Les sikhs choqués

Emotion chez les sikhs : la police fédérale a perquisitionné dans un de leurs temples, à Vilvorde, où se cachaient 49 clandestins.

Pour les sikhs, adeptes d’une religion monothéiste indienne née au xve siècle, l’hospitalité est une obligation. Tous leurs temples, appelés gurdwaras, sont équipés de dortoirs et de vastes cuisines. Aussi la communauté sikhe de Belgique (entre 4 000 et 6 000 personnes) est-elle régulièrement soupçonnée d’accointances avec les trafiquants d’êtres humains. Encore faut-il en donner les preuves. En 2005, plusieurs responsables du temple de Halmaal, à Saint-Trond, avaient été arrêtés, après la découverte de 65 clandestins d’origine indienne, exploités dans les champs de fraises de la région. D’après certains témoignages, ils avaient transité par le temple, avant de gagner d’autres  » abris « . Leur but ultime était la Grande-Bretagne, où vit une importante communauté sikhe. Deux ans après, les suspects ont été acquittés.

Le coup de filet opéré, samedi dernier, dans plusieurs communes bruxelloises et à Vilvorde, dans le milieu des passeurs indiens de confession sikhe (18 arrestations, 162 illégaux interceptés), a soulevé une intense émotion. La police fédérale a, en effet, interrompu une cérémonie religieuse au temple de Vilvorde, et pas n’importe laquelle. On y célébrait le 300e anniversaire du Livre sacré, le Granth Sahib, dont le transport en grande pompe de sa  » chambre  » au temple, tous les jours, à 4 heures du matin, constitue le c£ur du rituel sikh. Outré par ce  » sacrilège « , le siège new-yorkais du culte réclame une enquête auprès du Premier ministre Yves Leterme. Il invite également les 25 millions de sikhs du monde entier à appuyer cette demande.

Le parquet de Bruxelles est embarrassé. Le substitut du procureur du roi, Tim De Wolf, coordonnait l’opération Sunset, préparée depuis un an et qui a occupé 220 hommes :  » Je n’étais pas au courant qu’une cérémonie était en cours « , assure-t-il. Sur le terrain, les policiers fédéraux n’ont pas mesuré l’impact de leur intrusion dans un lieu où, moyennant quelques signes de respect (se couvrir la tête, enlever ses chaussures), le non-sikh est pleinement accepté. De fait, 49 sans-papiers indiens sikhs étaient cachés dans le temple et ses dépendances hôtelières. Cela autorisait-il pareil manque de sensibilité culturelle ? Les policiers tentent, aujourd’hui, de convaincre les sans-papiers indiens de rentrer dans leur pays, spontanément ou en faisant appel à l’Organisation internationale des migrations, en leur démontrant qu’ils ont été victimes d’une filière de trafiquants. Un seul d’entre eux était encore en possession de son passeport. Il a été envoyé dans un centre fermé, en vue d’un rapatriement. Aucun responsable du temple de Vilvorde n’a été inquiété par la justice, faute d’indices formels de leur implication dans le trafic d’êtres humains.

Les autorités se trouvent confrontées à un problème délicat. Généralement, les sikhs ne posent aucun problème de cohabitation, excepté pour ce qui concerne le port du turban dans les écoles et, pour les hommes adultes, l’obligation d’avoir toujours sur soi un poignard, le kirpan. Mais la colonie sikhe de Belgique, composée initialement de réfugiés politiques qui avaient fui l’Inde après l’attaque, en 1984, du Temple d’or d’Amritsar par l’armée indienne (ce qui avait entraîné l’assassinat – en guise de représailles – de la Première ministre Indira Gandhi), ne compte pas que des enfants de ch£ur… l

Marie-Cécile Royen

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