Maurice Lippens aggrave son cas

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Le patron déchu de Fortis a daigné rompre le silence. Pour prendre, sans prise de risque cette fois, une posture de victime qui se révèle du plus fâcheux effet pour l’image du banquier. Mais fallait-il espérer autre chose ?

On l’attendait de pied ferme. Depuis un an, les médias de la presse écrite et audiovisuelle se bousculaient au portillon, dans l’espoir de recueillir les états d’âme de l’ex-banquier le plus coté du royaume. Maurice Lippens s’est décidé à parler à l’occasion du premier anniversaire de la crise financière qui a ruiné son empire. Mais en des termes tellement convenus que l’ancien patron de Fortis n’aura surtout réussi qu’à se rappeler au mauvais souvenir du commun des mortels.

Maître du jeu, il dicte l’agenda médiatique. Amorcée samedi par une interview dans les quotidiens L’Echo et De Tijd, clôturée lundi sur les ondes radio de la RTBF et de la VRT, la première prestation médiatique de Maurice Lippens depuis la crise financière était tout, sauf improvisée. L’homme était évidemment en position de force pour négocier ses conditions.  » Il a choisi de communiquer quand il l’a voulu. Le premier anniversaire du déclenchement de la crise coïncide avec une phase de dédramatisation : on laisse entendre que la crise sera moins grave que redouté, qu’on atteint le bout du tunnel de la récession « , décode Marc Lits, directeur de l’Unité du récit médiatique de l’UCL. Autant saisir cet effet d’aubaine.

Il se réserve pour la presse économique et financière. Avant de répéter grosso modo son laïus à la radio de service public, le comte Lippens s’est  » dévoilé  » dans les colonnes de L’Echo et du Tijd.  » Ce choix ne relève pas du hasard : il s’agit de journaux de nature économique ou financière, généralement plus favorables au monde des entreprises et de la finance qui représente une part importante de leur lectorat « , relève Marc Lits. Au point que La Libre Belgique qualifie l’interview de  » carte blanche « .

Peu mis en difficulté, il a pu  » vendre sa marchandise « . On a déjà connu des personnalités des mondes politique, économique ou syndical plus malmenées par des journalistes. Invité à livrer sa version des faits, dans le cadre très balisé de l’affaire Fortis, Maurice Lippens a pu le faire sans jamais être vraiment poussé dans ses retranchements ni mis en réelle difficulté. Son discours relevait avant tout de la ligne de défense avant la lettre, soigneusement dictée par des avocats plutôt que par des conseillers en communication. Posture logique, vu les procédures judiciaires en cours qui condamnent Lippens à ne pas plaider coupable.  » Mais ce langage très mesuré, aux allures de plaidoyer pro domo, n’était pas adapté à la situation ni aux attentes des gens « , constate le directeur de l’URM.

Pas d’excuses et une conscience parfaitement tranquille. Contribuable ordinaire, petit épargnant, simple travailleur, obscur chômeur : tous auront eu droit à  » la colère, à la profonde tristesse, aux erreurs, à la conscience parfaitement tranquille  » du comte Maurice Lippens. A ses griefs aussi, contre le gouvernement belge ou les Hollandais. Mais nullement à des excuses. Ni, dans le chef du père du code d’éthique et de bonne gouvernance, à d’éventuelles remises en question profondes des dérives d’un système financier perverti par l’appât du gain et la recherche du profit.  » Que Maurice Lippens ait cherché à reconstruire une image positive est logique. Mais le résultat est tout autre : il ne s’est pas affiché avec la corde au cou mais s’est présenté en victime. Alors que le public oublie vite et avait peut-être déjà tourné la page Lippens, il n’a fait finalement que de se rappeler à son souvenir.  » Mieux valait peut-être s’abstenir.

PIERRE HAVAUX

Un langage très mesuré, nullement adapté à la situation

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