« Nous ne sommes pas des directeurs de conscience »

Le fonctionnement quotidien du Ciason repose sur les épaules de son Secrétariat. Huit spécialistes (dont un juriste, un sociologue, une psychologue, etc.) s’y partagent en permanence la lourde responsabilité de répondre aux interrogations du public, au cours de consultations personnalisées. Issu de l’administration de la Justice, Eric Brasseur dirige cette équipe multidisciplinaire, jeune et motivée, formée tant au respect des lois qu’aux convictions de chacun.

Le Centre fonctionne depuis plus d’un an. Pourtant, il n’est guère connu…

C’est exact. Et le fait que nous ne disposions pas encore de site Internet n’arrange pas les choses. Nous sommes une institution neuve. Pendant les premiers mois, nous avons cherché nos marques. La bibliothèque a surtout mobilisé nos énergies. Il a fallu réunir la documentation, s’en imprégner, apprendre à travailler sur des dossiers contradictoires. Nous avons également dû définir comment on allait répondre aux gens. Apprendre la confidentialité, la réserve. A ne jamais croire aveuglément.

Le Centre présente le « rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les sectes » (publié en 1997) comme son texte fondateur. Or ce rapport contenait manifestement des erreurs -des groupes inoffensifs se trouvant catalogués parmi des sectes dangereuses. Vous distanciez-vous aujourd’hui de ce document?

Mais bien sûr! Il y a, dans ce rapport, des choses qu’on ne prend plus en considération, car c’était du vide!

Un exemple?

De nombreux mouvements cités l’ont été par une seule « instance officielle ». Une analyse plus fine montre que cette source unique n’était parfois qu’un… dictionnaire des groupes religieux.

La fameuse « liste des sectes » n’est donc pas (ou plus) une référence?

De façon générale, quand un avocat nous demande de la documentation sur tel groupe « défini comme une secte », nous lui répondons qu’il se trompe. Il n’existe pas de « liste officielle des sectes ». Le tableau synoptique, qui est encore souvent consulté (par les autorités communales, entre autres), n’était qu’un index des 189 associations mentionnées dans le rapport. En outre, pour beaucoup d’entre elles, les auditions ont été menées à huis clos. Cette matière-là, nous ne l’utilisons pas. Pour nous, ce n’est pas une information. De même que les témoignages anonymes, également considérés comme sans valeur.

Quelles sources vous permettent alors de constituer vos dossiers sur les sectes?

Les rapports officiels, belges et étrangers, et toutes leurs informations « recoupables ». Certaines auditions de témoins, lorsqu’elles sont publiques, en valent vraiment la peine. Notamment quand elles décrivent, pour une secte donnée, des comportements identiques dans différents pays. Ensuite, le Moniteur (pour les statuts des ASBL). Et, bien sûr, la jurisprudence: toutes les décisions rendues par des tribunaux, tantôt au détriment, tantôt en faveur des sectes. Encore une fois, ce sont là des documents vérifiables, qui peuvent être mis sur la table.

Et les sources plus subjectives?

Notre éclectisme étonne. Notre bibliothèque comporte des livres pour et contre les sectes, de même que de la documentation fournie par les mouvements eux-mêmes – à l’exception des ouvrages purement apologétiques… La presse de qualité, nationale et internationale, est également représentée. Nous l’avons cependant triée, pour éviter la redondance, tant il est vrai que les journalistes puisent souvent aux mêmes sources. Le but, c’est que chacun se forge un jugement personnel…

Vous préférez toutefois répondre aux consultants par écrit. Pourquoi?

Pour éviter tout malentendu. Pour que notre avis puisse être lu, commenté, critiqué. Autant par les proches des victimes que par les adeptes. Nos informations ne peuvent être données à la légère. Elles sont toujours référencées. Elles doivent être « en béton ».

Et si l’on vous demande des renseignements sur un mouvement a priori inconnu?

Nous cherchons tous azimuts. On prend contact avec des associations de terrain, on épluche Internet. On questionne à nouveau le consultant. Et si ce groupe se révèle totalement inexistant, c’est aussi une information…

Mais les gens veulent des réponses toutes faites: « Cette secte est-elle, oui ou non, dangereuse pour moi-même ou mes enfants? »…

Libre à chacun d’agir ou d’adhérer. Il serait inconcevable qu’un organe de l’administration supplée à l’autonomie du citoyen dans l’exercice de son esprit critique ou de ses opinions. Nous ne sommes pas des directeurs de conscience. Pas plus que nous ne sommes là pour véhiculer des idées confortables, ou faire « caisse de résonance » à des informations non vérifiées.

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