Mon grand-père s’appelle Le Pen

Elle a été tentée d’adhérer à l’UMP, un temps séduite par Nicolas Sarkozy. A 22 ans, Marion Maréchal-Le Pen est la benjamine de l’Assemblée nationale française.

A l’université Panthéon-Assas (Paris II), où elle est inscrite en quatrième année de droit, Marion Maréchal-Le Pen a terminé ses examens écrits. Les oraux, elle les a repoussés en septembre, lors de la séance de rattrapage. L’étudiante de 22 ans a tout de même déposé son dossier pour être admise en master 2 l’an prochain. Comme beaucoup d’autres, elle ne sait pas encore quel métier choisir :  » Avocate, peut-être.  » A l’instar de sa tante Marine Le Pen. Marion Maréchal vient de gagner un peu de répit pour se décider : les cinq prochaines années, elle sera députée. La plus jeune de l’Assemblée nationale. Et la seule représentante du clan familial, puisque la présidente du FN a échoué à Hénin-Beaumont.

Chez les Le Pen, la relève n’attend pas le nombre des années. Jean-Marie Le Pen s’enorgueillit d’avoir été, en 1956, le benjamin du Palais-Bourbon. Un demi-siècle plus tard, le patriarche distribue encore les rôles. Le président d’honneur du FN voulait que sa petite-fille  » lave l’affront  » de l’affaire de Carpentras. En 1990, des tombes juives avaient été profanées, et le parti d’extrême droite avait été indirectement accusé. Marion Maréchal n’a pas souhaité en faire son principal argument de campagne.  » Cela n’a pas de sens pour les gens de mon âge « , dit-elle.  » C’est un devoir de se présenter, a insisté le vieux chef. Comment demander aux jeunes de s’engager en politique si sa propre famille ne s’engage pas ?  » Cet argument a fini par vaincre les réticences de la gamine. Sa précédente candidature ne lui avait pas laissé que de bons souvenirs. Placée en deuxième position sur la liste FN des Yvelines (à l’ouest de Paris) aux régionales de 2010, elle ne s’attendait pas à être ultra-médiatisée et avait flanché devant les caméras.  » Une seule fois « , se défend-elle.

Il est toujours difficile de dire non à Le Pen.  » Marion est à l’aise avec lui « , confie toutefois sa mère, Yann, la cadette des filles Le Pen, qui a conservé le nom de Maréchal (Samuel), ancien patron du Front national de la jeunesse (FNJ), dont elle est séparée. A Saint-Cloud (Hauts-de-Seine, ouest de Paris), mère et fille habitent au second étage de la propriété de Montretout, juste au-dessus du bureau du  » président « . Lorsqu’elle rentre de la fac, en fin d’après-midi, elle passe souvent faire la bise à son grand-père.  » Le Pen est un politique, souligne Yann Maréchal, il a pensé que Marion avait la capacité d’être une figure de proue. Elle n’aurait pas supporté de le décevoir.  »  » Je trouve que ma petite-fille est d’une bonne race « , s’est réjoui, à sa manière, Jean-Marie Le Pen, après l’annonce de son élection.

Marion Maréchal, dont les proches louent l’humilité, ne voulait pas non plus d’un parachute doré, même si la circonscription est en or.  » J’ai réclamé une autonomie politique et logistique « , assure la députée, soucieuse de montrer que, malgré son inexpérience et une candeur encore visible, elle n’est pas  » chaperonnée « . Plusieurs allers-retours dans le Sud ont été nécessaires pour s’assurer qu’elle serait bien reçue. Un mois plus tard, elle signe autographes sur autographes et fait la bise aux gens sur les marchés qu’elle arpente avec ses Converse délavées. A ceux qui raillent sa jeunesse elle répond :  » Je suis légitime, car j’ai la vie devant moi.  » Pour compenser ce handicap, elle a constitué un ticket avec Hervé de Lépinau, un avocat de 40 ans, disposant des relais locaux qui lui manquent. Vice-président de la Ligue du Sud, le petit parti de Jacques Bompard, Lépinau s’est engagé à titre personnel, car Le Pen ne veut pas entendre parler d’un accord avec son vieil ennemi Bompard, le maire ex-FN d’Orangeà  » Je ne voulais pas d’un suppléant fantôme. Ici, les gens veulent un rapprochement des droites « , note, de son côté, la nouvelle élue.  » C’est une perfectionniste, elle ne laisse rien au hasard, remarque Marie-Christine Arnautu, responsable du FN en Ile-de-France. Marion fera de la politique, elle a cela en elle. « 

Chez les Le Pen, la politique est une affaire de dynastieà féminine. Comme Marie-Caroline, Yann et Marine, Marion baigne dedans depuis son enfance. La première fois qu’elle défila, un 1er Mai, c’était en poussetteà Comme ses aînées, elle dit avoir souffert de porter son patronyme.  » Surtout en primaire et au collège, confie-t-elle. En 2002, j’avais 12 ans. A cet âge, on ne comprend pas forcément ce qui se passe. « 

 » Elle a porté le fardeau « , confirme une proche, qui évoque des petites humiliations et quelques mises à l’écart. Les temps ont changé.  » Aujourd’hui, à Assas, je suscite plus la curiosité que l’animosité.  » Marion Maréchal précise :  » Marine y est pour beaucoup.  » Encartée à 18 ans, cette autre blonde diaphane est apparue dans l’ombre de sa mère, responsable des grandes manifestations du Front, à qui elle donne un coup de main. Pourtant, c’est àà l’UMP de Nicolas Sarkozy qu’elle envisage d’abord de s’impliquer ! Elle confirme :  » Le personnage m’a assez emballée. Je suis entrée en contact avec des jeunes militants UMP à Paris, mais j’en suis très vite revenue.  » A l’époque, elle prend soin d’en parler avec son grand-père. Surprise : il ne la décourage pas.  » Il m’a dit que si c’était une démarche sincère, il n’y avait pas d’obstacle.  » Après tout, Le Pen lui-même trouva Sarkozy, au début de son quinquennat, plein de  » charme « . Il n’en est plus question aujourd’hui. Malgré son sourire angélique, la nouvelle députée martèle, de moins en moins empruntée, l’argumentaire du parti sur l’immigration. Ici, le FN a remplacé la droite.

ROMAIN ROSSO

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