NOS AMIS LES AYATOLLAHS

L’accord de restriction du programme nucléaire iranien à un usage civil fut assurément une des rares bonnes nouvelles de 2015. Conclu avec les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne sous l’égide de l’Union européenne, il a écarté le spectre d’une confrontation à côté de laquelle l’interminable guerre de Syrie aurait fait figure de conflit de basse intensité. L’Agence internationale de l’énergie atomique attestant le respect des obligations de l’Iran dans ce cadre, les sanctions de la communauté internationale ont été légitimement levées en ce début d’année. Cette  » normalisation  » après un contentieux vieux de trente ans doit-elle pour autant consacrer le grand retour de Téhéran sur la scène internationale ? Autorise-t-elle une course sans vergogne aux juteux contrats sur un marché de 80 millions d’habitants ?

Une remise en contexte, d’abord. Les attentats du 11-Septembre perpétrés par Al-Qaeda, les guerres en Irak et en Syrie, les révoltes arabes, l’émergence de l’Etat islamique, l’exploitation des gisements de schiste aux Etats-Unis et la crise qui point autour des prix planchers du pétrole ont rebattu les cartes diplomatiques au Moyen-Orient. Le sentiment prédomine désormais que la confiance restaurée à l’égard de l’Iran n’a d’égal que la méfiance croissante à l’encontre de l’Arabie saoudite. Et pourtant…

Pourtant, la révolution islamique de 1979, dont les ayatollahs aujourd’hui à la tête de l’Iran sont les fidèles héritiers, fut bien la première manifestation de l’irrésistible poussée de l’islamisme politique ayant enfanté, par surenchère saoudienne interposée, l’Etat islamique et ses barbaries. Pourtant, à côté d’un Hassan Rohani président  » réformateur « , dont l’élection en 2013 a permis l’entente sur le dossier nucléaire, des dignitaires religieux ultraconservateurs, dont le Guide de la révolution Ali Khamenei, perpétuent leur mainmise sur l’essence du pouvoir à Téhéran, bridant l’éclosion des libertés démocratiques. Pourtant, bien qu’engagé aux côtés des Occidentaux dans leur lutte contre l’Etat islamique, l’Iran continue de soutenir à bout de bras le dictateur Bachar al-Assad, d’attiser les tensions au Yémen et au Liban via ses alliés chiites et de prôner la destruction d’Israël…

Investir en Iran n’équivaut donc pas à engranger des bonnes affaires dans le Brésil ou l’Argentine de l’après-dictature. Barack Obama a eu raison de se montrer prudent sur l’avenir des relations avec Téhéran, insistant sur le maintien ou le renouvellement des sanctions découlant de son programme balistique et de son soutien à des groupes terroristes. L’Union européenne, elle, a remisé ses ambitions en matière de défense des droits de l’homme pour mieux accompagner, crise oblige, une politique univoquement commerciale. Et il n’y a plus guère que la Suède de la ministre des Affaires étrangères Margot Wallström pour reprendre le rôle de trublion humaniste de la diplomatie européenne, que brigua un temps avec des fortunes diverses la Belgique de Louis Michel.

Dans le conflit syrien, face au totalitarisme monstrueux de l’Etat islamique, d’aucuns ont cru pouvoir élever au rang d’interlocuteur  » acceptable  » le Front al-Nosra lié à Al-Qaeda. Funeste intention que les attentats récents de sa branche sahélienne au Mali et au Burkina Faso, s’il le fallait encore, discréditent définitivement. Pareillement, parier sur l’avenir du Moyen-Orient ne peut reposer sur l’alternative entre l’Iran chiite ou l’Arabie saoudite sunnite, le premier se substituant au second dans une alliance privilégiée, mais bien dans le soutien intelligent aux démocrates qui combattent les fondamentalistes de ces deux grandes puissances.

de Gérald Papy

 » Parier sur l’avenir du Moyen-Orient ne peut reposer sur l’alternative entre l’Iran chiite ou l’Arabie saoudite sunnite « 

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