Moins de morts, et plus d’accidents

L’Union européenne exige que tous les Etats membres diminuent de moitié leur nombre de décès sur la route d’ici à 2010. En Belgique, l’année dernière, ce nombre a diminué de… 0,2 %. Nous sommes donc bien loin du compte.

Mauvaise nouvelle : l’an dernier, le nombre d’accidents de la route a augmenté de 1,3 % par rapport à l’année précédente. Et ce, malgré toutes les mesures prises par les autorités, les associations comme Touring, ainsi que l’Institut belge pour la sécurité routière (IBSR). Après une amélioration lors des dernières années, les nouveaux chiffres sont impitoyables : pour l’année 2007, la Direction d’information statistique et économique du Service public fédéral économie a enregistré 49 794 accidents de la route dans notre pays, contre 49 171 en 2006. Le nombre de victimes a également augmenté, passant de 66 366 en 2006 à 66 917. Cependant, le nombre de décès sur nos routes a régressé de… 0,2 % : on est passé de 1069 à 1067. Cela fait deux morts de moins. Un bien piètre progrès.

Touring et les associations belges d’automobilistes reconnaissent que l’amélioration de la sécurité routière est une entreprise difficile. Maarten Matienko, de l’association flamande VAB, et son collègue Danny Smagghe, de Touring, ont, en collaboration avec la KUL, effectué des recherches quant à l’attitude des gens face aux limitations de vitesse.  » La sécurité routière est le produit d’une bonne infrastructure, de bons véhicules, de bons contrôles, de bonnes réglementations, de bonnes formations et d’une bonne attitude du conducteur, développe Matienko. Tout cela n’est pas encore au point. De notre étude avec la KUL, il résulte que huit Belges sur dix sont favorables aux limitations de vitesse, mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils adaptent leur conduite en conséquence. C’est là que la politique doit intervenir, par la sensibilisation et par les contrôles. Nous plaidons en faveur d’une approche aussi bien positive que négative, récompense et punition. On pourrait par exemple faire une distinction entre les automobilistes qui outrepassent régulièrement les règles de la circulation et les contrevenants occasionnels : lors d’une première infraction grave, vous ne payeriez que la moitié de l’amende normale. Lors d’une deuxième infraction commise dans un certain délai, l’amende serait majorée de moitié. Nous préconisons également d’autres sanctions pour les récidivistes lourds. Les amendes actuelles n’ont aucun aspect social car elles ne tiennent pas compte des revenus. Associer l’amende aux revenus n’est pas une chose simple car, dans le cas de nombreux indépendants, par exemple, nous ne savons pas déterminer ce qu’ils gagnent. Leur salaire ne correspond pas toujours à leurs revenus réels. C’est pour cette raison que nous plaidons en faveur des amendes alternatives, par exemple, sous la forme d’une formation obligatoire. Pour quelqu’un qui gagne beaucoup d’argent et a un boulot exigeant, une telle formation signifie un sérieux investissement en temps. Tout le monde est égal devant la loi. « 

Pour Touring, le nombre de tués de la route est le résultat du degré de qualité de la combinaison conducteurs-véhicules-routes.  » Lors de nos nouveaux crash-tests, précise Danny Smagghe, tous les véhicules testés ont obtenu un score de cinq étoiles au niveau de la protection, alors que, il y a quatre ans, la moyenne se situait encore aux environs de trois étoiles. La sécurité des véhicules est donc en nette hausse. En ce qui concerne l’infrastructure, les autoroutes sont beaucoup plus sécurisantes que les routes régionales, et ce, non seulement en Belgique mais également dans toute l’Europe. Les routes régionales sans berme centrale ou rail de sécurité sont témoins de beaucoup de tués. Nous demandons donc qu’une berme centrale soit aménagée sur ces routes et que d’autres mesures soient prises pour protéger les conducteurs des accidents. Nos routes ne sont pas adaptées aux temps modernes : de plus en plus de voitures circulent, et il y a 25 % de motards de plus qu’il y a cinq ans. Nos routes ne sont pas équipées en conséquence. Et, en ce qui concerne les conducteurs, nous devons continuer à les sensibiliser. « 

