Manger mieux pour vivre vieux

Comme le vin, l’alimentation de la personne âgée doit se bonifier avec le temps. Et répondre, ainsi, aux menaces d’ostéoporose, de démence, de malnutrition, d’infections…

Les besoins nutritionnels des personnes âgées sont mieux connus que par le passé. Des recommandations spécifiques ont pu être établies, notamment pour prévenir certaines pathologies liées à l’âge. Devenir vieux n’est ni banal ni un privilège et l’alimentation participe pleinement à une « retraite » réussie et équilibrée. Tout doit donc être mis en oeuvre pour que le senior se nourrisse correctement, car son état de santé et son autonomie en dépendent.

Ce n’est pas parce que l’on vieillit qu’il faut manger moins. En tout cas, à activité physique égale les besoins énergétiques ne changent pas. En particulier, la consommation de viande, de poisson et de produits laitiers (c’est-à-dire des aliments riches en protéines, mais souvent boudés par les aînés) doit être stimulée afin de ne pas précipiter la dénutrition et ses méfaits, comme, par exemple, la sarcopénie (ou diminution de la masse musculaire). Celle-ci cause en effet souvent une perte d’autonomie en raison de la faiblesse musculaire et du risque accru de chutes qu’elle génère.

Malheureusement, la malnutrition n’est pas un phénomène rare. D’après l’étude Euronut-Seneca, en Europe (et en Belgique), une personne âgée sur deux est confrontée au risque de malnutrition, une sur quatre ne consomme pas assez d’énergie et près d’une sur dix a perdu au moins 5 kilos par rapport à son poids de l’âge adulte. Cette situation est souvent reflétée par le contenu du réfrigérateur, comme l’a démontré très récemment une étude suisse: les personnes âgées dont le frigo est vide (31 %) font plus souvent l’objet d’hospitalisations…

Au fur et à mesure que l’âge avance, le risque de déshydratation augmente. En effet, l’eau corporelle totale diminue d’environ 0,3 litre par an entre 40 et 70 ans. Au-delà, la diminution serait même plus nette. Par ailleurs, la sensation de soif s’émousse progressivement. La perception du besoin de liquide est plus tardive qu’à l’âge adulte, ce qui conduit à une moindre consommation de liquides. Enfin, le pouvoir de concentration du rein diminue avec l’âge : l’élimination urinaire des substances s’accompagne d’une plus grande perte d’eau. Pour toutes ces raisons, la personne âgée doit veiller à boire régulièrement, même si elle n’a pas soif. C’est encore plus indispensable lorsque la température extérieure (ou corporelle, en cas de fièvre) est élevée ou lorsqu’il y a des pertes hydriques importantes (diarrhées, prises de diurétiques). Idéalement, il faut avaler au moins un litre et demi de liquides par jour, de préférence de l’eau non glacée. Mais toutes les occasions de boire sont les bienvenues. Cela englobe les potages, les boissons aromatisées, les infusions, le café, les jus de fruit, le lait, et même la bière et le vin (de un à deux verres par jour, au maximum), à condition que ces derniers ne supplantent pas d’autres sources énergétiques plus utiles. Enfin, associée à une consommation suffisante de fibres alimentaires, une bonne hydratation prévient également la constipation, un mal chronique chez les seniors.

La prévention de l’ostéoporose constitue un autre défi majeur de l’alimentation des seniors, en particulier en raison de sa fréquence chez la femme ménopausée. Un défi à relever, car l’affection fait beaucoup de dégâts, aussi bien en termes de santé publique que sur le plan économique. D’après le Pr Boonen (KUL), près d’un tiers des femmes décèdent dans l’année qui suit une fracture du col du fémur. Le risque de placement en institution est également plus élevé chez ces femmes, en raison de l’augmentation de leur dépendance. Enfin, le gériatre estime le coût d’une fracture du col du fémur à 18 394 euros pour les deux années suivant l’accident.

