Liège : achète qui peut, et pas cher

Les logements bas de gamme, à moins de 150 000 euros, se vendent bien à Liège. Mais les acheteurs déboursent rarement davantage : ils n’en ont plus les moyens. Côté prix, pas de chute notoire. Et pour cause : le marché n’a jamais explosé. Quand la banque finance, mieux vaut donc acheter et rembourser que louer à perte.

Les actes sont signés. La clé est à portée de main. Pour Sophie, 26 ans, c’est celle de la liberté. Après avoir loué une habitation durant des années, elle vient d’acheter, avec son compagnon, son premier appartement.  » C’est un achat bien réfléchi. On en avait assez de louer à fonds perdus. Le prix du loyer va rembourser le prêt. On aurait préféré acheter une maison ; mais, vu les prix, on a opté pour un appartement qu’on occupera quelques années avant de le louer.  » Cent quarante mille euros, c’était le maximum qu’ils pouvaient se permettre, tout en se laissant une marge pour continuer à vivre. Juste de quoi s’acheter un appartement deux chambres dans le centre, entre Guillemins et le Jardin botanique.  » On a choisi le logement en fonction de la mensualité qu’on pouvait se permettre : 740 euros, à rembourser pendant 25 ans.  » Même s’il a dû revoir ses ambitions à la baisse, le couple reste privilégié. En apportant un petit capital de base et deux salaires avec contrat à durée indéterminée en garantie, aucune banque ne lui a fermé ses portes.

Le parcours de Kevin est autrement difficile. Au même âge, le jeune homme est célibataire et indépendant. Il s’est tourné vers Credissimo, une agence subventionnée par la Région wallonne.  » Dans les agences bancaires, on me disait que je ne gagnais pas assez. Là, on m’a accordé pas mal de réductions et un taux préférentiel. Et puis, je bénéficie du prêt tremplin.  » Avec un budget plancher, 100 000 euros, Kevin a dû beaucoup chercher.  » A ce prix-là, il n’y a pas grand-chose de correct. Mais j’avais envie d’être indépendant, d’arrêter de payer un propriétaire qui s’enrichissait sur mon dos.  » Il a fini par dégoter un triplex de 150 m2, à Beyne-Heusay, en périphérie liégeoise.  » Je l’ai vu, j’ai sauté dessus. Mais rien n’est encore signé… « 

Calme plat dans le bas de gamme

C’est un fait : le prix des logements de moins de 150 000 euros n’évolue guère. Car, de l’avis général, le marché liégeois est déjà bas. Si bas que les professionnels du secteur voient mal comment ces biens dits  » bas de gamme  » pourraient encore diminuer.  » A Liège, le marché est très stable, assure Fabien Szmaj, gérant de la société Optimum. Il n’y a d’ailleurs jamais eu d’explosion des prix ici. Si certains prix ont chuté de 10 %, c’est beaucoup ! Et encore, il s’agit de biens moyens ou haut de gamme, à plus de 300 000 euros. « 

La crise, l’agent immobilier local l’a pourtant sentie passer en 2008. Les conditions de crédit n’étaient pas favorables. Mais 2009 semble aller beaucoup mieux.  » Des segments de marché fonctionnent à nouveau. Essentiellement dans la gamme des moyens-bas, soit en dessous de 200 000 euros. « 

Même discours chez un autre expert immobilier.  » Les petites maisons, de 100 000 à 200 000 euros, partent bien, constate Marc Penners, directeur de la société BIV. C’est plus difficile pour les grandes. Les gens ont envie d’acheter, mais pas de s’engager à long terme. A partir de 200 000 euros, le marché stagne. Et à partir de 300 000 euros, c’est presque impossible. On n’est pas à Bruxelles, ici ! « 