Freiner de manière correcte

40 % des tués de la route se situent dans la tranche d’âge des 18-34 ans. Est-ce la preuve que l’intelligence s’acquiert avec les années ?  » Certainement pas, lance Danny Smagghe. Ce serait une erreur de mettre tous les jeunes à la même enseigne, même s’ils ne bénéficient pas encore de beaucoup d’expérience.  » Maarten Matienko ajoute :  » L’expérience de la conduite est importante, mais le moment où l’on prend le volant et la perception du risque le sont tout autant. Quand les jeunes prennent-ils la route ? Le week-end et le soir. Une mauvaise visibilité et la fatigue combinées à une conduite imparfaite et sous l’influence d’alcool ou de la drogue augmentent le risque d’accident. A cela s’ajoute que les jeunes évaluent très mal le risque. Mettez une voiture sécurisante dans les mains d’un jeune et il vous dira qu’il ne peut rien lui arriver. Quant aux conducteurs de SUV (véhicules utilitaires sport), ils roulent également plus vite et gardent moins leurs distances car ils ont l’impression d’être en sécurité. « 

Matienko revient sur l’importance de l’expérience de la conduite :  » Nous devons apprendre aux jeunes les bonnes techniques de base, comme les techniques de visibilité et de freinage. Nous remarquons, par exemple, que de nombreux jeunes ne freinent pas correctement. Par exemple : débrayer d’abord et freiner ensuite est une erreur ! Il faut procéder de la manière inverse, sinon le moteur devient moins contrôlable. Si vous enfoncez d’abord l’embrayage, vous mettez plus de temps à vous arrêter et vous courez donc le risque de vous arrêter trop tard. « 

Encore quelques chiffres intéressants : c’est durant le week-end qu’ont lieu 30 % des accidents, qui occasionnent 32 % de victimes. Ce n’est pas beaucoup plus que durant la semaine. Se focaliserait-on trop sur les accidents du week-end ? Freddy Verkruyssen, du Service public fédéral économie, précise :  » Selon nos calculs, le week-end débute le vendredi soir à 22 heures et se prolonge jusqu’à lundi matin 6 heures. Cela fait 56 heures. La semaine compte 112 heures, ce qui représente le double. On peut donc affirmer qu’il y a autant d’accidents lors d’une journée de semaine que lors d’une journée de week-end. Mais le nombre de blessés durant le week-end est supérieur de 36 % et le nombre de tués est même supérieur de 40 %. Les conséquences des accidents survenus pendant le week-end sont donc beaucoup plus importantes. « 

L’éducation routière : cruciale

En Flandre, la ministre de la Mobilité, Kathleen Van Brempt (SP.A), a débloqué pour 2008 et 2009 un budget de 14,3 millions d’euros pour développer des actions en faveur de la sécurité routière. Une partie importante de ce montant est allouée à l’éducation. Ainsi, à partir de cette année, les élèves en fin de secondaire pourront présenter gratuitement leur examen théorique de conduite dans 90 % des écoles flamandes. Pour le VAB, il s’agit d’une bonne initiative. Matienko déclare :  » Nous avons effectué un sondage auprès des jeunes pour évaluer leurs connaissances du code de la route. Le résultat démontre que cette connaissance est très faible. Les jeunes cyclistes courent un grand risque car ils ignorent le code de la route. Nous avons également analysé l’apport de l’enseignement secondaire sur le plan de l’éducation routière. Le résultat démontre qu’il est pratiquement nul. Van Brempt a pris ces constatations très à c£ur. Cela résout-il tous les problèmes ? Non, mais c’est un pas dans la bonne direction. Les enfants se voient dispenser une éducation routière dans l’enseignement inférieur, et puis plus rien. Nous souhaitons qu’il y ait plus d’heures consacrées à l’étude des techniques routières à l’école, étalées sur les différentes années scolaires. Dans le secondaire, bon nombre de jeunes se rendent à l’école à vélo, sans réellement connaître le code de la route. Ils ne peuvent donc pas mesurer les risques encourus dans la circulation.  » Danny Smagghe, de Touring, déplore cependant que le nombre d’heures de conduite pour l’obtention du permis de conduire ait été réduit.  » La formation de conduite que dispensent les instructeurs est en effet différente de celle que l’on peut acquérir dans les livres ou sur ordinateur « , plaide-t-il.