Si la perte de masse osseuse entre 30 et 80 ans est environ deux fois moindre chez l’homme, l’ostéoporose masculine est cependant loin d’être inexistante. En fait, dans la plupart des cas, la fréquence de ces fractures rejoint celle observée chez la femme cinq à dix ans après la ménopause. La différence de risques est donc faible, d’autant que les répercussions sont souvent plus catastrophiques et plus mortelles pour les hommes que pour les femmes.

Equilibre, variété et suppléments

En fait, la santé de l’os peut dépendre de différents apports et comportements d’autant plus efficaces qu’ils sont adoptés précocement. C’est le cas, en ce qui concerne les femmes, pour l’hormonothérapie substitutive. En l’absence de contre-indications, elle devrait débuter dès la ménopause et durer le plus longtemps possible. De plus, et pour tous et toutes, il faut ajouter une activité physique : son effet de stimulation mécanique sur l’os et les muscles est bénéfique. La prévention des chutes est également importante : l’aménagement de l’environnement quotidien (habitation) mais, aussi, la réduction de la consommation de médicaments et le traitement de la malnutrition y contribuent.

D’autre part, il est important de corriger toute carence en vitamine D, essentielle pour la fixation du calcium dans l’os. La normalisation des apports protéiques sous forme de produits laitiers, de viande, de poisson participe donc à la lutte contre l’ostéoporose. Les protéines stimulent la croissance de l’os en favorisant la production par le foie d’un facteur de croissance, l’IGF-1. D’autre part, les apports calciques doivent également rester élevés. L’absorption du calcium diminue avec l’âge. Or le minéral freine la perte osseuse liée à l’âge et réduit le risque de fracture de vertèbres ou de col du fémur. Ses principales sources sont les produits laitiers, les eaux riches en calcium (qui est de même qualité que le calcium du lait) et certains fruits et légumes.

Même à un âge avancé, chez des femmes de plus de 80 ans, la prise de suppléments en calcium et en vitamine D peut ainsi réduire le risque de fractures du col du fémur de l’ordre de 30 à 40 %. Enfin, une consommation suffisante de fruits et légumes, ainsi que celle de potassium, de magnésium, d’isoflavones (que l’on trouve dans le soja) ou de polyphénols (dans le vin, le chocolat, le thé, l’oignon, l’huile d’olive vierge extra etc.) constituent autant de bons atouts pour une bonne santé osseuse.

A partir d’un certain âge, tout porte à croire qu’il n’y a plus de lien formel entre la consommation de graisses et, par exemple, le risque d’infarctus. Les régimes pauvres en graisses sont susceptibles d’entraîner des carences en acides gras essentiels et en vitamines A, E et D et d’induire ou d’aggraver la malnutrition et la sarcopénie. D’une manière générale, chez le vieillard, un surpoids modéré est plutôt le garant d’une espérance de vie plus longue. La meilleure recommandation est donc certainement de varier les sources de corps gras, en alternant les huiles végétales et les matières grasses animales (beurre, crème) et/ou végétales (margarine), mais pas de s’en priver totalement.

Le vieillissement s’accompagne aussi d’une altération des défenses immunitaires. On sait que la dénutrition aggrave cette immunodépression et est associée à un risque infectieux redoutable. Certains déficits nutritionnels, comme la carence en zinc et en sélénium, contribuent également au déclin des fonctions immunitaires. La qualité de l’alimentation, voire les suppléments nutritionnels, peuvent donc entraîner à court terme une diminution du nombre d’infections chez les seniors.

Enfin, l’avance en âge est souvent associée à une détérioration des fonctions cognitives (troubles de la mémoire), voire à des démences. Là encore, la fourchette a son mot à dire. De plus en plus d’études épidémiologiques montrent que de légers déficits en certaines vitamines (bêta-carotène, C, E, B6, B9 et B12 notamment) sont liés à une réduction des fonctions cognitives. Le maintien d’une alimentation globalement équilibrée, apportant de nombreux antioxydants, représente donc assurément un objectif majeur pour un vieillissement réussi.

Nicolas Rousseau

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