Fuir le c£ur urbain voire Liège, si pas solvable

Les quartiers les plus prisés ? Ceux qui l’ont toujours été. Les boulevards du centre-ville, certains quais comme le quai Marcellis, Cointe, les Vennes, le Laveu. Mais, depuis peu, la demande s’étend vers Saint-Léonard, le Thier- à-Liège, Sainte-Marguerite, le Cadran.  » C’est lié à la demande, assure Fabien Szmaj. Il est impossible actuellement de trouver des maisons trois ou quatre chambres dans le centre-ville à 200 000 euros. Les gens n’ont pas le choix, ils doivent s’excentrer. « 

Quid du quartier des Guillemins où sera bientôt inaugurée la nouvelle gare, et celui du Longdoz, où la Médiacité sort de terre et devrait changer la donne ? Toujours rien. Les agents immobiliers attendent un développement, mais il tarde à venir.  » Ceux qui voulaient spéculer l’ont déjà fait « , assure Marc Penners.  » Le quartier du Longdoz n’a jamais été bon, embraie Fabien Szmaj. C’est un quartier bas de gamme. Même si la Médiacité devrait être une bonne chose, il faudra peut-être 10 ans avant que ça devienne un eldorado.  » Aux Guillemins, par contre, tout le monde semble d’accord : le risque pour les investisseurs est proche de zéro. La gare va profondément changer le profil du quartier et ils seront les premiers à en profiter.

Côté vente, ici comme ailleurs, c’est l’acheteur qui dicte les règles du marché.  » Il y a plus d’offres que de demandes, répète Paul-Arthur Coëme, président de la Compagnie des notaires de Liège. Le nombre de transactions s’est réduit de 20 % ces derniers mois. On constate aussi que de nombreux acheteurs veulent quitter la ville. Ils se tournent vers les Ardennes : Sprimont, Neupré, Chaudfontaine. Ou alors le long de l’E 40, entre Liège et Waremme.  » Par contre, les communes plus industrielles, comme Ans, Flémalle ou Seraing, sont toujours boudées par les candidats acquéreurs.  » Si le budget est limité, c’est pourtant mieux de chercher par là, soutient le notaire. Ces communes n’ont pas bonne réputation ; pourtant, il y a des quartiers intéressants sur les hauteurs. Les gens n’y pensent pas. « 

Acheter, pour ceux qui le peuvent, c’est épargner

Mais, en définitive, est-ce le moment d’acheter à Liège ? Peu de professionnels osent se mouiller, même s’ils prétendent que le marché est stable.  » On ne sait pas de quoi demain sera fait… « , répond l’un d’eux à la normande. Mais pour le notaire Coëme,  » c’est le moment d’acheter pour ceux qui peuvent le faire. Le marché locatif est très faible : 80 % des citoyens sont propriétaires. Il reste donc à peine 20 % des biens en location. Du coup, les loyers sont élevés, et la qualité pas forcément au rendez-vous. Et puis, acheter, c’est une manière d’épargner… « .

La demande de biens en location reste forte. Et l’offre ne suit pas. Pourtant, environ 5 % des logements liégeois sont inoccupés. Devenus insalubres. Pour inciter les propriétaires à les réhabiliter, la Ville investit, achète par pans, retape et compte mettre 150 logements en location d’ici à quelques années. Au c£ur de la ville, du côté de Sainte-Marguerite, des rues Souverain-Pont ou Saint-Léonard. Notamment, d’anciennes maisons de passe récemment fermées.

 » Il y a un déficit de biens à louer à Liège et, parallèlement, une augmentation de la population, signale Jean-Baptiste Jehin, directeur de la régie foncière et du service logement de Liège. Ce dernier compte pas moins de 80 000 à 100 000 logements, dont 10 % de logements sociaux.  » Vu la recomposition des ménages actuels, on remarque d’importants besoins en habitations d’une ou deux chambres d’un prix abordable et de qualité correcte. Il y a aussi un manque flagrant de maisons unifamiliales « , pointe le directeur. La pénurie aurait pu partiellement se combler avec la construction de centaines de logements sur le site de l’ancien hôpital de Bavière, en Outremeuse. Mais la crise est passée par là : le chantier est à l’arrêt. Sine die.

Anne-Catherine De Bast

 » De nombreux acheteurs veulent quitter la ville. Ils se tournent vers les Ardennes « 

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