110, 120 ou 130 km/h

Le secrétaire d’Etat à la Mobilité, Etienne Schouppe (CD&V), a marqué de bons points auprès de Touring et du VAB avec la création de l’Observatoire pour la sécurité routière, dépendant de l’IBSR. L’Observatoire doit collecter des données sur les causes exactes d’un accident. Jusqu’à présent, cette analyse approfondie faisait défaut. Mais la proposition de Schouppe visant à réduire la vitesse maximale à 110 km/h par mauvais temps sur autoroute sème à nouveau le désaccord. Danny Smagghe précise :  » Nous accueillons la proposition, mais nous demandons que, par beau temps, la vitesse maximale soit augmentée jusqu’à 130 km/h. Schouppe s’est basé sur un certain nombre de pays où cette réglementation en cas de mauvais temps est déjà d’application, comme la France, les Pays-Bas et l’Allemagne. Le nombre de victimes y a baissé. Nous voulons aller dans ce sens : le système des 110-130 km/h a déjà permis de réduire le nombre de victimes de la route dans neuf pays européens.  » Maarten Matienko n’est pas convaincu :  » Une limitation de vitesse à 130 km/h n’a pas de sens. Elle augmente le risque d’accidents car la différence de vitesse sur autoroute devient plus importante. Certains conducteurs roulent à 130 km/h, d’autres s’en tiennent à 120 ou 110 km/h. Sur autoroute, plus la différence de vitesse est grande, plus le risque d’accident est important. En outre, à 110 km/h, on a 12 % de chances supplémentaires d’avoir un accident qu’à 100 km/h.

Notons également l’aspect lié à l’environnement : quand vous accélérez de 120 à 130 km/h, la consommation de carburant augmente en moyenne de 10 à 12 % et les émissions de CO2 sont aussi plus importantes. En outre, de plus grandes différences de vitesse sur autoroute occasionnent plus d’accélérations et de freinages, engendrant encore davantage de consommation. L’idéal serait donc de s’en tenir à 110 km/h pour obtenir un rendement parfait du véhicule. Croire que l’on peut rouler plus vite la nuit ou par beau temps est faux. Le nombre d’accidents de nuit a augmenté de 4 % au cours des sept premiers mois de 2008 par rapport à la même période l’année précédente. Pourtant, les gens pensent souvent que le risque est moindre pendant la nuit. Nous avons effectué une analyse en collaboration avec la VUB, au cours de laquelle nous avons fait rouler des personnes vers Lyon, le matin et le soir. Nous avons remarqué qu’elles conduisaient nettement moins bien la nuit qu’en journée. Le plus grave, c’est que la plupart d’entre eux pensaient avoir bien conduit, tandis que les résultats prouvaient tout le contraire. « 

Plus de 10 % des tués de la route succombent lors d’accidents où au moins un poids lourd est impliqué : 64 morts dans des voitures particulières, 25 dans les poids lourds et 40 parmi les usagers faibles de la route (piétons, cyclistes et vélomoteurs). Pourtant, VAB et Touring ne veulent pas pointer du doigt les conducteurs de poids lourds. Maarten Matienko argumente :  » Le comportement au volant du camionneur n’est certainement pas toujours à la base d’un accident. Le camion pose un problème, je ne le nie pas. Une mauvaise visibilité, une maniabilité difficile, l’impact important lors d’un accident… Mais il faut également ajouter que les voitures particulières effectuent parfois des man£uvres dangereuses vis-à-vis des camions. En partie par ignorance et en partie par manque d’égards pour le conducteur du poids lourd. Nous souhaitons susciter le respect envers les camionneurs qui roulent de manière correcte, sans fermer les yeux sur leurs collègues qui prennent des risques injustifiables.  » Matienko, lui, estime que les autorités ne prennent pas leurs responsabilités et qu’il y a bien trop peu de contrôles à l’égard des poids lourds. La ministre flamande Van Brempt, elle, voudrait libérer des moyens pour aller dans ce sens, mais attend la même chose de la part du gouvernement fédéral.  » Mon avis est que la police fédérale effectue trop peu de contrôles, déclare-t-elle. Je crains que le gouvernement fédéral fasse moins d’efforts en faveur de la sécurité routière, alors qu’il devrait s’investir davantage. Les signaux que je perçois à ce sujet ces derniers temps sont très alarmants. « 

Bart Vandormael

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