Londres en mode beaux-arts

Les musées londoniens nous proposent des rendez-vous palpitants. A commencer par La Tate Modern : elle se penche sur les recherches et les expérimentations de Paul Klee qui fut, avec Matisse et Picasso, l’un des peintres les plus innovants du XXe siècle.

Paul Klee (1879-1940) se méfiait de l’art spectaculaire. Ses plus grands tableaux ne dépassent pas le mètre de largeur. Le plus souvent, ses oeuvres ont la taille des pages d’un carnet de croquis. On aurait pu craindre alors leur confrontation avec les salles aussi vastes que hautes de la Tate Modern. Or, les 130 numéros rassemblés autour du thème de l’abstraction rayonnent et les visiteurs ne s’y trompent pas qui s’approchent, s’attardent et s’interrogent tout en souriant. Car ici, point de souffrance, d’expressions criardes ou d’opacités agressives. L’opus est pourtant révolutionnaire et de nombreux artistes doivent au peintre allemand leurs audaces.

Au départ musicien, comme ses parents, Klee entame des études d’art à Munich et dès 1912, rencontre les membres du Blaue Reiter dont Vassily Kandinsky est une des figures marquantes. Avec eux, il apprend le plaisir des couleurs subjectives et l’attention portée à l’intuition. Avec eux, il participe au voyage tunisien dont il rapporte des oeuvres claires et lumineuses. Mais il ne suivra pas la voie ouverte vers l’art pur de Kandinsky même s’il partage avec lui la passion pour la recherche de nouveaux vocabulaires.

Les deux hommes se retrouveront comme professeurs dans le véritable laboratoire d’idées que fut le Bauhaus jusqu’à ce que Hitler les en chasse. Kandinsky trouvera refuge à Paris. Klee à Berne. Mais alors que le premier se dégage du lyrisme de ses débuts pour gagner avec la géométrie, une sorte de classicisme abstrait, le second mêle à l’abstraction la plus évidente (des damiers de couleurs) des indices du monde visible. A la manière de pictogrammes, émergent alors des arbres, des animaux, voire des visages. Les rectangles suggèrent des maisons, les ovales se métamorphosent en poissons, les volutes se font oiseaux…

Klee explore l’intensité des teintes et leur lumière, la texture des surfaces et celle des supports, les qualités subjectives des formes et peut-être avant tout, les possibilités de la ligne comme ambassadrice d’émotions. D’où, l’immense champ d’expériences qui lui fait choisir comme fond, des papiers au grain différent, du carton, de la toile de lin ou de jute, du coton, de la mousseline ou encore des surfaces de contreplaqué. Il y pose ou y intègre l’huile ou la gouache, l’aquarelle, l’encre ou la détrempe usant pour ce faire de diverses techniques allant des procédés traditionnels aux plus inattendus. De ses oeuvres, comme il le notait,  » on ne fait pas le tour instantanément « . Car pour lui, il ne s’agit pas, pour reprendre une de ses déclarations les plus connues,  » de reproduire le visible mais de rendre visible… une vision secrète  »

Paul Klee – Making Visible, Tate Modern, Bankside. Jusqu’au 9 mars. www.tate.org.uk

Par Guy Gilsoul

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