirs ?
Il devrait avoir cette force d’entraînement sur l’ensemble de la collectivité des Bruxellois. Il ne joue pas ce rôle moteur. Les Bruxellois ont le sentiment que même leurs dirigeants actuels ne croient pas aux potentialités de leur Région. Et Rudi Vervoort n’est tout de même pas l’homme nouveau qui apporte une nouvelle vision de l’avenir de Bruxelles.
Un certain Didier Reynders (MR), récemment débarqué en politique bruxelloise, n’aurait-il pas la carrure pour être cet homme nouveau à la tête de la Région ?
Personne ne conteste évidement ses capacités à prétendre à une telle fonction. Mais alors, on se présente au scrutin qui correspond à l’ambition qu’on affiche. Quand on se dit prêt à devenir ministre-président bruxellois, on se présente aux élections régionales et non aux élections fédérales. On ne devient pas membre d’un gouvernement si on ne s’est pas présenté aux élections qui correspondent au niveau de pouvoir que l’on postule. Le FDF va d’ailleurs déposer une proposition en ce sens.
Didier Reynders, tête de liste à la Chambre au scrutin de 2014, ne joue pas correctement le jeu ?
Cette façon d’agir est une manière de ne pas respecter les Bruxellois, de s’assurer qu’en toutes circonstances, on retombera sur ses pattes. Un moment, il faut assumer jusqu’au bout le risque que l’on prend. C’est comme cela qu’on est crédible.
Le candidat FDF à la ministre-présidence bruxelloise sera Didier Gosuin : il est tête de liste aux élections régionales.
La ministre-présidence bruxelloise ne vous tente-t-elle donc pas ?
Je suis correct, je ne joue pas la rivalité. Je me suis spécialisé au niveau fédéral, j’y reste parce que je veux être le bouclier protecteur de Bruxelles, là où son avenir institutionnel va se jouer : au fédéral. Bruxelles est confronté à un environnement, hélas trop indifférent au sud, et très hostile au nord quand il s’agit du nationalisme flamand.
Le CD&V semble pourtant animé de meilleures intentions vis-à-vis de Bruxelles. Il ne boude plus » une Région forte « …
Il y a toujours des francophones candides pour le croire. Le CD&V flatte le petit sentiment régionalo-patriotique que certains tentent d’ » inventer » pour parvenir à ses fins : il veut profiter du dynamisme économique de Bruxelles pour capter une partie de sa richesse au bénéfice de la Flandre. Le CD&V a compris qu’il devait retrouver ses vieux réflexes d’Etat-CVP : s’approprier à son profit bien des leviers du pouvoir économique et politique. Pas un responsable politique n’ignore que Bruxelles sera au coeur du cyclone de l’après-élection 2014, si les forces nationalistes flamandes conjuguent leurs efforts pour menacer l’existence de Bruxelles. La sixième réforme de l’Etat en cours n’a en rien stabilisé le pays. Di Rupo Ier n’aura été qu’un gouvernement de transition.
Il faudra des carrures sur le pont pour affronter la tempête que vous prédisez ?
Pour soutenir le choc, il faudra des politiques bruxellois qui ont fait la preuve, et de longue date, de leur détermination, de leur volonté, de leur lucidité. Des Bruxellois qui connaissent la ville, par habitude et par mode de vie.
Didier Reynders ne satisfait décidément pas à vos critères : Ucclois de fraîche date et déjà candidat à la ministre-présidence bruxelloise…
Je ne vise personne. On peut être un résident récent et avoir de la conviction, de l’enthousiasme pour sa nouvelle ville. Encore faut-il prouver sa volonté de faire respecter la Région bruxelloise. Et pour cela, il faut en avoir une vision claire. Le FDF a quelques longueurs d’avance sur ce plan. Didier Gosuin est un homme d’expérience, qui jouit d’une très grande notoriété et d’une très grande crédibilité sur la place de Bruxelles.
Reynders-Maingain, seront têtes de liste MR et FDF à la Chambre en 2014. L’affrontement sera- t-il humainement difficile à vivre entre deux hommes jadis proches au sein du MR-FDF ?
Le FDF s’est affranchi du MR. Je n’ai de comptes à rendre à personne, je n’ai d’alliance privilégiée avec personne. Le FDF ne tombera pas dans le piège tendu en vue du scrutin 2014 : un face-à-face de pacotille entre MR et PS pour tenter de gagner des parts de marché et ensuite s’acoquiner ensemble. L’un va se dire le garant du rayonnement international de Bruxelles, l’autre de sa cohésion sociale. Le FDF a l’ambition de perturber ce petit jeu de miroirs déformants que se renvoient libéraux et socialistes.
ENTRETIEN : PIERRE HAVAUX
» Je ne veux pas d’un patriotisme bruxellois qui ferait croire que Bruxelles peut être un Monaco du nord «