Mourir pour Kaboul

L’élection présidentielle du jeudi 20 août en Afghanistan invite à s’interroger sur le bilan de huit années de présence de troupes étrangères, conséquence de la guerre lancée par les Etats-Unis et leurs alliés en réponse aux attentats du 11 septembre 2001.  » Est-il encore utile d’envoyer nos enfants au casse-pipe pour stabiliser un pays dont les dirigeants, pourtant largement soutenus par l’Occident, se révèlent incapables de contenir la rébellion des talibans, de réduire la culture du pavot, de combattre une corruption endémique et d’émanciper la population féminine ?  » Telle est, résumée, l’équation que posent certains Occidentaux au moment de mesurer leur aide future au régime du président Hamid Karzaï ou de son successeur. Mourir pour Kaboul, stop ou encore ?

Les faits, confortés par l’actualité, ne plaident pas en faveur du régime afghan. Les violences des talibans, qui ont étendu vers le nord leur zone de nuisance, ont redoublé avant et après l’élection. Un attentat a encore tué une quarantaine de civils mardi 25 août dans leur fief du sud, Kandahar. Juillet avait été le mois le plus meurtrier pour les forces étrangères depuis leur déploiement.

La participation électorale des femmes a diminué par rapport au précédent scrutin de 2004. Et le président sortant a noué des accords préélectoraux controversés avec des chefs de guerre. Il conforte son image de dirigeant prêt à toutes les compromissions.

Au-delà des responsabilités afghanes, la stratégie des Etats-Unis et de l’Otan est remise en cause aujourd’hui jusque dans les commandements militaires. Le soutien occidental n’a pas permis d’éradiquer la menace de la nébuleuse Al-Qaeda qui survit aux confins des zones tribales pakistanaises. Il n’est pas davantage parvenu à stabiliser un pouvoir démocratique à Kaboul. Le constat de l’échec et du gâchis doit-il pour autant conduire à un retrait d’Afghanistan ?

Les raisons d’espérer en un avenir moins sombre ne doivent pas être ignorées. Le déroulement de l’élection présidentielle incline à un certain optimisme. Les islamistes radicaux n’ont pas réussi à entraver fondamentalement le scrutin. Les premiers résultats divulgués promettent une lutte entre Hamid Karzaï et l’ancien ministre des Affaires étrangères, Abdullah Abdullah. Et, même si elle ne débouche pas sur la tenue d’un deuxième tour, elle consacrera l’émergence d’une opposition salutaire pour prévenir toute tentation de dérive autoritaire du pouvoir (ré)élu.

La  » régression afghane  » signe, il est important de le rappeler, l’échec de la stratégie de l’ancien président américain George Bush et de ses conseillers néoconservateurs qui ont dévoyé, en Irak à partir de 2003, une  » guerre contre le terrorisme  » dont les moyens n’auraient pas dû être distraits de son objectif prioritaire : Al-Qaeda et ses alliés talibans. Que cet enseignement ait été retenu à Washington ne prémunit pas Barack Obama, réduit à mener une  » guerre nécessaire « , contre des erreurs. Mais, à tout le moins, une nouvelle stratégie a commencé à être mise en place avec le redéploiement des troupes américaines. La fragilité de la  » normalisation  » en Irak, illustrée par la soudaine recrudescence de la violence à Bagdad (lire en page 62), soulève certes la pertinence d’une  » recette  » qui pourrait être appliquée, avec des variantes, en Afghanistan (transfert de pouvoir, calendrier de retrait, négociation avec certains  » insurgés « , amélioration des conditions de vie de la population). Mais existe-t-il une autre voie ? Déserter l’Afghanistan aujourd’hui ne ferait que précipiter un chaos dans une région qui est un des principaux foyers actuels du terrorisme islamiste. L’Histoire enseigne pourtant que ce n’est pas de l’étranger que viendra le salut des Afghans, mais d’eux seuls.

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Rédacteur en chef adjoint

Et si l’élection consacrait un nouveau départ ?

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