(1) Lettre d'amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre, par Boualem Sansal, Gallimard, 104 p.

Odes aux libertés dans un monde ébranlé

Boualem Sansal, dans Lettre d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre, et Richard Malka, dans Le Droit d’emmerder Dieu, mettent en garde sur les dangers de l’emprise croissante du religieux dans nos sociétés.

Les libertés, même arrachées au terme d’épuisantes luttes, ne sont jamais définitivement acquises. Il importe donc de les protéger. A leur manière, c’est à ce devoir qu’appellent l’écrivain algérien Boualem Sansal, dans Lettre d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre (1), et l’avocat français Richard Malka, dans Le Droit d’emmerder Dieu (2), texte de la plaidoirie qu’il a prononcée lors du procès des complices des assassins des journalistes de Charlie Hebdo et des clients de l’Hyper- cacher, à Paris, en janvier 2015.

Qui a jamais vu une religion s’isoler dans un coin pour méditer sans ennuyer son monde?

Boualem Sansal rêve d’instaurer une Constitution universelle en vue de l’édification d’une « République des peuples et des nations libres », délivrée des contraintes d’un drapeau, d’une langue officielle, d’un hymne, d’une capitale, d’institutions, d’un chef… Fort de sa condition de citoyen d’une Algérie dont il décrit par le menu l’obsession des dirigeants depuis l’indépendance « de caporaliser, d’affamer, d’abrutir, et le cas échéant d’abattre sans laisser de traces le peuple », il identifie pour mieux les combattre les Destructeurs « à l’origine de nos plus grands malheurs ». Il y a là l’argent tout-puissant, le fast-food, « qui est un dérèglement général, pas qu’alimentaire et sanitaire, mais aussi culturel, politique, civilisationnel, touchant également à la sécurité nationale », les passions guerrières, volontaires ou imposées, et la religion. Celle-ci a une place particulière dans le réquisitoire de l’auteur, qui sait, pour les avoir vécues en Algérie, à quelles abominations elle peut conduire. La religion, explique-t-il, « nous chante le bien, la fraternité, le bonheur dans la bonne et douce soumission à Dieu, à son prophète, à leurs délégués sur terre et nous promet davantage pour l’après-vie. […] C’est si prenant, ce méli-mélo et ces bouffées d’encens, qu’on se demande comment on a pu classer la sainte religion parmi les plus grands Destructeurs de tous les temps. » Or, à peine naît-elle qu’elle se révèle conquérante. « Qui a jamais vu une religion s’isoler dans un coin pour méditer sans ennuyer son monde? », s’interroge avec pertinence Boualem Sansal.

(2) Le Droit d'emmerder Dieu, par Richard Malka, Grasset, 94 p.
(2) Le Droit d’emmerder Dieu, par Richard Malka, Grasset, 94 p.

Questionner la place de la religion dans la cité est une des raisons d’être de Charlie Hebdo. Tout en reconnaissant que « les religions ont structuré l’humanité en lui apportant une morale », l’avocat Richard Malka rappelle, dans la plaidoirie du procès de l’attentat contre la rédaction de l’hebdomadaire satirique qui s’est déroulé à l’automne 2020, que « la liberté de critique des idées et des croyances est le verrou qui garde en cage le monstre du totalitarisme » et que « l’islam ne peut pas être la seule religion de France à exiger de ne pas être critiquée ». Les libertés, ça se défend, exhorte l’auteur de Le Droit d’emmerder Dieu. « C’est à nous, et à nous seuls, qu’il revient de s’engager, de réfléchir, d’analyser et parfois de prendre des risques pour rester libres d’être ce que nous voulons. »

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