Les secrets du paparazzi

Quel rapport entre le destin tragique de la princesse Diana et le suicide de Pierre Bérégovoy ? Réponse dans le thriller captivant de Serge Bramly, couronné du prix Interallié.

Enfin ! Enfin un écrivain français qui réussit à se colleter avec la face cachée de l’ histoire récente de son pays pour en faire un roman ambitieux et subtil. Enfin un écrivain français qui parvient à plonger au c£ur des magouilles d’Etat sans jamais perdre haleine, dans un vrai souffle littéraire. Pareil tour de force est signé Serge Bramly et s’intitule Le Premier Principe, le second principe : une enquête édifiante qui commence en 1981 avec le mariage de lady Di et s’achève à l’aube du xxie siècle sur les bords de la mer de Chine.

 » Tout est vrai. Rien n’est vrai « 

Premier principe : tout corps se refroidit au contact d’un corps froid. Second principe : dans un système clos, le désordre va augmentant. C’est de la thermodynamique mais ça vaut pour n’importe quel domaine, y compris la politique et les affaires. On comprend mieux en lisant ce livre, qui relie le destin tragique de quatre personnages : une princesse britannique, le photographe qui la traquait, un marchand d’armes suisse, un Premier ministre français qui pourrait s’appeler Pierre Bérégovoy.

 » Ce ne fut que lorsque leurs routes se croisèrent et qu’il y eut collision et interaction forte, quoique sur le mode secret, qu’un mécanisme de type supérieur se constitua, qui les enferma dans une sphère commune « , écrit Serge Bramly, qui s’était déjà illustré dans le polar en 1996, avec Le Réseau Melchior. Aujourd’hui, ce lecteur assidu de Robert Littell, grand nom du roman d’espionnage américain, va plus loin : de Buckingham Palace au pont de l’Alma, des jardins de l’Elysée au siège parisien des services secrets, de l’Afrique à l’ex-Yougoslavie, de Bruxelles à Moscou, Le Premier Principe, le second principe lève le voile sur trente ans de dossiers occultes, de trafics en tout genre, de tragédies personnelles au sommet de la République.

 » Tout est vrai. Rien n’est vrai. C’est un roman « , prévient un exergue discret. N’empêcheà Par la voix de son narrateur, éminent sinologue et ancien analyste de la DGSE, Serge Bramly montre un souci du détail qui témoigne de sa profonde connaissance du sujet. Ce n’est pas pour rien qu’il a passé trois ans à se documenter, aussi bien en rachetant sur eBay des collections entières de journaux people de l’époque qu’auprès de ses contacts aux RG. D’aucuns reconnaîtront aussi les modèles de ses personnages principaux, notamment le trafiquant d’armes Jacques Monsieur et le paparazzi James Adanson, trait d’union entre les divers protagonistes, carbonisé avec ses secrets dans sa voiture en 2000. Alors, mensonges politiques et vérité romanesque ?

Serge Bramly avait fermement renoncé à la fiction après le bide de son précédent livre, Ragots, paru en 2001, roman historique autour du comte Roger de Bussy-Rabutinà Jusqu’à ce qu’un ami lui fasse lire l’£uvre de W. G. Sebald (1944-2001), écrivain allemand obsédé par la véracité de ses descriptions, pionnier de la » déontologie dans la littérature « , selon Bramly. Deuxième choc : les séries américaines, telles que A la Maison-Blanche, Les Soprano, Lost, et leur sens de la narration exemplaire. Si les productions télévisées françaises en sont restées au stade de la pâle copie, le nouveau roman de Serge Bramly peut, lui, se targuer de rivaliser avec les meilleurs crus d’un John le Carré ou d’un Robert Harris. Puisse-t-il faire des émules !

Le Premier Principe, le second principe, par Serge Bramly.JC Lattès, 614 p.

Delphine Peras

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