Notre pays existera-t-il encore en 2029 ?

Cinq réformes de l’Etat ne sont pas parvenues à amener la paix communautaire. Une série télévisée s’est plongée dans les racines de ce passé tumultueux.

C’est une soirée exceptionnelle que la RTBF a réservée le 19 mai prochain aux téléspectateurs de la Une. Quatre épisodes diffusés en une fois d’une série documentaire (coproduite avec la VRT) intitulée Le Pays inachevé les inviteront à se plonger dans l’histoire mouvementée de notre pays. Toutes les étapes importantes qui ont chacune mené à modifier profondément le visage d’une Belgique seront revisitées, sous le regard de deux politologues et de cinq hommes d’Etat issus de chaque côté de la frontière linguistique.

Présentée par Jacques Bredael, cette série amène surtout le téléspectateur à s’interroger sur l’avenir de notre pays, qui paraît parfois n’avoir qu’une fin inéluctable : la scission entre Flamands et Wallons, avec Bruxelles dans le rôle de l’enfant disputé. Là où, ailleurs, le système fédéral résulte d’un processus de construction cohérent, l’histoire de la Belgique fait en effet plutôt figure de  » détricotage  » progressif de sa structure.  » On ne peut que constater que le mouvement de revendications autonomistes se nourrit de lui-même « , observe Xavier Mabille, président du Crisp. Une conquête en appelle donc une autre, précipitant le mouvement d’émancipation flamand vers un point de non-retour.  » Chaque réforme a un double visage, indique le politologue flamand Luc Huyse. Elle résout des conflits du passé mais en crée à chaque fois de nouveaux.  » Si la cohésion nationale était à son paroxysme en 1944, le fossé qui sépare les deux communautés n’a cessé de se creuser dans les soixante années qui ont suivi.  » On parle aujourd’hui beaucoup de séparatisme. Nous avons voulu savoir comment on avait bien pu en arriver là « , explique le réalisateur Jos Bouveroux (VRT).

Après avoir tracé une frontière linguistique imperméable entre eux, Flamands et francophones se sont attelés à complexifier l’architecture institutionnelle du pays.  » A chaque fois, on a l’impression d’avoir agi pour éviter le pire « , poursuit Jos Bouveroux. Il fallait éviter le spectre du nationalisme.  » Mais si la vague nationaliste est bien présente en Flandre, je crois que la volonté politique de trouver un grand compromis avec les francophones est toujours très majoritaire en Flandre.  » Si tout porte à croire que le processus de transformation de l’Etat est loin d’être achevé, celui-ci doit-il nécessairement aboutir à un divorce des différentes entités qui le composent ?  » Le risque ne peut pas être écarté, estime Xavier Mabille. Mais je pense que la Belgique ne disparaîtra jamais totalement du paysage.  » Le scénario le plus plausible serait donc celui d’un Etat fédéral presque vidé de sa substance, dans lequel cohabiteraient des entités fédérées de plus en plus fortes.

La séparation, Gérard Deprez n’y croit pas non plus.  » Au départ, le nationalisme flamand s’est exprimé au niveau de la frontière linguistique, pour contenir la tache d’huile francophone. Puis, dans les années 1980, les Flamands ont commencé à calculer ce qu’ils appellent le coût de la solidarité. On commet souvent l’erreur de dissocier les problèmes communautaires du contexte dans lequel ils naissent. Imaginez que, dans vingt ans, la Wallonie redevienne plus riche et plus dynamique que la Flandre. Je ne suis pas sûr que les tensions communautaires seront du même ordre à ce moment-là « , explique l’ancien président du PSC.

Si les tensions communautaires resteront encore vivaces un certain temps, l’attention politique finira selon lui par se focaliser sur d’autres enjeux autrement plus essentiels comme, par exemple, l’intégration des minorités étrangères. Sans oublier qu’un divorce à l’amiable comporterait de nombreux dossiers particulièrement explosifs !  » Franchement, c’est déjà tellement compliqué de négocier une réforme de l’Etat, personne n’est assez fou pour imaginer aller négocier une scission ! « 

Grégoire Comhaire

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