MéDIAS ET ÉGLISE : DEUX PAROLES, TANT DE MALENTENDUS

Benoît XVI et le Vatican se sont encore une fois retrouvés dans la ligne de mire des médias occidentaux : après l’affaire des évêques lefebvristes, les propos du pape au sujet du préservatif ont déclenché une vague de condamnations dans la majorité des journaux européens. Cette tension ne se résume pas aux sujets sensibles tel le sida, déjà au centre d’une polémique en 1993 lorsque Jean-Paul II avait déclaré que  » le contrôle de soi et la chasteté  » étaient  » les seuls moyens vertueux et sûrs  » de mettre un terme au fléau. D’autres thèmes crispent les deux parties depuis la fin des années 1980 : port du foulard islamique, avortement, euthanasie, ou encore célibat du clergé.  » Le fossé n’a cessé de s’élargir entre les hommes de l’Eglise et le monde des médias « , écrit Henri Tincq, coauteur d’un ouvrage sur la question.

Mais ces rapports houleux n’illustrent pas que des conceptions éthiques différentes. C’est aussi l’histoire d’une lutte d’influence :  » Le contrôle de la prise de parole publique, autrefois en Occident sous la gouverne des Eglises, appartient maintenant aux médias : ce sont eux, dorénavant, qui distribuent le droit de parole publique à qui ils jugent bon « , note Guy Marchessault, professeur à l’université Saint-Paul d’Ottawa et spécialiste des relations entre médias et groupes religieux. L’Eglise n’a pas vu d’un bon £il la lente sécularisation de notre culture et le boom des médias de masse : aujourd’hui, c’est le JT quotidien qui est devenu  » le rituel majeur qui donne sens à notre présence au monde « , explique Guy Marchessault. Peur, dédain et repli sur soi ont longtemps caractérisé l’attitude du Vatican face à la presse jusqu’à l’ouverture amorcée pour de bon par Jean XXIII (pape de 1958 à 1963). Et selon Guy Marchessault, bien des journalistes témoignent encore d’une  » agressivité non résorbée  » contre les  » anciennes autorités toutes-puissantes « .

Restent aussi les logiques narratives opposées dans bien des cas : trop souvent cantonnée à une  » transmission de données d’un personnage charismatique par fonction vers la population « , la communication de l’Eglise devra  » se diversifier sur un modèle beaucoup plus horizontal que vertical « , observe Guy Marchessault. Or, justement, il conclut en précisant que  » le journalisme d’information joue trop souvent ce jeu et met en exergue le grand patron seulement : politicien, chef d’entreprise, professeur ou évêque, et encore plus pape… « .

O. Sta.

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